Montagnes

MONT-BLANC

Le tour du Dolent

- Textes et photos : Jean Annequin.

Montagnes Magazine#

Le Dolent, maître des frontières entre la France, la Suisse et l’Italie, trône majestueus­ement au-dessus de vallées profondes. Ce n’est pas un sommet que l’on gravira pour une course aux chiffres. Avec ses 3 823 mètres, il ne joue pas dans la cour des 4 000. Il n’a pas non plus la réputation d’avoir une face nord à l’image de celles des Jorasses ou des Droites. Il est simplement connu pour être à la jonction des trois frontières. Sa forme est attirante. Une belle pyramide qui change au gré des versants. Les versants nord et est sont abrupts, le côté sud est plus abordable, mais aucun accès n’est débonnaire car niché loin au coeur du massif. Côté français, il faut plonger dans le bassin d’Argentière pour découvrir la belle pyramide avec sa face nord de 900 mètres. Côté suisse, il faut remonter après La Fouly, dans le vallon de l’A Neuve pour découvrir la seule face du Dolent qui ne se gravit plus depuis longtemps. Côté italien, au bout de la vallée, après avoir passé Planpincie­ux, la Vachey et enfin le hameau d’Arnouva, en remontant lentement le long de la Doire jusqu’au refuge Elena, on l’aperçoit au détour d’un lacet, perché tout en haut du glacier. Le prétexte de tourner en ski autour peut être justement de découvrir toutes ces facettes et pourquoi pas de le gravir. C’est aussi et sûrement l’une des meilleures manières de découvrir quelques endroits encore un peu secrets du massif du MontBlanc. Car en hiver, les hameaux au fond des vallées sont isolés du monde. Encore aujourd’hui, pour rejoindre Ferret en Suisse ou Arnouva en Italie, les routes ne sont pas déneigées. À la fin de l’automne, quand les derniers randonneur­s s’en sont allés, quand les vaches sont au chaud à l’étable, les portes de ces vallées se ferment petit à petit. Les premières neiges viennent former les premières congères qui barrent les routes. Quelques pistes de ski de fond serpentent dans le début des vallées mais, au-delà, c’est le wild. Quand les journées sont courtes, dès que le soleil disparaît derrière une arête, la montagne reprend son immensité. L’ombre des sommets géants vient dominer ces beaux alpages où le skieur de randonnée se plaît à tracer les plus belles courbes. Mais revenons au tour du Dolent. Ce raid à skis essaie d’approcher au mieux toutes les faces. Jeu à saute-mouton sur les frontières, il faut être astucieux pour coller au plus près de ses flancs. On s’ingénie à comprendre les faiblesses des cols et des pentes. Et là, on s’aperçoit que sorti des topos et récits sur l’Internet, plein d’options sont possibles. On peut rêver de faire ce tour avec des profils d’ascension radicaleme­nt différents. Journées courtes et neiges froides d’hiver nous pousseront à passer les cols au plus simple pour rejoindre les fonds de vallée par des pentes douces. Les longues journées et les neiges de printemps nous laisseront toute la liberté d’aller taquiner les sommets et les pentes les plus raides.

UN DÉPART DEPUIS… LES REMONTÉES

Le début de ce raid est le contre-pied de ce que l’on pourrait venir chercher, le calme et la tranquilli­té. Le départ se fait depuis les remontées mécaniques des Grands Montets. L’avantage du gain de dénivelée rapide pour rejoindre les glaciers est un peu effacé par les difficulté­s pour avoir la première benne. Nos skis de rando étroits côtoient le royaume du freeride. Être à l’heure ne suffit pas. Il faut accepter d’être patient. Mais dès le sommet des Grands Montets, on change d’ambiance. On plonge au coeur des glaciers que l’on ne quittera plus de toute la journée. Les pentes sont larges pour rejoindre le plat du glacier d’Argentière, mais les pièges et les nombreuses traces forcent à la vigilance. L’environnem­ent est grandiose. Avec

l’aiguille Verte dans le dos, nos yeux sont rivés sur le col entre l’aiguille du Chardonnet et l’aiguille d’Argentière. Il est rare d’être seul pour cette étape commune avec la première de Cham’-Zermatt. La descente du col se négocie grâce à une corde passée en rappel dans un maillon. Au pied du col, les chemins se séparent avec les skieurs de la Haute Route. Tandis qu’ils obliquent vers la fenêtre de Saleina, nos spatules nous mènent au bivouac des Plines. Niché sous les Aiguilles-Dorées, ce petit refuge bivouac est idéalement placé pour découvrir les cols qui bordent le glacier de Saleina. Depuis l’entrée, on devine aisément le début de l’itinéraire du lendemain.

DES GLACIERS AUX ALPAGES

Pour la deuxième étape, il faut faire un choix. Soit passer le “vrai” col de la Grande Lui et par là même pourquoi pas gravir la Grande Lui. Soit passer le col de Planereuse, le col de Crète sèche et le col des Essettes (plus facile). Les deux itinéraire­s sont grandioses et très sauvages. Ils se rejoignent au-dessus du refuge de l’A Neuve. La suite de la descente est superbe face au versant le plus complexe du Dolent. En arrivant à skis dans La Fouly, on découvre Neige fraîche, pas de

traces, la corde se justifie pour traverser

le glacier de Saleina avant les pentes sous le

col de la Grande Lui. que cette toute petite station est organisée autour d’une auberge. Ça tombe bien, car c’est là où l’on peut dormir. Arrivés skis aux pieds, on repart skis aux pieds. Pour cette troisième étape, changement de décor. On quitte le monde glaciaire pour naviguer entre les bergeries d’alpage où se fabrique à la belle saison le fromage Frontine. La montée au Grand Col Ferret est longue en distance et permet au fur et à mesure de découvrir l’envers du MontBlanc. Triolet, Gruvetta, Petites Jorasses, Grandes Jorasses se dévoilent au-dessus des crêtes. Par une longue descente depuis le col, on rejoint le refuge Elena, fermé au printemps. Un long plat mène au pied de la remontée au refuge Bonatti. Après la brève incursion au pays de la fondue, nous découvrons le monde des antipasti, des pastas et du risotto. Refuge gastronomi­que, refuge musée de l’histoire de Bonatti, refuge détente, un mélange qui ne laisse pas indifféren­t. J’ai souvent vu les skieurs de rando finir ce tour par la descente de la vallée Blanche. Sur la carte, le programme est logique. Descente à La Palud, téléphériq­ue d’Helbronner, glacier de la Vierge, vallée Noire, mer de Glace, cabane des Mottets, Chamonix, le tour est bouclé. Mais quelle frustratio­n de replonger dans la montagne mécanisée, de côtoyer la foule. Pour rester dans l’ambiance, on peut profiter des belles crêtes et sommets au-dessus du refuge Bonatti en gravissant le col de Malatra, le col d’Entre Deux Sauts et la Testa Bernarda pour rejoindre Planpincie­ux puis Entrève.

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Les belles pentes sous le refuge de l’A Neuve.
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