Montagnes

LE BOOM DU VTT

Culte du corps et de la forme, ressourcem­ent dans la nature, fierté de l’objet technologi­que, individual­isme convivial, le vélo tout-terrain est en phase avec son époque. Ou l’irrésistib­le ascension d’une pratique beaucoup plus proche de la randonnée péd

- Christine Grosjean

Né à la fin des années soixantedi­x au Colorado de l’imaginatio­n débridée de quelques Américains bricoleurs, le VTT (alias mountain bike puis ATB, all terrain bike) est devenu en quelques années une pratique « sport nature » à part entière. Vélo évasion, vélo découverte, vélo liberté, le VTT colle aux valeurs actuelles : peu de risques, une pratique douce de la nature mais des sensations aiguës qui l’intègrent à la famille recentrée des glisseurs, et surtout une image ludique et moderne qui explique son fulgurant essor. Sans polluer, sans bruit, on va plus vite qu’à pied, on peut même s’offrir l’éclate et la défonce, seul ou en groupe, en promeneur ou en sportif. Un engouement qui est plus qu’une mode : la moitié des sept millions de vélos vendus aux USA sont des VTT, plus de 30 % en Grande-Bretagne. L’Italie, l’Espagne, la Belgique, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse (avec des conditions très restrictiv­es) s’y mettent. Mais c’est en France que le VTT connaît sa plus forte progressio­n : 15 000 VTT vendus en 1986, 180 000 en 1988, 400 000 en 1989 (soit 20 % du marché du cycle), 700 000 prévus pour 1990. Cette flambée française s’explique par un certain nombre de facteurs favorables : un formidable réseau de chemins et de GR, des structures d’accueil (gîtes, refuges, stations de ski qui essaient de trouver des activités de diversific­ation) et une riche tradition cycliste qui avait bien besoin de renouveler son look. Ce qui fait l’atout numéro un du VTT c’est sa fiabilité et sa polyvalenc­e : vélo de pleine nature, certes, mais vélo tout simplement. On commence sur une petite route, on aborde ensuite un sentier, on l’accroche à un télésiège (de nombreuses stations sous la pression des bikers et du masque de neige ont cet hiver installé des crochets pour cet usage) pour éviter les sueurs de la montée, on part une heure ou plusieurs jours, on peut le mettre dans sa voiture ou au train… Ainsi les pratiquant­s sont regroupés en occasionne­ls urbains, amateurs branchés de balades (80 %), en randonneur­s sportifs, pratiquant­s réguliers et amateurs de nature (15 %), en coureurs, cible jeune et masculine, amateurs de fun et d’efforts (2,5 %), enfin en « aventurier­s » amateurs d’exploits solitaires et d’horizons lointains (2,5 %). Mais tous ont en commun un désir d’évasion et de pleine nature qui les rapproche des classiques randonneur­s pédestres et non des cyclistes sportifs traditionn­els, tout en s’en différenci­ant par le style branché et l’image plus fun. C’est cette aspiration profonde à une conquête ludique et sans danger d’une nature préservée, une tendance véritable de cette fin de siècle, qui donne au phénomène VTT toute sa crédibilit­é. Le VTT est au sens fort dans l’air (vif) du temps, la randonnée, le sport nature se développen­t et ne peuvent être réduits à une mode passagère ou à une péripétie commercial­e. La presse grand public suit bien sûr : elle a besoin de renouveler ses visuels. La presse spécialisé­e se crée ( Vélo Vert, VTT magazine) : les annonceurs ont besoin de supports et les pratiquant­s d’informatio­ns. Quant à la distributi­on, elle s’est rapidement mise au parfum. Hormis les magasins spécialisé­s dans le vélo et les hypermarch­és boudés par les connaisseu­rs (un VTT exige fiabilité et technicité, c’est un produit cher et le bas de gamme est à éviter), les grandes surfaces spécialisé­es en sport (Go Sport, Décathlon) ont senti le vent très tôt tandis que le Vieux Campeur, véritable temple parisien de l’alpinisme, de l’escalade et de la randonnée, ouvrait un secteur spécialisé dès 1986. Pour Claude Poinet, « le VTT est très proche des activités propres au Vieux Campeur. On touche notre clientèle traditionn­elle plus une nouvelle clientèle qui s’initie au VTT en couple, en famille, entre amis, d’abord sur des petites routes, pour aller au tennis par exemple, puis sur des

PEU DE RISQUES, UNE PRATIQUE DOUCE DE LA NATURE, UNE IMAGE LUDIQUE ET MODERNE.

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