Montagnes

QUI SONT LES GUIDES, PROMO 2015 ?

Chaque année, l’ENSA délivre le diplôme de guide de haute montagne, qui vient valider un long et exigeant processus de formation, à une cinquantai­ne de personnes. Afin de mieux connaître ceux qui comptent parmi les rares élus ayant décroché le Graal souve

- Par Jacques Tyrol. Photos : Ulysse Lefebvre

Homme, 31 ans, Bac +3, en couple, sans enfant… Ceci n’est pas le début d’une petite annonce. Non, il s’agit du « portrait-robot » des guides de haute montagne diplômés en 2015. 35 % des 51 membres de cette promotion ont répondu au questionna­ire que nous leur avons soumis dans le but de mieux mettre en perspectiv­e le profil type du guide à un instant T. Sans surprise, la première grande tendance est massive. À l’heure de la parité, il s’agit encore d’un métier d’homme… Marion Poitevin, 31 ans, de Vallorcine, l’une des trois seules femmes diplômées cette année-là (6 % de l’effectif), reconnaît d’ailleurs que ce métier n’a, pour elle, jamais constitué un rêve d’enfant « parce qu’il était impossible de faire un tel rêve quand j’étais une petite fille. Je ne connaissai­s même pas ce métier… » . Du coup, aujourd’hui, elle espère « voir de plus en plus de femmes prendre leur place dans ce métier passionnan­t » et se montre déçue quand « de jeunes femmes me disent que ce métier leur plaît, mais qu’elles ont peur d’échouer » . Guide elle aussi depuis 2015, Raphaële Charvet, de Saint-Martin de Queyrières, dans les Hautes-Alpes, 40 ans, s’entend souvent demander : « Ce n’est pas trop dur d’être une femme dans ce milieu ? » Qu’ils soient hommes ou femmes, les guides de la promotion 2015 avaient donc en moyenne 31 ans à la date d’obtention de leur diplôme. 25 ans étant l’âge du plus jeune, 39 ans celui du plus âgé. 31 ans correspond-il à l’âge idéal pour devenir guide de haute montagne ? À ce sujet, les avis de leurs aînés divergent. François Marsigny, responsabl­e du départemen­t alpinisme de l’ENSA, diplômé en 1989, estime que cela n’a rien de surprenant parce que les candidats « sont alors dans la force de l’âge. Ils ont déjà une certaine maturité. La maturité que ce métier réclame pour être en mesure de bien analyser diverses situations complexes. » Patrick Lagleize, président de la Compagnie des guides des Pyrénées, lui-même guide depuis 1993, juge que cette donnée est assez logique dans la mesure où l’examen d’entrée à l’ENSA « implique un prérequis complexe puisqu’il faut présenter une liste de courses qui demandent plusieurs années de pratique » (lire encadré). À l’inverse, Yannick Vallencant, président fondateur du Syndicat interprofe­ssionnel de la montagne (SIM), guide en 1997 à l’âge de 27 ans, pense que rien ne justifie un âge aussi tardif : « Il y a un regret récurrent sur l’âge élevé des diplômés. 31 ans, cela me semble trop avancé pour acquérir un diplôme profession­nel. Dans toutes les autres formations, on l’obtient entre 20 et 27 ans. Ce n’est pas un diplôme de prestige venant valider un guide expériment­é en montagne. Une fois diplômé, le guide continue à apprendre son métier. Le diplôme devrait donc être délivré plus tôt. Surtout quand on considère les courses pour lesquelles on est sollicité diplôme en poche : mont Blanc, vallée Blanche, escalade, etc. Tout cela ne nécessite absolument pas une expérience démesurée. »

« LEUR » MONTAGNE

Après avoir attrapé le virus de la montagne qui sur le dos de son père, qui sur le tard comme chasseur alpin, qui via une pratique de l’escalade, les guides de la promotion 2015 affichent des motivation­s variées pour le métier : avoir du temps pour continuer à grimper, vivre à l’extérieur, transmettr­e et partager le plaisir de la montagne… Mais de quoi cette génération parle-t-elle quand elle parle de la montagne ? À l’exception de Julien Cruvellier de Luze, 31 ans, habitant à Briançon qui, non sans humour, définit la montagne comme une « surrection géologique présentant un relief accidenté d’où découlent des obstacles à franchir » , la plupart des nouveaux diplômés pensent essentiell­ement à la montagne comme à un « espace de liberté » . Une définition un peu « tarte à la crème », mais qui a le mérite de faire l’unanimité. Yann Delevaux, directeur de la compagnie des guides de Chamonix et guide depuis 2003, commente : « Cela me convient à partir du moment où l’on sait que la liberté en montagne implique certes des droits, mais aussi des devoirs, une responsabi­lité. » A priori, à la lecture des questionna­ires remplis par les guides 2015, tout laisse à penser que ces derniers ont retenu la leçon. De fait, pour exprimer ce qui leur paraît essentiel en montagne lorsqu’ils sont en compagnie de leurs clients, le terme « sécurité » figure au premier rang devant la notion de transmissi­on et le désir de prendre du plaisir avec leurs clients. Cela rassure Christian Jacquier, guide depuis 1975 et président du Syndicat national des guides de montagne (SNGM) : « Nous souhaitons tous que le guide soit avant tout un gestionnai­re du risque. Il est donc très encouragea­nt de savoir que les jeunes diplômés ont intégré cela. Nous allons encore mettre l’accent sur cet impératif car nous souhaitons vraiment que la baisse du nombre d’accidents en montagne devienne une véritable priorité. » À ce sujet, Yannick

LE TERME « SÉCURITÉ » FIGURE AU PREMIER RANG DEVANT LA NOTION DE TRANSMISSI­ON ET LE DÉSIR DE PRENDRE DU PLAISIR AVEC LEURS CLIENTS

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Un guide de haute montagne assure trois clients sur la très facile arêteàLaur­ence, menant au refuge des Cosmiques.

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