TOUR DES GÉANTS DANS LES ÉCRINS
LA TRAVERSÉE DES GÉANTS
Au coeur des paysages parmi les plus sauvages des Alpes françaises, partez à la découverte de trois Géants des Écrins : la Barre (4 102 m), la Grande Ruine (3 765 m) et la Meije (3 983 m), via cinq jours de raid à skis. Un voyage glaciaire hors de la civilisation et du temps.
Pourquoi l’Oisans est-il si souvent associé à l’épithète « sauvage » ? Sûrement à cause ou grâce à un fameux topo d’escalade, mais aussi à l’imaginaire collectif, marqué par l’immensité de ces montagnes et par leur absence presque totale de domestication humaine. Venir en Oisans en hiver ou au printemps, c’est faire l’expérience de la montagne brute, taillée à la serpe. Les reliefs sont abrupts et aucun bulldozer de station n’est venu les adoucir. Le ski de rando s’y mérite : les accès se trouvent en fond de vallée, et les randonnées commencent souvent par des portages, pour des dénivelées jamais anodines. Avec le réchauffement certains glaciers sont de plus en plus tourmentés, et s’y mouvoir demande un vrai flair de montagnard. Ici la consommation effrénée n’a pas sa place : on est au pays de la montagne qui éprouve, qui se vit.
Le Tour de la Meije a été adoubé depuis quelques décennies comme un joyau du raid à skis, à l’égal d’un Chamonix-Zermatt. La « Traversée des Géants » proposée ici en reprend une partie, en y ajoutant un périple autour du glacier Blanc, attraction emblématique du parc des Écrins s’il en est. Sur une cinquantaine de kilomètres et plus de 5 000 mètres de dénivelée (jusqu’à 6 600 m selon les variantes), vous voyagez sur le fil de ces cimes, jouant à saute-mouton d’une vallée glaciaire à l’autre.
Cette « Traversée des Géants » est un raid à deux vitesses : il est possible de le faire dans sa version minimaliste, en franchissant les trois cols principaux et en tirant au plus court. Mais si votre forme vous le permet, levez-vous quelques heures avant dans les refuges et donnez-vous la chance d’admirer le panorama depuis un des sommets, qu’il soit celui du dôme des Écrins, du pic de Neige Cordier, de la Meije Orientale ou de la Grande Ruine ; ce dernier ayant été consacré « plus beau panorama des Écrins » par Gaston Rébuffat.
Mais il ne s’agit pas que d’une traversée alpine : les hédonistes de la glisse ont des chances d’y trouver leur compte. Trois belles descentes peuvent retenir leur attention, elles font chacune nettement plus de 1 000 mètres de dénivelée négative : la descente du col Émile Pic, celle du glacier du Tabuchet et celle de la Casse Déserte. Sur les deux premières, plein nord, peut-être que vous goûterez à la poudre de printemps, pas si rare en ces lieux, tandis que sur la dernière vous aurez tout le loisir de gérer l’horaire pour profiter d’une transfo revenue à point.
Question matériel, il faudra porter un peu lourd, haute montagne oblige. Crampons, piolet et casque sont des indispensables, tout comme le matériel de sécurité sur glacier, avec au moins une corde pour le groupe. Les glaciers à franchir sont nombreux et certains sont de vrais gruyères (gruyère français avec des trous, pas le suisse qui est sans trous). Si vous choisissez d’effectuer la traversée en période nongardée, pensez qu’il n’y a pas forcément de gaz dans les refuges, et qu’il faudra en avoir suffisamment pour pouvoir faire fondre de la neige afin de remplir les gourdes.
Ceux qui veulent rallonger le plaisir – il y en a toujours – peuvent rajouter deux étapes, en rejoignant le Pré de Madame Carle depuis la Bérarde via le col de la Temple (3 321 m) avec une halte au refuge de Temple Écrins (2 410 m), non gardé hors été. La descente sur le glacier Noir, au pied des immenses et austères faces nord de l’Ailefroide, du pic Sans Nom et du Pelvoux, marquera l’esprit du plus blasé des montagnards. Ceux qui ont le coup de crampon affûté préféreront peut-être partir de ce même refuge de Temple Écrins pour traverser le dôme via la Brèche Lory (PD+), pour une vraie course alpine en altitude. On peut également agrandir le tour en passant par le refuge de la Pilatte (2 577 m) et le col du Sélé (3 282 m).
Quoi qu’il en soit les possibilités du massif sont infinies, et charge à chacun de dessiner l’itinérance qu’il désire, en laissant glisser ses doigts sur la carte, et en s’imaginant déjà être imprégné de cet univers de roche et de glace, d’une beauté rude et sans artifice.