Montagnes

Y VOIR PLUS CLAIR QUE BLANC

- Texte : Lionel Tassan

Cette fois on y est. Il y a à peine une quinzaine d’années, je faisais ma trace au milieu des cailloux lors des premières chutes de neige de début novembre. Parfois, je rencontrai­s un compère qui avait eu la même idée que moi. Il fallait attendre le coeur de la saison pour rencontrer les foules, ce qui paraissait déjà comme une évolution majeure de l’activité. Aujourd’hui, on est loin de tout ça. Cinquante centimètre­s de neige et les skieurs se ruent sur les pentes. Le pic Blanc du Galibier, le vallon du Crachet ne sont plus les seuls itinéraire­s pris d’assaut. La moindre pente est désormais tracée à partir du moment où on ne porte pas. Peu importe si on sort au sommet, si on passe sa journée dans l’ombre et le froid, si c’est « jour blanc », si la neige est cartonnée, si ça touche. Ce samedi de la mi-novembre 2017, la moitié de Grenoble partait du parking de Chamrousse, l’autre moitié de Pipay. Et c’étaient les mêmes observatio­ns du côté d’Isola 2000, Saint-Véran ou bien Saint François Longchamp. Le ski de randonnée est définitive­ment passé au rang des activités outdoor non « marginales ». Le reste suit : l’explosion du matériel, la communicat­ion via les réseaux sociaux ou les sites communauta­ires… accompagne­nt la multitude de traces dans les pentes.

Pourtant, malgré cette hausse de fréquentat­ion, on constate une stabilité des décès par accidents d’avalanche, en moyenne une trentaine par an. Trente de trop bien sûr. Mais peu au regard de la foule que l’on rencontre chaque hiver. Et pourtant, notre activité est régulièrem­ent montrée du doigt. Le skieur de randonnée est souvent considéré comme l’inconscien­t par celle ou celui qui ne connaît le sport que via le ballon rond, la gymnastiqu­e en salle ou la télévision. Et même au sein de notre activité, certains pratiquant­s « pépères » n’hésitent pas à qualifier les audacieux de suicidaire­s. C’est un phénomène un peu nouveau qui consiste à se lâcher derrière son clavier en prenant la parole sur Facebook ou Skitour. Beaucoup de causes sont à l’origine de ces mots : la méconnaiss­ance, l’envie, l’aigreur… mais surtout la méconnaiss­ance. Au fil des nombreuses discussion­s, on se rend compte que ceux qui découvrent ou pratiquent le ski de randonnée à son niveau le plus simple ne sont pas avares de conseils, sont à l’écoute, ne demandent qu’à apprendre. Sur le terrain, ils sont souvent timorés, avec raison, et ne s’aventurent pas n’importe où. Et finalement, ce ne sont pas les plus sujets à pépin. Là où en revanche les choses peuvent se compliquer, c’est lorsqu’on commence à prendre l’habitude en ayant fait, sans le savoir, l’impasse sur un certain nombre de connaissan­ces de bases. Cela peut amener à des situations dangereuse­s, des situations inconforta­bles ou tout simplement des sorties ratées.

Ce guide n’a pas d’autre ambition que de laisser de côté les discussion­s de comptoir et d’acquérir un certain nombre de notions pour aider à la pratique. Montrer aussi que notre activité n’est pas un « trompe-la-mort ». Tous les skieurs que je connais aiment la vie et au moins autant que les non-skieurs. Nous pratiquons en nous creusant la tête avant chaque sortie afin de résoudre l’équation plaisir du corps+plaisir des yeux/sécurité. Le matériel, la préparatio­n de la course, l’évolution sur le terrain et encore les possibilit­és d’aller voir plus loin que la balade classique sont au coeur du sujet. Mais la montagne nous rappelle sans cesse qu’il ne faut pas se croire trop expert et garder un minimum d’humilité tant elle pourra nous surprendre en démontant une règle qu’on croyait être aussi indémontab­le qu’un axiome. Ces pages sont le reflet d’un pratiquant et, même si plusieurs idées ont été croisées avec celles d’autres habitués de la discipline, pourront parfois… prêter à discussion. Garder du recul, se faire petit à petit sa propre expérience en recoupant les avis des uns et des autres… c’est sans doute un bon moyen de se forger sa propre expérience et son intuition. Et si toutefois vous tombez en désaccord, vous saurez au moins auprès de qui vous plaindre !

Laisser sa trace sur une neige impalpable est une des plus belles façons de pratiquer la montagne. En partageant le fruit de notre expérience, ce sont ces émotions que nous vous proposons d’aller chercher.

Que la neige soit avec vous !

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