Montagnes

PIERRICK FINE

AMBITION DISCRÈTE ET PASSION DÉVORANTE

- Par Baptiste Gil

Pierrick Fine, 27 ans, représente la nouvelle vague française d’un alpinisme exploratoi­re et engagé en haute altitude. Moniteur d’escalade et de canyon, guide de haute montagne, vice-champion du monde de cascade de glace et membre du GEAN, ce véritable touche-à-tout élevé au pied de la Dent de Crolles, s’est vite dirigé vers des montagnes plus hautes que les sommets de Chartreuse. C’est à son retour d’une nouvelle expédition au Népal que nous avons eu la chance de le rencontrer. Portrait du discret lauréat des Piolets d’or 2021 pour son ascension du Sani Pakkush (6 953 m), où il a tracé une nouvelle voie dans une face vierge en compagnie de son ami Symon Welfringer.

Pantalon taché de magnésie, tee-shirt Petzl et sac à corde sur l’épaule, pas de doute : Pierrick Fine est un grimpeur. Tout juste de retour du Népal, où il a ouvert une voie au Cholatse nommée Brothers in arms (ED, 1 600 m, VI, M5+, WI5 ; 5 jours dans la face) en hommage à ses amis Louis, du Mingmo Eiger, je retrouve Pierrick égal à lui-même, discret et attachant. On se connaît depuis longtemps, quelques moments passés ensemble sur les bancs de la fac mais surtout quelques belles aventures en montagne. Pierrick – PF pour les intimes –, c’est 1,75 m de gentilless­e, surmonté d’une tignasse noire, les épaules un peu en avant et des éclairs au chocolat à la place des doigts. On avait l’habitude de le charrier à la fac sur la taille de ses biceps, trop gros pour qu’il puisse tendre les bras. Ça n’a pas changé, il est toujours aussi solide, mais le soleil du Népal lui a tiré une bordée de rides autour des yeux. Cela fait une semaine qu’il est rentré et une grande fatigue se lit encore sur son visage ; il a beaucoup laissé là-bas.

SYNDROME DE L’IMPOSTEUR

Il l’a appris entre deux lodges sur le trek des Trois Cols. Piolet d’or : les Oscars de l’alpinisme. Lui, dont la seule ambition est de « faire des trucs sérieux sans se prendre au sérieux », voit cette récompense comme un hold-up, refusant de voir que si peu d’expédition­s ont réussi en 2020, ce qui vient souligner l’audace de leur ascension. Syndrome de l’imposteur à haute altitude. « Si tu regardes les cotations, c’est pas lunaire ce que l’on fait ; tu vas doucement, tu prends le temps et tranquille ! Faire l’escargot dans un grade 4, beaucoup de monde peut le faire. » Dans les Alpes peut-être, mais pas à 7 000 m dans une vice-champion du monde de cascade de glace n’aime pas être mis en avant et la médiatisat­ion qui l’entoure le met mal à l’aise. Lui qui cultive la discrétion et l’autodérisi­on se sent mieux pendu au bout de ses piolets que devant un micro à présenter - teurs du Palais des sports de Grenoble. Vivre, c’est pour ça qu’il écume les sommets avec une passion dévorante. « Je l’avais dit à ma copine de l’époque : j’ai une maîtresse, c’est la montagne, et elle passera toujours avant toi. Du coup, on s’est séparé… Et maintenant, j’en ai trouvé une qui a la même philosophi­e, c’est plus facile ! » La montagne avant tout. Cette phrase revient souvent lors de notre discussion, comme un mantra que l’on se répète. La montagne avant tout, c’est ce qui guide Pierrick depuis longtemps. Natif de Montpellie­r, il grimpe avant de savoir marcher et arrive à 8 ans à Saint-Hilaire-du-Touvet, au pied de la Dent de Crolles. Première grande voie en CM2, vient ensuite l’escalade trad puis la cascade de glace et l’alpinisme. Ses premiers piolets, il les achète grâce au prize money d’un concours organisé par le magazine Science & Vie junior en fabriquant un manche de cerf-volant motorisé. De ses premières aventures sur les sommets de l’Oisans, il garde le souvenir d’une connexion naturelle avec ce jardin féerique. Sa passion l’entraîne ensuite sur les bancs du lycée montagne à Moûtiers où il validera l’obtention du BE escalade pendant la semaine de révision du bac. Les études, c’était une approche très calculée : « Tout temps passé à travailler pour avoir au-dessus de 10, c’est du temps perdu pour la grimpe. » Plus assidu à la salle d’escalade qu’en cours, il poursuit son ambition de travailler au développem­ent du matériel d’escalade en rentrant en STAPS à l’Université Savoie Mont-Blanc. Deux licences plus tard, il est aussi aspirant-guide, réussissan­t le probatoire entre les rattrapage­s de la fac, les étapes de Coupe du monde de cascade de glace et une méchante

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