Montagnes

ROBERT PARAGOT

(1927-2019)

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Ex président du GHM et de la Fédération française de la montagne et de l’escalade, Robert a accompagné les Piolets d’Or depuis leur création. Il nous a quittés en 2019, à 92 ans. et son esprit d’alpiniste amateur sur les sommets du monde. C’est à Paris, où il travaille comme réparateur de machines à écrire, qu’il découvre l’escalade. Au lendemain de la guerre, avec les frères Lesueur, Edmond Denis, jeunes ouvriers comme lui, il fréquente les rochers de Fontainebl­eau, grâce à un camion à gaz de la régie Renault.

En 1950, les « Bleausards » débarquent à Chamonix. Les jeunes Parisiens ne doutent de rien et regagnent leur atelier avec la face nord des Drus en poche… En 1952, Robert escalade l’éperon Walker, avec les Lesueur et Edmond Denis. De leur bivouac, ils voient des lumières au sommet des Drus. D’autres Parisiens bivouaquen­t là-haut, ils viennent de réussir la première de la face ouest. Parmi eux, Lucien Bérardini, qui deviendra son inséparabl­e compagnon de cordée. En 1953, ils font ensemble la troisième de la face est du Grand Capucin, ouverte en 1951 par Walter Bonatti. Cette année-là, Robert ouvre la Joker, une voie extraordin­aire à Fontainebl­eau. Elle est cotée aujourd’hui 7a…

Forts de leurs succès, les jeunes Parisiens partent pour la face sud de l’Aconcagua. La paroi est haute de 3 000 mètres et une telle altitude. Ils équipent le premier tiers de la paroi et réalisent qu’à ce rythme, ils n’arriveront jamais au sommet. Malgré camp 2, situé à 5 000 mètres, et de tenter directemen­t le sommet. On ne parle pas encore de « style alpin », mais c’est bien de cela dont il s’agit. Deux mille mètres d’esn’a jamais été tenté à cette époque, et cela ne le sera plus avant des années… Le prix du succès est lourd : Adrien Dagory, Pierre Lesueur, Guy Poulet, Lucien Bérardini, Edmond Denis subissent de cruelles amputation­s, conséquenc­es de graves gelures. Au retour, la cordée Paragot-Bérardini se reforme et signe dès l’été 1955 une belle première à la face nord du Grand Capucin.

Robert s’est occupé attentivem­ent de son compagnon, jusqu’au moment symbolique où il lui passe le matériel et lui intime de prendre la direction de la cordée.

Pour Robert, l’élan est donné. En 1956, il participe à une expédition novatrice : avec Guido Magnone, André Contamine et Paul Keller, ils partent pour la tour de Mustagh, 7 273 m, au Karakoram. L’idée est de tenter à quatre un sommet élevé et technique. Peu importe qu’une forte expédition britanniqu­e les « grille » de quelques jours au sommet. Deux voies sont ouvertes dans un style qui annonce l’avenir. Et l’expédition française, solidaire, s’occupe de l’évacuation de John Hartog, atteint de gelures.

Le Jannu, à 7 710 m, demandera plus de moyens. La première tentative, en 1959, échoue non loin du sommet. Robert est de la cordée de pointe, il sera le premier au sommet en 1962, après une ascension complexe.

Robert s’attaque à un gros morceau en 1966, cette fois comme chef d’expédition (ce qui ne l’empêche pas d’aller au sommet). La face nord du Huascaran (6 768 m) est immense, verticale, et surtout rocheuse. En 1971, Robert dirige sa plus grosse entreprise : le pilier ouest du Makalu (8 463 m), surnommé « la Walker de l’Himalaya ». Yannick Seigneur et Bernard Mellet en atteignent le sommet. Chef d’expédition­s nationales, président du GHM, Robert continue à grimper avec « Lulu » et Pierre Lesueur. Leur charisme les rapproche des jeunes grimpeurs. Atteint par la maladie, Robert restera jusqu’au bout attaché à l’alpinisme et se tiendra au courant des performanc­es des jeunes alpinistes, ses héritiers. Il était à l’aise partout : aux côtés du Président Pompidou quand l’équipe du Makalu est reçue à l’Élysée, à Chamonix où il collection­ne les frasques et les ascensions, sur la scène de Courmayeur quand il reçoit le Piolet d’Or Carrière. À cette occasion, il montre sa légendaire simplicité : « Je ne sais pas si je mérite vraiment cette distinctio­n, mais puisqu’elle m’est décernée par mes pairs, je l’accepte bien volontiers ». Élégance, toujours, c’est le souvenir que Robert nous laissera.

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Robert Paragot au Grand Capucin.
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 ?? ?? Robert Paragot au sommet du Jannu, 1962.
Robert Paragot au sommet du Jannu, 1962.

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