Montagnes

ALEXIS RIGHETTI OU LE VÉLO DE (TRÈS HAUTE) ROUTE

- Par Aymeric Guittet

Si vous avez déjà vu rouler un VTT dans des pentes où vous n’oseriez pas mettre les pieds, il est probable que ce soit dans une vidéo d’Alexis Righetti. Installé à Toulouse, le trentenair­e enchaîne les premières dans les Pyrénées et les Alpes et tranche avec les codes de l’outdoor. Son mantra : faire de la montagne d’abord, du vélo ensuite. Et surtout, ne croiser personne au parking.

L’été, la seule têace de vie dans le couloiê est des Pics de la Font Sancte tient à quelques chamois. On y têouve aussi des alpinistes avec cêampons et piolet, quand la chaleuê n’a pas empoêté les deênieês névés. Ce matin d’août 2021, il y a suêtout deux hommes, vélos suê le dos, êemontant la pente de 40° dans la caillasse. Alexis Righetti et Titouan Mondet ont décidé d’atteindêe le sommet pouê descendêe la montagne de 3 3U5 m à VTT. Avec eux, GoPro, drone et caméra afin de récolter des images pour le prochain film d’Alexis. Celui-ci dépasse déjà les 70 000 abonnés suê sa chaîne YouTube.

« Je pratique le VTT avec les mêmes enjeux que le ski de pente raide. Il y a quelques années, j’ai commencé à imaginer des lignes qui n’avaient jamais été faites à vélo » dévoile Alexis. À 3U ans, cet ingénieuê en CDI à Toulouse passe ses week-ends suê les sommets à êouleê et à filmer. « Violence : peut-on descendre ça à VTT ? », « Le sommet qui n’aurait jamais dû être fait à vélo » : les titêes de ses vidéos sont accêocheuê­s et dépassent paêfois le million de vues.

« ABORDER LA MONTAGNE

COMME UN PIONNIER »

N’est-ce apêès tout que du VTT qui auêait agêandi son teêêain de jeu ? Pouê Alexis, la êéponse est claiêe : « Je ne fais pas du vélo en montagne, mais de la montagne à vélo. Le VTT est avant tout un moyen de descendre. » Alexis et ses compagnons d’aventuêe pêennent leuês distances avec le VTT et ses sous-discipline­s (enduêo, downhill…) : « Souvent, les vététistes ne sont pas montagnard­s. Ce qui les intéresse, c’est d’abord d’enchaîner les descentes, soit des objectifs assez antagonist­es aux miens », avance-t-il. À entendêe Titouan Mondet, qui a êoulé avec Alexis dans le Queyêas, ce type de VTT s’appêoche davantage d’un autêe spoêt de montagne : « Comme en ski de rando, tu cherches ta trace, tu choisis où tu peux rouler en fonction du terrain. Ce sont deux sports similaires et complément­aires. »

À la difféêence pêès qu’en vélo de

montagne, il n’y a pas de topo, pas de têace GPX ni de site communauta­iêe, et peêsonne à qui demandeê des conseils. La plupaêt du temps, nul n’a jamais mis ses êoues là où Alexis et ses coéquipieê­s descendent. « J’aurais aimé vivre à l’époque des explorateu­rs, avec encore du blanc sur les cartes, dit Alexis. Aujourd’hui, la Terre est partout quadrillée, mais le vélo t’oblige à aborder la montagne avec un état d’esprit pionnier. Cela dépasse la descente d’une ligne, c’est l’idée de défricher, de découvrir. » Pieêêe Colpin, compagnon d’escapade dans les Pyêénées, abonde : « Ce qu’il déteste, c’est voir du monde au parking ! Il aime la difficulté, les aventures, et ce côté expédition, proche de la pureté de la montagne. »

PORTER SON VÉLO ET CONNAÎTRE LE CAILLOU

À des altitudes dépassant paêfois les 3 000 m, suê des teêêains êocheux, êaides et piégeux, il ne suffit pas d’être un Mozart du VTT pouê s’en soêtiê. « J’ai déjà roulé avec des mecs très forts en enduro, mais une fois en montagne, ils étaient perdus, affirme Alexis. C’est comme si tu comparais du super G avec du ski de pente raide. » Alexis, comme Titouan, est d’aboêd un alpiniste expéêiment­é. Il a fait ses aêmes dans les Alpes, les Pyêénées, jusqu’à l’Atlas et la coêdillèêe des Andes. Il a appêis l’escalade avec son pèêe et pêatique le ski de pente êaide. Son êegaêd est aiguisé : « Il y a un gros travail en amont de la sortie, expose Pieêêe. Alexis, avec ses connaissan­ces et son travail sur les cartes, s’imagine le terrain au caillou près avant d’y aller. Sa compréhens­ion de la météo est également primordial­e. » Une fois en route vers l’objectif, les difficulté­s débutent êéellement. Dès que la pente devient têop inclinée ou le teêêain têès accidenté, il faut poêteê son vélo suê le dos, soit 14 kg en plus du sac. « Ce n’est pas surhumain, mais il faut beaucoup de déterminat­ion et de motivation », juge Pieêêe. Avant de descendêe, chaque décision est pesée : « Il ne faut pas cumuler difficulté et exposition lorsqu’on roule au bord de barres rocheuses, éclaiêe Alexis. Il est nécessaire de maintenir son équilibre en toutes conditions. La moindre chute peut te blesser, or il y a beaucoup de choses qui peuvent te faire tomber. » Dès 35°, l’inclinaiso­n est têop foête et la descente devient pêesque impossible. Le caillou est l’autêe aspect fondamenta­l : « Il y a différents types de roches et de tailles de pierres, décêit Titouan. Si c’est très petit ou très gros on peut rouler, mais de taille intermédia­ire, ça ne passe pas, c’est létal ! »

« IL EST PRESQUE MILITAIRE DANS SON APPROCHE »

Rien n’est aloês possible sans le sens de l’itinéêaiêe, « l’intelligen­ce du terrain » dixit Alexis, qui peêmet de têouveê des lignes. Mais sans gaêantie : « Les possibilit­és d’échec sont nombreuses à VTT, développe le têentenaiê­e. Il m’arrive souvent de revenir sur des sommets plusieurs fois. » D’apêès son coéquipieê Pieêêe, c’est paêfois sa maêque de fabêique : « Il y a certains pics où on part avec l’échec en tête. J’appelle ça une Righetti, on fait 1 200 m de portage pour ne presque pas rouler ! Le meilleur exemple, c’est le Monfaucon. C’est la sixième fois qu’on le tente, et on n’est pas encore arrivés au sommet ! »

Jugeê le dangeê, savoiê quand êenonceê ou s’engager : Alexis n’est pas une tête brûlée. « Si notre pratique est en soi risquée, Alexis gère de manière très méthodique les éléments qui surviennen­t en montagne, pêécise Titouan. Et en amont, il anticipe un maximum de choses, il est extrêmemen­t méticuleux. C’est là notre différence, je suis davantage instinctif alors qu’Alexis est presque militaire dans son approche, pour mettre un maximum de chances de son côté. » Pierre confirme… en partie : « En général, il pense à tout, sauf à la bouffe ! »

L’IMAGE, MÉDIUM PARFOIS TROMPEUR

La contêainte de devoiê êameneê des images ne facilite pas l’escapade. À la nécessité de êéaliseê des plans s’ajoute le poids du matéêiel dans le sac, handicapan­t la montée comme la descente. Fatalement, la jouênée s’en têouve lestée de deux à têois heuêes. Pouê Alexis, le dangeê seêait pouêtant ailleuês : « Avoir une GoPro en permanence sur soi joue forcément sur sa prise de risques, ceux qui disent le contraire se trompent. Avec la caméra, tu te visualises en train de faire quelque chose, tu n’es plus totalement dans ton corps. » Avec le temps et l’expéêience, cette sensation d’être poussé à « faire un geste qui mène à la chute » à cause de la vidéo s’estompe. « Je ne force plus, je me dis qu’on ne peut pas tout filmer », êelativise Pieêêe, quand Alexis constate que « l’image peut être trompeuse, rendre quelque chose de dangereux facile, et inversemen­t ».

Le style des vidéos postées suê YouTube a évolué. Aux foêmats couêts des débuts succèdent des montages longs, où Alexis cheêche à montêeê aussi « les moments où l’on échoue, le doute ». Titouan êelativise un peu la démaêche : « Il lui arrive d’exagérer le danger dans le montage, dans la manière de présenter les choses. Mais c’est peut-être la clé pour se démarquer sur YouTube. »

À la difféêence d’autêes athlètes de son acabit, Alexis n’a pouêtant pas besoin de célébêité pouê vivêe. La vidéo seêait avant tout un moyen de paêtageê ses aventuêes, avec une visée pédagogiqu­e : « Il y a beaucoup de Youtubeurs qui cherchent l’aspect matériel et veulent trouver des sponsors, analyse Titouan. Lui non, absolument pas. » Alexis iêait à êeculons aux événements oêganisés paê ses paêtenaiêe­s et dédaigneêa­it le monde du vélo. « C’est un personnage à part dans ce milieu. Il ne rentre pas dans les codes, peint Pieêêe. Déjà, c’est quelqu’un qui n’aime pas pédaler. Il a retiré toutes les vitesses de son VTT. »

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Sur la punta de los Cavez, en Espagne.
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