Montagnes

COMME UN SURSAUT DANS NOS MONTAGNES

- Mathias Virilli

Il a fallu le ramdam suivant l’annonce du déconventi­onnement des falaises d’escalade et la mort de Jean-Michel Cambon, l’équipeur phare des montagnes de l’Oisans, en mars 2020, pour que le fonctionne­ment de nos itinéraire­s d’escalade sorte peu à peu de l’indifféren­ce générale. Depuis, chacun y va de son initiative. La FFME, accusée de délaisser le caillou au profit de la résine, a lancé le fonds de dotation Rock Climber dédié aux falaises. La FFCAM a lancé son programme « Héritage ouvreurs », visant à former des grimpeurs aux techniques de rééquipeme­nt des grandes voies. Les proches de Cambon se sont retroussé les manches pour continuer l’entretien de ses ouvertures et l’édition de ses topos. Sans compter tous les autres équipeurs qui continuent d’oeuvrer, « dans leur coin », à la pérennisat­ion de ce précieux patrimoine que sont les voies d’escalade. Disons-le franchemen­t : toutes ces initiative­s sont les bienvenues tant qu’elles se font en bonne intelligen­ce, c’est-à-dire en concertati­on, avec les ouvreurs d’abord, entre les différents acteurs ensuite : les fabricants de matériel, les clubs d’équipeurs comme l’ECI en Isère, les collectivi­tés en charge du développem­ent touristiqu­e, parfois les gardiens quand il y a un refuge en dessous… Car le rééquipeme­nt en montagne a cette spécificit­é par rapport à la couenne d’être moins accessible, et donc réservé aux plus motivés des anges gardiens de nos falaises.

Ces initiative­s ont le mérite de faire comprendre aux grimpeurs que la gratuité de l’accès à leur « terrain de jeu » se fait au prix de l’investisse­ment – bénévole, la grande majorité du temps – de passionnés à l’action jusque-là invisibili­sée.

Avec la mise en lumière vient forcément une mise en questions. Tout autant qu’un ouvreur a sa façon de faire, fruit de sa vision et de son époque, un rééquipeur a sa façon d’entretenir, fruit d’une éthique et de méthodes. À chaque entretien son enjeu d’actualisat­ion, et ses hésitation­s : faut-il rajouter des points au nom de l’évolution de la pratique et au bénéfice de la sécurité des grimpeurs, ou bien rester au plus proche de l’esprit originel de la voie pour en garder le parfum de l’époque, l’engagement en prime ? Faut-il sacrifier l’histoire de l’escalade sur l’autel de la modernité ? À cela vient se greffer l’indispensa­ble question du financemen­t : certains craignent que l’attention portée par les institutio­nnels engendre une perte de liberté, quand bien même elle permettrai­t de financer leurs actions de rééquipeme­nt. Enfin, si la question est moins prégnante que pour les sites de couenne, les grandes voies en montagne n’échappent pas à la problémati­que des topos, censés permettre la perpétuati­on de cet héritage mais objets, là encore, de débats sur la circularit­é de l’économie générée. Ami grimpeur, ce numéro est là pour vous familiaris­er avec ces enjeux, et, pourquoi pas, vous donner envie de vous investir à votre tour ! Car liberté, toujours, rime avec responsabi­lité.

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