CE QUI LUI EST ARRIVÉ : CHUTE DE 20 M EN ESCALADE. MULTIPLES FRACTURES AUX PIEDS DROIT ET GAUCHE, FRACTURE DU SINUS FRONTAL, DE L’ARCADE ET TRAUMATISME THORACIQUE.
« ACCEPTER ET UTILISER SES ÉMOTIONS. »
Le pouvoir de l’esprit
Le yoyo est un bon terme pour décrire mon état émotionnel après l’accident. Tous les jours, à l’hôpital, on m’avait parlé d’amputer une partie du pied qui était nécrosée. Finalement, l’amputation n’a pas eu lieu, j’ai conservé mes deux pieds. Alors, je me suis dit que ça prendrait le temps qu’il faudrait pour revenir au plus haut niveau, mais que cela ne dépendrait que de moi.
Mais c’était un peu naïf. Quand mon deuxième pied a été opéré et que la chirurgienne est venue me voir, elle m’a dit que grimper et marcher seraient désormais difficiles. Cela m’a tellement terrifié que j’ai somatisé, j’ai eu l’appendicite quelques jours après l’opération. Voir comment mon corps était capable de réagir m’a montré le pouvoir de l’esprit. Nous pouvons nous conditionner dans des états de dingue. Comprendre cela a tout amorcé pour la suite. J’étais équipé pour me dire : « Ce n’est pas grave, c’est une étape à passer. »
Savoir filtrer le discours des chirurgiens
Il faut savoir trier, filtrer ce que disent les chirurgiens. Ils sont obligés de te délivrer un discours « standard » vu ce qu’ils ont sous les yeux, ce qu’ils voient de ton état. Mais à partir de là, il faut rester positif, garder un minimum d’objectivité, croiser différentes expériences. Cela donne de l’espoir : untel ou unetelle, dans des états lamentables, ont fini par s’en sortir, à parvenir à un dénouement heureux.
Mais bien sûr, on ne peut pas être une machine de volonté. Il faut accepter les émotions que l’on va traverser, les comprendre et les utiliser. Il y a un moment où l’acceptation de ton état, de tes blessures, doit être totale. Par exemple, si une fois rétabli, tu te dis : « je n’y vais pas parce que ça va me faire mal », c’est qu’en réalité tu n’as pas envie d’y aller, tu te donnes des excuses et entretiens le fait que ta blessure sera toujours un problème. Dans ma rééducation, le mental a joué, mais j’ai aussi été très bien entouré, avec ma femme, mes amis et ma famille. C’est fondamental, nous ne sommes pas seuls dans cette aventure.
Ma vision a changé, mon rapport aux autres a évolué. J’ai compris l’importance de la vie réelle et ce qu’on en fait, je n’ai plus envie d’alimenter les faux-semblants sur les réseaux sociaux. Les gens qui survivent à un accident grave disent parfois : « c’est la meilleure chose qui me soit arrivée » et c’est vrai : sans un traumatisme et une expérience pareils, il n’est pas concevable d’ouvrir les yeux sur certaines choses.
MIKE FUSELIER