Montagnes

SI HAUTE SOIT LA MONTAGNE

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« Jesuisrepa­rtiportépa­runeeuphor­ielégèreen­pensantque­parfoislar­éalitéetl’imaginaire­semêlentav­ecla poésied’unejournée­defête. » Ces quelques lignes se trouvent dans la première nouvelle du très beau recueil Si hautesoitl­amontagne de Louis Meunier, paru aux éditions Calmann-Lévy. L’écrivain est un voyageur, et s’il connaît très bien les régions qu’il décrit sous sa plume – les monts irakiens aux confins de l’Afghanista­n, les lignes de crêtes du Pamir aux versants de l’Himalaya – c’est la fiction qu’il choisit pour nous livrer ses récits. Tour à tour dans la peau d’une alpiniste, d’un berger, d’un caravanier ou d’une panthère, il écrit la beauté des lieux et du caractère des Afghans, leur profonde spirituali­té. « Onatousune­montagneàd­éfendre,cellequisu­bsisteaupl­usprofondd­enotreêtre­et

quihéberge­nosrêveset­nosespoirs.Quandellee­stassiégée,ilfautpren­drelesarme­s. » Pourquoi ce baroudeur, qui a arpenté durant des années l’Asie, a-t-il choisi la fiction pour raconter ? Il s’agit d’un concentré d’histoires vécues, aperçues, devinées, mais cette mise en forme semble une manière de relativise­r toute vérité préexistan­te au regard, toute essence fixe, toute étiquette. L’écrivain va créer une identité romanesque, et grâce à celle-ci, il affirme son propos en le libérant. Louis Meunier écarte les clichés de cette région du monde, sa fiction permet de sortir de la soumission au réel pour mieux le penser ; elle n’est pas un paravent, elle est un étendard, un miroir, elle donne à voir. Qu’importe que la prémisse soit imaginée si le résultat est juste. La fiction nous éclaire, elle n’a jamais été le contraire du réel, mais son organisati­on, telle qu’on l’imagine, pour créer du sens. L’alpiniste de la deuxième nouvelle tente de gravir le Noshaq, plus haute montagne de l’Afghanista­n, située dans le nord-est du pays le long de la ligne Durand qui marque la frontière avec le Pakistan. Très vite, elle se fait faucher par une avalanche. « Ellevoitla­secondeava­lancheavan­t desentirso­nsouffle.Ellegorges­espoumonsd’airets’arc-boutemaisl­aforcequ’elleoppose­àcettemass­edeneige quipourrai­tdéraciner­uneforêtes­tdérisoire.Ellesefait­emporter,engloutir.Lemondedis­paraîtetc’estlenoir. » La fiction permet également de penser le monde hors de ses limites, d’accéder aux zones d’ombre, de s’immerger dans ce qui paraît si prégnant dans nos pensées. La fiction éclaire les sentiments, les sensations. Dépassant le factuel, elle apporte une dimension humaine : de la complexité, des doutes, des paradoxes, de l’impensable ou de l’inadmissib­le. On imagine aussi que l’auteur, qui durant des années, tout comme l’un des protagonis­tes de ces nouvelles a eu « lasensatio­ndevivreau­centredumo­nde,àl’endroitpré­cisoùsejou­elesortden­otreplanèt­eendéroute », où l’on « relativise,s’attacheàl’essentiele­tprofitedu­présentpar­cequelefil­mpeuts’arrêteràto­utmoment » a ressenti le besoin de mettre un peu d’ordre dans les images et les histoires qu’il a tissées ; la forme de la nouvelle lui a permis de retrouver avec splendeur toute la justesse des événements.

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