LA DÉMARCHE CRISTAL OU VIGILANCE ENCADRÉE
La démarche CRISTAL ou Vigilance encadrée est une méthode développée par Alain Duclos, et qui est actuellement enseignée aux guides de haute montagne français. Elle met en avant six paramètres à surveiller et quatre modes de vigilance. Le principe de base de cette méthode est que l’observation et l’analyse des six paramètres doivent permettre de caractériser le risque qui sera pris, ou pas, en toute conscience. Ceux-ci ont été choisis car directement liés au risque avalanche tout en restant observables et mesurables. Ce sont autant de feux rouges qui guident vers le choix d’un itinéraire et vers le mode de vigilance approprié à la situation. Ils guideront d’abord le pratiquant dans la préparation de la course via la lecture du BERA, des cartes, etc. ; puis sur le terrain en attestant que la situation attendue se vérifie in situ.
Les six paramètres à surveiller du plus simple au plus complexe qui vont permettre d’éliminer l’effet de surprise, de diminuer les risques et de s’exposer au danger en conscience :
- L’indice de danger du BERA, qui donne une estimation générale du risque à l’échelle d’un massif et des informations précieuses sur les conditions de neige. - Les pentes d’inclinaison supérieures à 30°, parce que l’on sait qu’à moins de 30°, le risque de déclenchement d’une avalanche est infime. Cette inclinaison se mesure sur la carte IGN grâce à l’espacement entre les courbes de niveaux ou grâce à des applications comme YETI ou Géoportail. Il est également possible de le mesurer grâce aux bâtons de ski, à un inclinomètre ou avec certains smartphones. - Les avalanches récentes observées car, comme le dit Bruce Temper, prévisionniste américain, « le meilleur signal de danger d’avalanche, ce sont les avalanches ». On peut bien sûr en observer soi-même sur le terrain lors de la sortie mais les sites communautaires, les services des pistes et surtout data-avalanche.org qui recense toutes les avalanches observées, sont de précieuses sources d’informations. - L’élévation de la température ou la fonte de la neige. Deux situations différentes à considérer : le réchauffement avec la fonte de la neige qui est typique des conditions printanières et le réchauffement sans fonte qui est une augmentation de la température mais sous 0 °C (le thermomètre qui passe de -15 °C à -5 °C par exemple). Dans les deux cas, ce sont des situations où le risque avalanche augmente.
- Les surcharges nouvelles du manteau neigeux (pluie, vent, chutes de neige), qui sont annoncées par les prévisions météo et vérifiables par les observations sur le terrain. Les stations de mesure automatiques (Flowcapt, Nivose, Romma) sont également de bons outils d’observation des précipitations et du transport de neige. - Les couches fragiles enfouies car pour qu’une avalanche de plaque se déclenche, il faut la présence d’une couche fragile qui s’effondre, à l’exception des plaques de fond qui glissent sur le sol. Pour la détecter, deux solutions : le test du bâton et la réalisation d’une tranchée pour observer la stratigraphie des couches de neige. L’observation de ces six paramètres permet de déterminer le mode de vigilance approprié parmi les quatre :
- Mode détendu : Pas de signe de danger identifié, la vigilance est normale, pas d’avalanche possible dans le secteur. Rester attentif au changement des conditions pour ne pas se faire surprendre par un changement du niveau de risque. C’est le mode de vigilance qui doit être le plus utilisé et c’est aussi le plus agréable, on peut skier ou monter à plusieurs de front et discuter.
- Mode méfiant : Certains signes de danger ont été identifiés, on cherche alors à éviter le danger, une avalanche possible dans le secteur mais pas proche de moi.
Dans ce mode de vigilance, le choix de la trace devient primordial pour rester en sécurité en contournant les zones identifiées comme dangereuses. Attention à rester également attentif à la descente !
- Mode alerté : Plusieurs signes de danger sont identifiés : ne pouvant pas éviter le danger, on cherche à diminuer le risque, une avalanche est possible ici. C’est la situation où l’on sait que le risque est présent là où l’on est, il faut alors prendre ses précautions pour le diminuer. Se déplacer d’îlots en îlots de sécurité et un par un est une base nécessaire. C’est souvent le mode de vigilance adopté lors des passages clefs d’une course.
- Mode hasardeux : Plusieurs signes forts de danger sont identifiés, il est impossible de diminuer le risque ou d’éviter le danger, une avalanche est possible ici et maintenant. C’est la situation qui, avec un mauvais jeu de mots, sent la poudre. En cas d’avalanche, vous êtes dessous et vos compagnons aussi, une situation à éviter à tout prix.
L’analogie souvent utilisée pour décrire ces quatre modes de vigilance est qu’en mode détendu ou méfiant, on joue aux échecs en maîtrisant toutes nos pièces et en gardant toujours un coup d’avance. Lorsque l’on passe en mode alerté ou hasardeux, c’est au poker qu’on joue, on fait appel à la chance et on ne maîtrise pas les cartes que l’on tire. Bien sûr, ces modes de vigilance sont très subjectifs et dépendent de la finesse d’analyse du pratiquant, c’est d’ailleurs leur plus grosse faiblesse. Le facteur humain est moins caractérisé dans cette méthode mais est décrit comme un facteur qui peut pousser à passer d’un mode à l’autre. Par exemple, dans un groupe où un mauvais skieur empêche de prendre suffisamment de distance de sécurité, on pourra passer d’un mode détendu à mode alerté.
Point intéressant, cette démarche fait une distinction entre diminution du risque et éviction du danger. Diminuer le risque, c’est mettre en place des stratégies pour diminuer la probabilité d’occurrence du danger tout en traversant une zone dangereuse. Par exemple, en respectant des distances de sécurité entre les membres d’un groupe pour ainsi éviter une surcharge locale du manteau neigeux qui conduirait à un déclenchement d’avalanche. Éviter le danger, c’est tout simplement ne plus s’y exposer, par exemple en contournant la zone avalancheuse.