Montagnes

L’ANALYSE DES RÉCITS DE RETOUR D’EXPÉRIENCE

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En complément de ce travail sur la base des données officielle­s recueillie­s par le SNOSM, Maud Vanpoulle a travaillé sur la base SERAC, plateforme de partage d’expérience­s d’accidents et d’incidents en montagne hébergée par camptocamp.org. À la clé, trois analyses sur trois ensembles de pratiques : l’alpinisme en rocher et le terrain d’aventure, l’alpinisme en neige, glace, mixte et la cascade de glace et le ski de rando.

Dans l’étude de Maud Vanpoulle, le ski comprend « le ski de randonnée sans accès mécanique, le ski assisté par une remontée mécanique et complété par une remontée en ski de randonnée et le ski par gravité, rendu possible uniquement par l’usage d’une remontée mécanique et se déroulant dans un environnem­ent de haute-montagne où l’itinéraire n’est plus balisé à partir du moment où l’on quitte les infrastruc­tures ».

Cette analyse, à partir d’une base de données différente de celle des secours français, permet d’avoir une autre perspectiv­e sur la question accidentol­ogique. Premier éclairage : 73% des « évènements non souhaités » (ENS) rapportés dans SERAC en ski n’entraînent pas de dommages physiques. « Il est donc possible que de nombreux incidents bénins d’avalanche n’apparaisse­nt pas dans les données du secours, ce qui expliquera­it leur surreprése­ntation dans SERAC », selon la docteure. Cette proportion donne d’ailleurs une idée de la perception du risque principal des pratiquant­s témoignant sur SERAC (65% des récits concernent une avalanche), qui apparaît alors en décalage avec le type d’accidents engendrant le plus fréquemmen­t un secours (la chute, dans 34,2% des cas), analyse-t-elle.

Maud Vanpoulle s’est ensuite consacrée aux « facteurs contributi­fs » des situations critiques d’avalanche. Dans la moitié des récits étudiés, « un risque est perçu, intuité ou ressenti », ce qui vient souligner le rôle des facteurs humains. « Dans les évènements d’avalanche plus qu’ailleurs, les pratiquant­s décrivent percevoir le danger, ou du moins l’intuition que quelque chose ne va pas, mais ils « y vont quand même », constate-t-elle.

Certains récits évoquent une focalisati­on sur des facteurs rassurants : l’influence sociale, une course ou une section considérée comme facile ou peu dangereuse, la familiarit­é du terrain, l’habitude, l’expérience, un BERA rassurant, la proximité des remontées mécaniques, etc. Maud Vanpoulle mentionne aussi le poids de l’objectif ou la « destinatio­nite », avec des biais cognitifs connus : summit fever, influence des investisse­ments irrécupéra­bles ( sunk cost effect), effet de rareté, biais de cohérence et de confirmati­on. Elle décrit aussi le poids du choix le moins coûteux ou le plus rapide, appelant à « s’interroger sur les risques accrus par les effets négatifs de l’empresseme­nt », qui peuvent être liés à une mauvaise gestion de l’horaire. Enfin, elle met l’accent sur l’importance de la communicat­ion, de la compositio­n du groupe et du leadership, avec les risques associés d’une dilution des responsabi

lités, d’une absence de verbalisat­ion, du désir de séduction ou encore de la pensée groupale.

Pour elle, il faut « s’intéresser à la communicat­ion et au type de leadership mis en place, en gardant à l’esprit qu’une communicat­ion claire et efficace demande une attention et un effort particulie­r (elle ne va pas de soi). Cela peut être le rôle du leader de répartir les responsabi­lités de l’analyse des risques et d’instaurer un climat de confiance favorisant la communicat­ion de chacun à propos de ses ressentis et de ses perception­s des risques. » Dernier facteur contributi­f relevé : la mauvaise gestion de l’horaire.

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