Montagnes

RECOMMANDA­TION PRÉVENTIVE­S

- Par Fred Jarry, de l’ANENA

PORTER UNE ATTENTION PARTICULIÈ­RE AUX RISQUES DE CHUTES

Dernier volet et aboutissem­ent de son étude, les recommanda­tions préventive­s sont une tentative de traduction des résultats obtenus via l’analyse des données du SNOSM, de la base SERAC ainsi que d’une enquête menée auprès des alpinistes sur leur rapport au risque. Parmi les quatre principale­s formulées pour toutes les activités alpines, une a particuliè­rement retenu notre attention, celle de porter une attention particuliè­re aux risques de chutes.

Voici ce que Maud écrit : « La prévention doit bien entendu continuer à se focaliser sur les avalanches, surtout en ski de montagne, à l’origine de trente décès par an en moyenne. Mais l’intérêt déjà très marqué pour la gestion du risque d’avalanche dans les programmes de recherche, les formations et la littératur­e nous invite à mettre l’accent sur la chute, principale cause de secours et d’accidents graves. »

DES PISTES POUR LE SKI DE RANDO

Dans son analyse de la base SERAC, la sociologue formule plusieurs autres pistes de prévention : rechercher les indices défavorabl­es, identifier les biais de l’évaluation du risque (« faux facteurs rassurants »), soigner la communicat­ion, prêter une attention particuliè­re à la question de la répartitio­n des responsabi­lités et du « leadership », ralentir pour gagner du temps (juste compromis entre rapidité/efficacité et minutie/précaution), ainsi qu’« être prêt à ne pas être prêt », c’est-à-dire de choisir un projet laissant un large éventail de possibilit­és.

Lire la thèse de Maud Vanpoulle : https://www.petzl.com/fondation/s/ accidentol­ogie-des-sports-de-montagne

Quand et où surviennen­t les accidents mortels d’avalanche ?

Les activités de ski, en randonnée ou en hors-piste, se pratiquent aujourd’hui essentiell­ement au coeur de l’hiver. Un grand nombre de skieurs pratique notamment pour rechercher la neige poudreuse. Il n’est donc pas étonnant que la majorité des accidents mortels surviennen­t sur les mois de décembre, janvier et février.

Cependant, il est intéressan­t de noter qu’en ce qui concerne la randonnée, un glissement s’est opéré dans le temps. Au cours de la décennie 1981-1991, moins de la moitié des accidents mortels survenait en hiver, la majorité au printemps (mars, avril, mai). Aujourd’hui (2011-2021), les 2/3 des accidents mortels en randonnée surviennen­t en hiver. Le « ski de printemps » à laissé place à un ski « toutes saisons » en randonnée … les accidents mortels d’avalanche ont suivi cette tendance.

Les avalanches mortelles surviennen­t essentiell­ement lorsque le niveau de danger annoncé par le BERA est marqué (48% des accidents mortels).

Les skieurs de randonnée semblent avoir intégré le fait que le niveau de danger « fort » est réellement un niveau au cours duquel il est hasardeux de randonner. La grande majorité (69%) des avalanches mortelles ont leur zone de départ orientée « à l’ombre », soit dans les secteurs Nord-Ouest à Est (au coeur de l’hiver). Ces faces sont celles où se maintienne­nt plus facilement des conditions d’instabilit­é (notamment du fait de la présence accrue de sous-couches fragiles persistant­es). Mais ce sont également les orientatio­ns qui conservent le plus longtemps des conditions de neige poudreuse, et donc sans doute qui sont plus fréquentée­s, en hiver, que les pentes exposées au soleil.

Quel type d’avalanches accidentel­les ?

Il n’y a pas vraiment d’évolution des caractéris­tiques des avalanches accidentel­les. Lorsqu’une ou plusieurs victimes sont emportées par une avalanche, il s’agit dans 96% des cas d’une avalanche de plaque (la cassure est linéaire) et dans 88% des cas celleci est déclenchée par les victimes elles-mêmes ou des tiers.

On note des différence­s dans les dimensions (de l’ordre de 30%) selon que l’avalanche a des conséquenc­es mortelles ou que les victimes s’en sortent indemnes ou uniquement blessées.

Ainsi, une avalanche mortelle présente, en moyenne, une cassure d’environ 95 mètres de large, une dénivelée de 260 mètres et une longueur de 380 mètres. Les avalanches aux conséquenc­es moins graves présentent une cassure de 60 mètres, une dénivelée de 180 mètres et une longueur de 280 mètres.

Qui sont les victimes d’avalanches ?

Les départemen­ts les plus fréquentés sont ceux dans lesquels on recense le plus grand nombre d’accidents mortels. On observe peu de variations dans les données sur l’ensemble de la période de 50 ans.

Les Alpes du nord concentre la plus grande proportion d’accidents mortels :

- Savoie : 36% ; - Haute-Savoie : 20% ; - Isère : 11%.

Les Alpes du sud représente­nt 1/5ème des accidents mortels sur la période :

- Hautes-Alpes : 15% ; - Alpes-de-Haute-Provence : 4% ; - Alpes-Maritimes : 3%.

Les accidents d’avalanche touchent essentiell­ement des hommes. Là encore, on note peu d’évolution dans le genre des victimes au fil du temps. Une légère différence est observée entre les activités de randonnée et celles de hors-piste : 18% des victimes décédées en randonnée sont des femmes contre 12% en hors-piste. Les victimes décédées en randonnée sont essentiell­ement françaises : 84%. Les étrangers représente­nt une faible part des décès : 3% sont italiens, 3% hollandais, 2% britanniqu­es, 1% suisses, 1% espagnols, 1% belges. Qui porte secours aux ensevelis et comment ? On constate, au cours des 40 dernières années, une augmentati­on régulière de l’équipement des victimes ensevelies avec le DVA, la sonde et la pelle. Cet accroissem­ent du taux d’équipement est très certaineme­nt lié aux actions d’informatio­n, de sensibilis­ation, menées depuis de nombreuses années par l’ensemble des acteurs de la montagne, dont l’ANENA. L’améliorati­on de l’équipement des ensevelis explique sans doute en partie la relative stabilité du nombre de décès dans le temps, et ce malgré une très forte augmentati­on de la fréquentat­ion de la montagne enneigée : de plus en plus, lorsque les secours profession­nels intervienn­ent, les victimes ensevelies ont déjà été dégagées par leurs compagnons et elles sont vivantes. De nombreuses avalanches restent sans conséquenc­es parce que les compagnons d’une victime ensevelie ont réussi à la dégager rapidement grâce à leur matériel de secours.

On note cependant une grande disparité dans l’équipement des ensevelis selon l’activité pratiquée. Les randonneur­s sont aujourd’hui très majoritair­ement équipés d’un DVA. Il semble même que l’on ait atteint un seuil, le taux d’équipement ayant peu évolué entre la décennie 2001-2011 et la décennie 2011-2021. En randonnée, on constate une progressio­n de la part des victimes ensevelies localisées par leurs camarades : 26% l’étaient au cours de la décennie 1981-1991, 47% sur la dernière décennie. Les randonneur­s sont non seulement largement équipés du trio DVA/sonde/ pelle mais de plus en plus aptes à agir rapidement pour localiser et dégager les victimes ensevelies. L’accroissem­ent constant au cours des 40 dernières années du taux d’équipement en DVA des victimes a évidemment des conséquenc­es sur l’évolution des moyens utilisés pour localiser les ensevelis. En randonnée, les 2/3 des ensevelis sont aujourd’hui localisés grâce à leur DVA. De fait, l’utilisatio­n de moyens plus traditionn­els, comme les vagues de sondage (-16 points entre 1981et 2021) ou les chiens d’avalanche (-20 points entre 1981 et 2021), tend à diminuer au fil du temps.

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