Montagnes

LOUNA LADEVANT « LA DÉLÉGATION PEUT CHANGER BEAUCOUP DE CHOSES »

- Propos recueillis par la rédaction ; photo : Nils Paillard

À 22 ans, Louna Ladevant vient de remporter le classement général du circuit de coupe du monde d’escalade de glace, après avoir été sacré champion du monde l’an dernier. Après une première étape compliquée en Corée, il a remporté les étapes de Champagny-en-Vanoise – où il acquiert le titre de champion d’Europe au passage – et de Saas-Fee. De quoi mettre la jeune discipline à la une, alors qu’elle est en plein développem­ent. L’occasion pour nous d’échanger avec lui sur l’évolution de ce sport.

Que penses-tu du fait que la FFCAM soit désormais délégatair­e pour l’escalade de glace ?

Cela peut changer beaucoup de choses, même si c’est vraiment tout neuf. D’abord, l’investisse­ment des jeunes du fait des avantages du statut d’athlète de haut niveau. Plus il y a de monde qui viendra, plus le sport va évoluer, c’est un cercle vertueux. La même logique vaut pour les structures d’entraîneme­nt : plus il y en aura, mieux ce sera.

Une délégation veut aussi dire des moyens investis dans la discipline, ce qui manque aujourd’hui en France. L’investisse­ment de la fédération et de l’État dans le sport ne peuvent faire que du bien à la discipline en l’état actuel.

Qu’en est-il d’une éventuelle olympisati­on de la discipline ?

Les Jeux olympiques, ce serait un rêve, on irait à fond ! La délégation redonne un certain espoir en montrant que le sport avance. Auquel cas, ce serait sûrement sous la forme d’un combiné parce qu’en général, une nouvelle discipline ne se voit pas accorder deux médailles. C’est sûr que ces combinés dénaturent un peu le sport dans toutes les discipline­s, mais je pense que c’est un passage obligatoir­e. Si l’escalade de glace fait ses preuves, ils rajouteron­t une médaille. Ce n’est pas grave, il faut s’y faire : avec pas mal d’entraîneme­nt, la vitesse ne poserait pas de souci.

Quel regard portes-tu sur le développem­ent des structures artificiel­les d’escalade de glace ? C’est super s’il y a plus de structures, surtout si elles peuvent accueillir des compétitio­ns internatio­nales pour pouvoir avoir plusieurs étapes en France, en plus de celle de Champagny. Tant mieux aussi si cela permet d’accueillir des initiation­s, que ce soit en glace ou en dry : c’est important de s’ouvrir à un public plus grand dans la mesure où la discipline reste ludique. C’est important que les pratiquant­s, qui sont nombreux en France, aient accès à des structures artificiel­les.

As-tu un avis sur l’éviction des Russes du circuit internatio­nal de compétitio­ns ?

C’est un sujet politique sur lequel on n’a aucun levier d’action. D’un point de vue compétitif, c’est vraiment dommage : les Russes sont des concurrent­s solides, en plus d’être des super sportifs, avec un état d’esprit honorable.

Quant aux étapes organisées historique­ment en Russie, les structures demandaien­t à être uniformisé­es et les temps de grimpe raccourcis, surtout en finale pour la télégénie, mais cela fait toujours des étapes de moins sur le calendrier… On se retrouve avec une saison comme cette année à trois étapes : pour un circuit et un classement général, c’est vraiment peu et ça fait beaucoup d’enjeux de s’entraîner autant pour trois semaines de compétitio­ns. S’il y a le moindre problème, maladie ou blessure, si tu fais une erreur ou s’il t’arrive quoi que ce soit, comme moi avec le piolet cassé en finale de l’étape coréenne, cela laisse très peu de chances pour se rattraper. S’il y a plus d’étapes, ce sont les trois meilleurs résultats qui comptent.

Quelle est ta routine d’entraîneme­nt ?

Avec Tristan, on a un coach qui nous fait nos planificat­ions vraiment très précises pour l’entraîneme­nt. À partir de l’automne, on s’est vraiment remis à fond en entraîneme­nt spécifique pour la compétitio­n donc c’est beaucoup de musculatio­n, de préparatio­n physique, d’entraîneme­nt à la tour de glace à Champagny (juste sur les parties sèches quand il n’y a pas encore de glace), pas mal d’escalade aussi, du cardio, du gainage… On fait vraiment de tout, jusqu’à 35 heures d’entraîneme­nt par semaine.

As-tu le temps de faire de l’escalade en cascade naturelle ?

Cette année, vu le calendrier, on a pu profiter un peu des conditions extérieure­s, par exemple à Gavarnie où on a fait trois journées de glace. Sinon, c’est vrai que c’est assez frustrant d’être à fond sur les compétitio­ns et de louper les créneaux de conditions. En étant concentré sur les compétitio­ns, aller dehors, c’est de la fatigue, des entraîneme­nts loupés… C’est toujours un dilemme.

Est-ce que ton niveau en compétitio­n est transposab­le en glace ?

C’est une bonne question mais il y a beaucoup de choses à gérer en plus dehors : les conditions, les risques, l’engagement… C’est sûr que notre aisance avec les piolets nous amène à un niveau bien plus élevé comparé à notre expérience. Ça ouvre des possibilit­és énormes mais on fait quand même attention parce que ce n’est vraiment pas le même milieu. Il faut y aller tranquille et prendre le temps de transposer. Le niveau technique et l’expérience en montagne, c’est quand même très différent.

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