Montagnes

LA VARIANTE PORTIOLLET­TE EST DIABLEMENT PLUS ESTHÉTIQUE

À PEINE PLUS LONGUE QUE LA CLASSIQUE,

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çoivent des humains ou un chamois : un cri unique, fort, sûr et qui ne laisse pas place au doute quant au message lancé à ses congénères. Le Petit col de Talon s’annonce comme une délivrance : on franchit le plus haut point du tour de l’Ubaye et on en termine avec cette traversée versant Verdon. Il ne reste plus qu’à se laisser descendre jusqu’au hameau de Bayasse en profitant du paysage : on n’oubliera pas de se retourner pour admirer la cascade dominant la route du col de la Cayolle.

J4. La nuit fut bonne. Ici, on avait le choix entre gîte, chambre d’hôtes ou refuge. Il y a un peu de monde. La plupart des gens viennent ici quelques jours pour profiter de la montagne et aller se promener en étoile. Bayasse est vraiment bucolique. On a pu s’y prélasser en rêvant d’aventures plus verticales face aux parois calcaires du Ventebrun. Mais aujourd’hui, ce sera la découverte d’une nouvelle vallée. Après la remontée du vallon de la Moutière, on quitte à nouveau l’Ubaye pour changer non seulement de vallée mais aussi de départemen­t : on se retrouve au fin fond de la Haute Tinée et des Alpes-Maritimes. Le sentier traverse un peu en dessous de la route la plus haute d’Europe et ses 2 802 m sous la cime de la Bonnette. Il doit y avoir foule de cyclistes là-haut. Le sentier poursuit vers l’est et rejoint à nouveau une crête. Les nuages menacent et les premières gouttes apparaisse­nt. Il faut dire qu’après la longue étape de la veille, on a un peu traîné au démarrage ce matin. Allez, zou ! Une fois au col de la Colombière, on file en courant sans demander notre reste tant la pluie commence à devenir gênante. Bon, finalement, l’orage ne semble pas s’imposer et les Alpes du Sud restent fidèles à leur réputation. Le soleil perce à nouveau et on termine avec une splendide lumière à travers les mélèzes. L’étape se fera à Bousiéyas en Haute Tinée, en plein coeur du parc national du Mercantour.

J5. L’aventure continue. Aujourd’hui, elle nous emmène sur le deuxième col le plus haut du circuit. Le pas de la Cavale nous permet de rebasculer versant Ubaye dans le fameux vallon de Lauzanier, lieu réputé pour la flore avec notamment la station la plus au sud des Alpes du fameux « chardon bleu ». Le vallon est également célèbre pour ses nombreuses marmottes peu farouches : depuis Larche, de petites navettes apportent leur lot de vacanciers venus spécialeme­nt ici et en famille pour les observer et les photograph­ier. Et ils ont bien raison de profiter de la montagne sous ce beau soleil du sud. Une fois au lac du Lauzanier, il ne reste que 500 m de distance pour rejoindre le village de Larche mais l’étape est loin d’être terminée : la distance à parcourir est importante et demandera deux heures et plus de marche. La chaleur se fait sentir. On en viendrait à souhaiter un petit orage mais il n’y a pas un nuage.

Aussi, plutôt que de se presser, c’est l’occasion d’une petite sieste à l’ombre d’un mélèze. Il faut se ménager ; demain, il y aura encore de quoi faire avec deux cols à traverser.

J6. Le sentier s’élève rapidement au-dessus du village de Larche, encore à l’ombre car le soleil reste caché derrière les 3 000 de la crête frontière. Un bain de fraîcheur appréciabl­e sur cet adret qui monte beaucoup en températur­e les chaudes journées d’été. Nous avons choisi de passer par la variante du col de la Portiolett­e. À peine plus longue que la classique, la variante Portiollet­te est diablement plus esthétique en venant s’insérer entre la tête de Sautron et la Meyna puis passant au pied de l’aiguillett­e du Vallonnet, curieuse aiguille plantée sur la montagne et réservée aux grimpeurs. La remontée du col du Vallonnet est courte mais nous hâtons le pas. Les nuages noirs sont déjà menaçants sur le brec de Chambeyron. Les orages prévus à la mi-journée semblent bien se préparer. Nous ne regrettons pas le départ au petit matin. La descente sur Fouillouse se fait sous le regard du gypaète barbu installé ici depuis quelques années. Notre hôte nous apprendra qu’une zone de quiétude a été définie afin de protéger ce rapace qui est désormais nicheur. Le hameau de Fouillouse est enchanteur : des petites maisons tout en pierres avec leurs toits de lauzes. Et que dire du clocher avec sa triple arcade ! Il y a foule ici. Les randonneur­s sont déjà redescendu­s eux aussi de leur petit tour matinal au milieu des marmottes et sirotent une bière à l’abri sous les grondement­s du tonnerre.

J7. Nous avons de la chance. Le temps n’est pas au beau fixe et le ciel menace dès le matin mais c’est justement l’étape du tour qui se déroule en vallée. Nous aurons plus facilement de quoi nous abriter en cas de besoin et surtout, nous éviterons les zones exposées en cas d’orage. Le sentier descend la rive gauche et rejoint l’Ubaye. Nous apercevons sur la droite le fameux pont du Châtelet, étrave de 27 m de long sur trois de large et surplomban­t la rivière de 108 m de haut ! Nous passons en rive droite et rejoignons le village de Saint-Paul. Décidément, c’est notre jour de chance. Nous sommes partis tranquille­ment en milieu de matinée et avons décidé de manger à Saint-Paul. Nous sommes mardi et c’est le jour d’ouverture hebdomadai­re de la boulangeri­e du village dont on nous a tant parlé. Une bonne miche alimentera la fin de notre périple. Nous en profitons pour laisser passer une averse. Après avoir traversé le hameau de Tournoux, le ciel semble finalement moins menaçant que le matin. Nous décidons alors d’emprunter

le sentier du Roy, récemment réhabilité et qui était auparavant le tracé de ce GR, plutôt que de descendre par la CondamineC­hâtelard. C’est un peu plus long mais nettement plus joli. Et on arrive directemen­t au hameau des Pras, point de chute de cette journée.

J8. Ça commence à sentier bon. L’étape demeure néanmoins assez longue avec encore des orages. Nous partons très tôt et marchons d’un bon pas sur le chemin qui mène au vallon de Bérard. Nous laissons ce vallon sur la gauche car il faut aller encore plus loin, dans le vallon du Parpaillon, mais cette fois, le chemin commence à monter. Le rythme ralentit et la vallée s’éloigne. On quitte le large chemin en entrant dans le vallon. Ce chemin, cette route, est en fait une des plus hautes routes d’Europe. Bien que non goudronnée, elle reste carrossabl­e et traverse la montagne à 2 700 m d’altitude pour redescendr­e de l’autre côté, versant haut-alpin, jusqu’au village de Crévoux. Le col de la Pare est en vue. Nous n’aurons pas fait 1 000 m de dénivelé mais quelle distance pour y parvenir ! Il fait gris et quelques gouttes s’invitent. En face, les sommets du Sauze et les Séolanes s’élèvent sous un ciel noir d’encre. Nous plongeons vers la vallée par un sentier au départ escarpé. Pied un peu alpin recommandé. Rapidement, nous arrivons au milieu des pins. Et au détour d’un lacet, nous apercevons la bâtisse. C’est le refuge de la Pare dans lequel est prévue la dernière nuitée de ce GR56.

J9. Grand beau temps pour finir. Grand bleu. Nous ne nous pressons pas pour cette ultime étape de moyenne montagne entre forêts, champs et hameaux. Une étape loin d’être mal découpée car elle réserve de belles vues sur la vallée et permet de finir en douceur avec un dénivelé essentiell­ement négatif. Elle permet aussi d’arriver suffisamme­nt tôt au point de chute et, selon qu’on a prévu de rentrer directemen­t ou de prolonger son séjour en Ubaye, d’organiser la suite sans attendre. Après avoir traversé plusieurs forêts, clairières et hameaux, nous voici à notre point de départ à Méolans-Revel, des images plein la tête. Durant cette étape, l’esprit a pu vagabonder et prévoir déjà de futurs projets. Mais avant cela, il nous reste quelques jours. Quelques jours pour savourer cette vallée de l’Ubaye plus paisibleme­nt au gré des visites de ces villages dont nous avons fait le tour via ce magnifique GR56 !

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 ?? ?? Depuis le vallon du Lauzanier, en direction de la tête de Sautron et les arêtes de la Portiolett­e.
Depuis le vallon du Lauzanier, en direction de la tête de Sautron et les arêtes de la Portiolett­e.
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Bivouac au lac du Lauzanie.

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