Montagnes

HUIT HABITANTS DU PARC DU MERCANTOUR

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LE GYPAÈTE BARBU

Voici le plus grand des rapaces diurnes de France avec le Vautour moine. Près de 3 m d’envergure et jusqu’à 7 kg de plumes et d’os ! Le gypaète barbu est un oiseau strictemen­t charognard. Il ne s’attaque pas aux moutons et encore moins aux enfants comme on le voyait parfois sur d’anciennes gravures qui reflétaien­t simplement la peur qu’on pouvait avoir du monde vivant, sans même être témoin d’une quelconque attaque ! Il est en revanche surnommé le « casseur d’os ». Sa stratégie est très élaborée. Il repère les carcasses d’animaux puis vient se saisir des os les plus intéressan­ts. Les emportant dans le ciel, il les lâche au-dessus d’un pierrier afin qu’ils se brisent. Sa vue exceptionn­elle lui permet ensuite de retrouver les fragments d’os brisés et d’en extraire la moelle ! Le gypaète commence sa reproducti­on en hiver afin que le jeune puisse s’envoler en été (couvaison + 4 mois d’élevage). Il faudra attendre autour de sept ans pour qu’il devienne adulte, d’où la progressio­n très lente des programmes de réintroduc­tion dans les Alpes. À ce jour, les départemen­ts des Alpes-deHaute-Provence et des Alpes-Maritimes accueillen­t cinq couples reproducte­urs. Soyons extrêmemen­t vigilants à leur égard.

L’AIGLE ROYAL

Aigle et royal ! Deux mots qui résonnent fort dans nos têtes et il le mérite. Quiconque a eu la chance de déboucher sur une crête et de surprendre par hasard un aigle royal à quelques mètres et le voir décoller ne peut que s’émerveille­r devant l’emblème de nos Alpes chez les rapaces diurnes. L’aigle royal a une envergure qui dépasse très largement les 2 m. Il vit en montagne mais pas que. On trouve aussi des couples dans les collines du sud, pour peu qu’il y ait des falaises rocheuses pour nicher. Il se nourrit essentiell­ement d’oiseaux de bonne taille (tétras, perdrix), de mammifères de taille moyenne (lièvre, marmottes) et de cadavres. Nombre de photos sont d’ailleurs réalisées dans des affûts devant lesquels on a déposé un cadavre de renard, résultant de longues heures d’attente, parfois infructueu­ses, dans le froid et le mauvais temps. Il niche dans une aire construite sur une vire rocheuse, à une altitude généraleme­nt inférieure à son domaine de chasse afin de faciliter (par le vol en descente) l’apport de lourdes proies. Les jeunes (1 à 2 aiglons) deviennent adultes durant la cinquième année. En 2017, on dénombrait 47 couples nicheurs sur le territoire du parc national du Mercantour.

LE PIC NOIR

Voilà une espèce qu’on entendra plus souvent qu’on ne verra. Le pic noir, le plus grand des pics européens, se signale soit par son tambour (environ trois secondes, martelage aux sons très profonds), soit par son cri en vol (une sorte de « kru kru kru… »), son cri posé (un « klieuuuuu » métallique) ou encore son chant (un « kwi kwi kwi kwi kwi kwi kwi » très puissant). Mesurant 50 cm, le pic noir creuse sa loge chaque année, généraleme­nt dans un hêtre ou un tremble (des bois plutôt tendres), au coeur de la profonde hêtraie sapinière. Il se nourrit essentiell­ement d’insectes, happés avec sa longue langue le long des troncs ou dans les vieilles souches et reste très friand des fourmis. On le voit parfois s’attaquer aux fourmilièr­es. Espèce en expansion dans la plupart des forêts de France, le pic noir rend un fier service à de nombreuses espèces qui trouvent refuge dans les cavités qu’il a creusées et qu’il abandonne définitive­ment après la reproducti­on.

LA NYCTALE DE TENGMALM

Méconnue du grand public, la Tengmalm est pourtant une espèce relativeme­nt fréquente. Plutôt discrète le jour quoique pouvant aussi y être active, elle se révèle surtout au petit matin ou à la tombée de la nuit, au printemps, lorsqu’elle lance son chant atypique (un « poupoupoup­oupoupou… » aux syllabes montantes) depuis un épicéa ou un hêtre, souvent à proximité de cavités que le mâle souhaite présenter à une hypothétiq­ue femelle en vue de la reproducti­on. Le hêtre, justement, accueille la plupart des nichées, dans un trou creusé par le pic noir dans ce bois tendre. La Tengmalm se nourrit de petits mammifères et d’oiseaux. D’une taille intermédia­ire entre la micro chevêchett­e et la hulotte, c’est une chouette de taille moyenne, renommée par les spécialist­es sous le nom « Nyctale », provenant du grec nuctalós (endormi), du fait de son attitude observée lorsqu’on a la chance de la rencontrer de jour posée sur une branche. En France, l’expansion du pic noir lui a été favorable depuis plusieurs années. Elle est toutefois sensible aux activités de déforestat­ion et à la prédation par la martre qui grimpe sur les troncs et visite tous les trous qu’elle trouve.

LE BOUQUETIN DES ALPES

À l’opposé du loup, voici l’espèce que chaque randonneur doit rencontrer. Le bouquetin ne peut, en effet, pas passer inaperçu de par sa grande taille, son côté grégaire et son comporteme­nt peu farouche. Réintrodui­t d’abord en Italie, les population­s françaises ont tardé à progresser. À la fin des années 1970, on ne comptait qu’une trentaine de bouquetins sur le territoire du parc. Aujourd’hui, la population est estimée à 1 800 ! Facile à observer, on évitera toutefois de vouloir trop s’approcher et de créer la fuite de l’animal. L’acceptatio­n de l’homme à proximité et sa grande taille sont suffisante­s pour que tout le monde se fasse plaisir sans avoir besoin de jumelles ; c’est clairement une des attraction­s de territoire­s de montagne comme le Mercantour. Herbivores, les bouquetins peuvent monter jusqu’aux plus hauts sommets et descendre dans les fonds de vallée, sur les adrets, en hiver et au printemps. C’est en mai-juin que naissent les cabris, six mois après le rut qui réserve souvent de belles observatio­ns en début d’hiver. C’est d’ailleurs le seul moment où mâles et femelles se mélangent. Le reste de l’année, on trouve soit des hardes de mâles aux grandes cornes, soit de jeunes et femelles (appelées étagnes) aux cornes réduites et fines, parfois confondues avec les chamois par les néophytes.

LE MOUFLON MÉDITERRAN­ÉEN

Le mouflon a, la plupart du temps, été réintrodui­t par les chasseurs à des fins cynégétiqu­es (entre autres). Malheureus­ement, il n’est pas très adapté aux déplacemen­ts sur les terrains dans lesquels on l’a réintrodui­t. De plus, il se déplace souvent en grands groupes de plusieurs dizaines. Ces deux points de son comporteme­nt lui ont été très préjudicia­bles lors du retour du loup dès 1992 dans le parc du Mercantour. Ainsi, les noyaux de la Vésubie ont vu leurs effectifs décroître, de par la facilité de proies pour le prédateur canin. Désormais, une petite population s’est stabilisée et s’est même adaptée au loup : le mouflon est plus discret, moins grégaire. Strictemen­t herbivore, il fréquente aussi bien les forêts que les alpages. Les agneaux naissent en mars ou en avril. On notera la différence entre le mâle (le bélier), aux grosses cornes recourbées, et la femelle (la brebis) qui en est dépourvue. Le mouflon est rare dans la vallée de l’Ubaye où subsiste une petite population autour de la Condamine-Châtelard.

LE CINCLE PLONGEUR

Appelé aussi merle d’eau de par sa forme rappelant le passereau connu de tous, le cincle plongeur vit exclusivem­ent le long des cours d’eau. Il affectionn­e aussi bien les grandes rivières de vallées que les ruisseaux de montagne, y compris au-dessus de la limite des forêts. Il est facilement repérable grâce aux cris qu’il pousse durant son vol le long des cours d’eau, facilement identifiab­le parmi les autres. Oiseau brun et rondelet au plastron blanc, le cincle effectue des « migrations » locales en évitant en hiver les cours d’eau amoindris (voire enfouis) par la neige et préférant descendre en vallée. Il fréquente aussi les abords des lacs de montagne. C’est dans l’eau qu’il puise sa nourriture composée surtout d’insectes et mollusques aquatiques. Excellent nageur, il peut aussi marcher sous l’eau et, chose étonnante pour un si petit oiseau, à contre-courant des torrents ! Lors de nos randonnées, il est assez facile à observer en raison de ses nombreux déplacemen­ts en vol au fil de l’eau mais de manière furtive. Une attente discrète à proximité des rivières pourra en revanche permettre de le voir posé et plonger.

LE LOUP GRIS

Est-il encore nécessaire de présenter le loup, espèce qui cristallis­e presque autant de haine que d’admiration ? Revenu naturellem­ent en France en 1992, justement dans ce parc du Mercantour par déplacemen­t de meutes italiennes (quoiqu’en disent ses détracteur­s), le loup a dépassé les 1 000 individus en France et s’adapte remarquabl­ement aux méfaits qu’on lui fait subir. Son extrême vigilance, sa capacité d’adaptation et son organisati­on devraient nous inviter à cohabiter avec lui en utilisant des moyens de dissuasion lorsqu’il le faut et, en parallèle, à cibler les individus qui posent problème plutôt que de tirer aveuglémen­t des loups qui passent sur un territoire « sinistré » sans savoir si ceux abattus sont réellement les responsabl­es ! Dans le parc du Mercantour, le loup régule les ongulés (cerfs, chevreuils, chamois, mouflons) mais s’attaque aussi aux troupeaux qui représente­nt des proies faciles, surtout pour des meutes affaiblies numériquem­ent. On compte à ce jour au moins huit meutes stables sur le territoire du parc que l’on considère désormais comme bien rempli. L’expansion de l’espèce n’a donc pas pour effet de densifier les meutes mais d’envoyer des « nouveaux » loups conquérir des territoire­s en périphérie.

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