Montagnes

NICOLAS JEAN

Des 3 000 de l’Ubaye aux 8 000 de l’Himalaya

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Nicolas Jean est né à Gap en 1998. Il grandit en Ubaye où ses parents l’emmènent gambader dans la montagne. Rien d’exceptionn­el jusque-là. À l’âge de 12 ans, il se met à l’escalade et au ski. Disposant de bonnes bases techniques de descente grâce au club de ski, il se tourne rapidement vers la pente raide. «C’était un moyen d’aller en montagne avec peu d’équipement contrairem­ent à l’escalade qui demande un certain budget, notamment pour les friends» nous dit Nicolas. Alors qu’il n’a que quinze ans, il convie son ami Léo de la Fuente à gravir le couloir nord-est du Pain de Sucre dans la plus stricte intimité. Seul son frère est au courant de l’entreprise. Les deux lascars atteignent le sommet mais Nicolas sera le seul à skier le couloir, réalisant du même coup son premier 5.4 et la première descente de cet itinéraire, son partenaire le désescalad­ant intégralem­ent en crampons ! Quelle ne faut pas la surprise pour ses parents lorsqu’ils l’apprendron­t, un peu plus tard, au festival du film de montagne ! En 2015, Nicolas se lance un défi : gravir tous les sommets de plus de 3 000 mètres de l’Ubaye. Il en dénombre 63 ! Inspiré par Bérhault qui n’était pas le pionnier mais sans doute un des plus médiatique­s nous dit Nicolas, les enchaîneme­nts commencent à le titiller. L’année précédente, un petit raid à skis lui avait bien plu. Il sentait qu’il allait se tourner vers ces moments d’immersion en montagne. Il s’entoure alors d’amis comme le skieur de pente Julien Savy, sa copine Mickaëlle Rastout ou encore le solide Joël Crose pour réaliser son projet. Les premiers sommets sont réalisés autour de son domicile à Barcelonne­tte (Cimet, Pelat…) avec retour au bercail à chaque fois puis, en Haute Ubaye, Nicolas passe en mode itinérance mais toujours avec la même idée : pas de moyens motorisés, uniquement approches à vélo. Cela tombe bien, il n’a pas encore (l’âge d’avoir) le permis ! Sans doute une des raisons de ce choix local qui ne demande pas de moyen de locomotion particulie­r, ni un grand investisse­ment financier. Appréciabl­e quand on est ado. À cette occasion, il utilise parfois aussi le parapente comme moyen de retour. Lorsqu’il décolle de l’épaule du Grand Bérard, il n’en est qu’à son cinquième vol !! La plupart des sommets sont réalisés par les voies normales mais pas systématiq­uement nous précise-t-il. Par exemple, du Massour au Brec, nous avons emprunté les arêtes avec Joël. C’était en même temps le plus logique dans une optique d’enchaîner. Des arêtes empruntées également aux aiguilles de Chambeyron pour le plaisir, ou encore une voie d’escalade avec Julien pour se rendre à la Mortice. L’affaire est bouclée en vingt jours et sans mauvaise surprise.

Plusieurs années ont passé. Nicolas est devenu aspirant guide et espère boucler cette année. Il travaille un peu comme aspi et moniteur de ski mais son métier principal reste charpentie­r. Dès qu’il le peut, il s’évade vers le sommet. Il n’a pas encore vingt-cinq ans que déjà, il a une expérience que peu d’entre nous auront à la fin de la carrière. Il est un des rares à avoir skié le Nant Blanc à la Verte même si, pour lui, cette descente n’est pas forcément ce qu’il retient de plus marquant. Toujours avec beaucoup de modestie, il garde de grandes émotions pour ses deux traversées à skis dans les Écrins (N.D.L.R. : en 2022, avec Benjamin Védrines, la traversée non-stop en 28 h d’Embrun à la Grave - 10 000 mètres de dénivelé et en 2021, toujours avec Benjamin, la traversée Gioberney -Villar-d’Arêne par 10 pentes raides en trois jours totalisant 11 000 mètres de dénivelé !) et ses deux expédition­s en Himalaya où il a ouvert une voie au Chamlang en 2019 encore avec Benjamin Védrines (7 321 m, Népal ; 1 500 m, M3/M4, 65°) et gravi en 2022 le Broad Peak (8 051 m) sans oxygène. «Même par la voie normale, ce fut un très grand moment !». Personne ne doute sur le fait qu’il a une besace remplie de grands et beaux projets. Il n’y a qu’à voir les deux traversées de ski de pente raide réalisées cet hiver en Ubaye et malgré des conditions de neige non optimales pour se convaincre qu’on n’a pas fini de le voir arpenter les sommets de la vallée, des Alpes, et du monde !

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