MONTRE HEROES

Clock and clutch

Depuis 2016, à Nice, la maison Carzo & Lieutier s’attache à rassembler l’univers de la moto et celui de l’horlogerie. Son nouveau challenge ? Relocalise­r en France la plupart des étapes de fabricatio­n de sa prochaine montre, l’héroïne.

- Texte Marine Ulrich - photos Damien Lorrai

Qu’elles soient horlogères ou motocyclis­tes, les belles mécaniques rassemblen­t les passionnés. C’est ainsi que la moto a fait se rencontrer Guillaume Lieutier (l’entreprene­ur communican­t) et Philippe Carzo (le technicien). Sur la route comme dans la vie, les deux riders deviennent amis et s’unissent pour le meilleur et l’aventure. En 2016, ils créent leur marque horlogère “Carzo & Lieutier” avec l’idée de revendique­r avec fierté leur savoir-faire dans le monde de la moto au sein de l’univers horloger. Inconnus du monde très codé de l’horlogerie, Philippe et Guillaume ont - au départ – été reçus comme des “ovnis”. Ils ont su franchir les barrières et faire de leur singularit­é un véritable atout. Moto ou montre, peu importe, pour eux la démarche est la même. Il suffit de jouer avec les échelles, les techniques, les outils – et d’être un brin persévéran­t tout de même – pour construire de A à Z le modèle dont ils rêvent. La maison Carzo & Lieutier s’attache à rappeler l’univers de la moto dans le design et l’utilisatio­n de certaines pièces et techniques de fabricatio­n de leurs tocantes. S’inspirant des montres des années 60 au cadran simple, les modèles présentent une intéressan­te complexité au niveau des boîtiers, très travaillés. « Nous nous efforçons de proposer des montres assemblées en France, qui répondent à des critères esthétique­s et de qualité mais qui sont aussi réfléchies, dessinées et usinées pour rappeler certaines pièces d’une moto » disent-ils. Ainsi, leur premier modèle s’appelle Saint-luxeuil, en référence au saint patron protecteur des motocyclis­tes. Il possède une boîte qui intègre la reproducti­on d’une pièce de mécanique de moto, le circlips. Sur le flanc de la montre, la gravure “Time to ride” rappelle également l’esprit motard de Carzo & Lieutier. « Dans la Turini, un autre de nos modèles, on retrouve la forme de boîtier en circlips, un bosselage à gauche avec un moletage droit rappelant la technique du guillochag­e afin de coller au plus près de notre ADN mécanique. La couronne reprend la forme d’un engrenage de boîte de vitesses et on retrouve la vis BTR à l’arrière de la montre » explique Philippe Carzo, l’as du dessin et de la technique tout de bleu de travail vêtu. Affichant toujours cette volonté de s’aligner sur la préparatio­n motocyclis­te, Carzo & Lieutier customise également des montres uniques à partir de leurs modèles de série, ils les appellent les « unorthodox­es ». Ces modèles se vendent en quelques minutes dès leur commercial­isation en ligne. Un succès mérité, à la hauteur des heures de travail passées dans l’atelier pour façonner ces véritables pièces de collection. Il suffit de pousser les portes de leur boutique-atelier, située dans le Vieux-nice, pour plonger dans les années ‘60. Des portraits de Steve Mcqueen et Serge Gainsbourg côtoient le mobilier en bois de l’époque. La Yamaha SR 400 qui y trône fièrement rappelle ce que l’on vient chercher dans ce lieu de vie aux airs de garage qui sent bon l’huile de moteur.

Chère à leur coeur, la ville de Nice est leur territoire et il serait impensable pour les deux compères de s’installer ailleurs. Avides de nouveaux défis, ils ont d’ailleurs décidé d’aller plus loin aujourd’hui dans cette démarche. Est-ce pour autant possible de faire du “100 % made in France” ? La confusion et les débats d’actualité enflammés sur le sujet titillent Philippe Carzo et Guillaume Lieutier. « Il n’est pas possible, par exemple, de se fournir en mouvement français et le coût de développem­ent d’un calibre n’est réservé qu’à quelques grandes marques » commencent-ils. « S’agissant des autres composants comme le boîtier, le fond, le verre, le joint, les aiguilles, ou encore le cadran ? S’ils sont fabriqués de manière traditionn­elle, encore une fois, les coûts de production deviennent trop importants. Nous nous sommes donc posé la question de savoir s’il n’y aurait pas de nouveaux moyens qui nous permettrai­ent de pouvoir produire de plus petites quantités à des coûts raisonnabl­es à notre échelle, en réduisant les distances de fabricatio­n. En cherchant bien : oui ! Il existe, dans notre beau pays, plusieurs corps de métiers qui font partie ou non de l’industrie horlogère, et qui, quand nous les avons contactés, étaient prêts à relever le défi » . Ainsi, après plusieurs mois de recherches, ils sont parvenus à relocalise­r la majeure partie des étapes de fabricatio­n de leur prochaine montre en France. Un véritable exploit ! Et voici donc l’héroïne : la dernière propositio­n horlogère de Carzo & Lieutier, non pas simplement assemblée mais bien fabriquée en France grâce à un nouveau procédé hybride mêlant impression

3D, frittage et usinage CNC. Le tour de France des étapes de fabricatio­n ? Le voici : le cadran est découpé en région parisienne ; le boîtier fabriqué à Morteau et usiné à Saint-vit dans le Doubs ; on descend encore un peu dans la région pour faire un stop à Russey, toujours dans le Doubs, où est réalisé le polissage selon des méthodes traditionn­elles ; le mouvement automatiqu­e est aussi français : un N516 ; enfin, l’assemblage du cadran et de la montre, la tampograph­ie et la soudure du cadran sont exécutés à Nice par les mains expertes de Philippe Carzo. Par son nom, l’héroïne évoque un puissant navire de guerre cuirassé de la Marine française voguant sur les eaux dans la seconde moitié du XIXE siècle. Le blindage du navire était en acier, c’est donc de l’acier inoxydable qui a été choisi pour constituer le matériau du cadran de l’héroïne. L’hommage à la France se retrouve sur le fond de la montre, où est gravé un coq, véritable emblème national qui personnifi­e à merveille l’esprit combatif et le courage des aviateurs de la Première Guerre mondiale. Produite à seulement 16 exemplaire­s, l’héroïne est une star aussi simple et brute dans son design qu’elle est complexe dans son histoire, ses étapes de fabricatio­n et toute la recherche et le développem­ent qu’elle a nécessités.

La maison Carzo & Lieutier s’attache à rappeler l’univers de la moto dans le design et l’utilisatio­n de certaines pièces.

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 ?? ?? « Notre savoir-faire dans l’univers de la moto, nous le revendiquo­ns fièrement dans l’horlogerie ».
« Notre savoir-faire dans l’univers de la moto, nous le revendiquo­ns fièrement dans l’horlogerie ».
 ?? ?? L’héroïne, le dernier modèle Carzo & Lieutier, made in France.
L’héroïne, le dernier modèle Carzo & Lieutier, made in France.
 ?? ?? Garage moto et atelier d’horlogerie au sein d’un même lieu.
Garage moto et atelier d’horlogerie au sein d’un même lieu.
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 ?? ?? La moto custom, c’est ce qui a réuni les deux compères.
La moto custom, c’est ce qui a réuni les deux compères.
 ?? ?? Un travail de précision sur les boîtiers, l’assemblage du cadran, la tampograph­ie et la soudure.
Un travail de précision sur les boîtiers, l’assemblage du cadran, la tampograph­ie et la soudure.

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