MONTRE HEROES

La pendulette du pouvoir

L’horloge signée Jean-andré Lepaute disposée chaque mercredi par les huissiers au centre de la table du conseil des ministres n’est pas une simple pendulette classique. Elle signe le temps du pouvoir, témoin de la République.

- Par Georges Gombert

Face au président de la République, une pendule à deux côtés rythme les séances du conseil des ministres. Elle pourrait passer quasi inaperçue parmi les quelque 320 garde-temps décorant les salons et les bureaux du palais de l’élysée, mais la pendulette signée Jean-andré Lepaute disposée chaque mercredi par les huissiers au centre de la table du conseil des ministres n’est pas anodine, avec ses deux cadrans. Ils permettent au président et au premier ministre, qui se font face, de garder un oeil sur le temps. Il se raconte dans les couloirs du palais que durant la première cohabitati­on, François Mitterrand – qui se voyait volontiers en maître des horloges – n’hésitait pas à la faire régler en avance pour écourter le temps de réunion avec Jacques Chirac. Si bien que, lors de la seconde cohabitati­on, Édouard Balladur prenait soin de vérifier, en entrant dans le salon Murat, le réglage sur le cadran disposé du côté de François Mitterrand… Dans tous les cas, il serait évidemment malvenu de jeter, même subreptice­ment, un coup d’oeil à son poignet en face du chef de l’état. Une habitude qui déplaisait au plus haut point au général de Gaulle ; lequel n’hésitait pas à reprendre d’un trait d’esprit ou d’un sarcasme les ministres visiblemen­t pressés d’en finir. L’homme du 18 juin appréciait particuliè­rement l’autre curiosité horlogère du salon Murat, où se tient le conseil des ministres depuis la présidence de Georges Pompidou : une rare et précieuse pendule dite “aux trois horloges”, commandée en 1836, avec un mouvement à sonnerie. Son décor présente l’histoire de l’introducti­on de l’indication de la mesure du temps pour le grand public, à Paris, avec une première scène figurant le gnomon installé vers 1200, une autre pour la représenta­tion de la première horloge publique placée en 1370 par Heinrich von Wieck sur la Tour de l’horloge à la Concierger­ie, et enfin l’éclairage au gaz de l’horloge à cadran qui sonnait les grandes réjouissan­ces publiques depuis 1781. Dans les trois cas, il s’agit de mettre en valeur l’action du gouvernant, maîtrisant la marche du temps et la science de sa compréhens­ion ou de sa mesure, agissant pour l’utilité publique. Tout un symbole. Des peintures sur porcelaine exécutées en 1841 par la manufactur­e de Sèvres. Livrée en 1845, elle était destinée au château de Saint-cloud mais sera récupérée par la présidence de la République sous Jules Grévy. Depuis la fin du XIXE siècle, le goût de l’horlogerie s’est transformé. Si les pendules restent remarquabl­es (les récents visiteurs du chef de l’état auront noté la pendule classique en bronze doré sur un coin de son bureau ultra-moderne. Peut-être un symbole du “en même temps” ?), ce sont désormais moins les manteaux de cheminées qui sont scrutés que la montre qui se cache sous la manche de la chemise.

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Si elles pouvaient parler... les pendules et les horloges de l’élysée en diraient aussi long sur les secrets d’état que sur le tempéramen­t des présidents.

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