MONTRE HEROES

Serial entreprene­ur

Avec son air de ne pas y toucher, Guillaume Laidet cache bien son jeu. Entreprene­ur horloger hors pair, il cumule les succès dont le dernier en date, Nivada Grenchen. Voici son histoire…

- Texte Hervé Borne - photos David Marvier

GUILLAUME LAIDET - NIVADA GRENCHEN

Lors d’un premier rendez-vous avec Guillaume Laidet, difficile d’imaginer qui se cache derrière ce nom. Avec son allure de gendre parfait en hoodie et son sac à dos, notre ( jeune) homme ressemble davantage à un étudiant de bonne famille qu’à un entreprene­ur visionnair­e. Et pourtant ! C’est ce qu’il est. Il a même été surnommé le “Zuckerberg de l’horlogerie” par le magazine GQ. « Ça m’a fait plaisir, se souvient-il, mais je l’ai pris plus comme une plaisanter­ie. C’était au début de William L., j’avais atteint les 3 millions de chiffre d’affaires, pas les 3 milliards. En fait, je pense que le journalist­e voulait faire allusion à mon côté digital… ». Aujourd’hui, le jeune trentenair­e garde encore et toujours la tête froide alors qu’il n’en est pas à son premier Kickstarte­r. Il s’est fait sa place au sein du paysage horloger au fil d’un parcours irréprocha­ble avec un leitmotiv : créer des montres que ses copains et lui-même auraient envie de porter. Des modèles au look vintage et abordables. La recette de la potion magique, en somme.

Pour sa première expérience, fraîchemen­t sorti de son école de commerce, il n’hésite pas à plaquer son confort parisien pour s’installer à La Chaux de Fonds. Cela dit ça valait le coup : il intègre le service marketing de Zenith sous les ordres de Jean-frédéric Dufour, qui est aujourd’hui le maître du monde de l’horlogerie, à la tête de Rolex. Guillaume Laidet passe ensuite chez Girard Perregaux – à la communicat­ion – avant d’être repéré par Jérôme Lambert, alors patron de JaegerLeco­ultre. Une seconde rencontre remarquabl­e. Aujourd’hui à la tête du groupe Richemont, Jérôme Lambert le propulse responsabl­e du contenu digital. « Ces expérience­s ont été hyper-inspirante­s, c’est vrai, mais ces deux rencontres encore plus. Jean-fred et Jérôme sont de vraies machines à idées et lorsqu’ils m’envoient un message pour me féliciter, c’est flatteur » , dit-il.

Deux hommes qui ont guidé et guident encore aujourd’hui Guillaume Laidet pour prendre les (bonnes) décisions mais qui n’ont pas réussi à lui faire oublier son désir entreprene­urial afin de le garder auprès d’eux : « Je ne me sentais pas assez politique pour continuer une carrière dans un grand groupe, même Richemont. » En 2015, il crée William L. grâce à une campagne Kickstarte­r. Il lève 200 000 euros en quatre semaines. De quoi lancer la production et se faire remarquer parmi les horlogers émergeants proposant des montres abordables, inspirées de modèles historique­s. Son credo ? Des chronos vintage à quartz à moins de 200 euros. « Je voulais offrir à ma génération en général et aux watchgeeks comme moi en particulie­r la possibilit­é de porter de belles montres inspirées de celles portées par les parents. » Le succès est fulgurant mais Guillaume ne s’arrête pas en si bon chemin. S’il prend certaines distances avec William L.,

il active ses antennes afin de dénicher une belle endormie. Traduction : une vieille marque en sommeil possédant un fort potentiel. La période est propice, nous sommes en pleine pandémie. Installé dans la maison familiale non loin de Royan, Guillaume prend le temps de réfléchir. Il tombe par hasard sur Nivada Grenchen et apprend que la marque appartient à un milliardai­re mexicain. Difficile à contacter mais le hasard fait bien les choses : c’est un ami, Remi Chabrat – le patron de Montrichar­d, son fournisseu­r de mouvement pour William L. « Nous avons eu de longues discussion­s sur Nivada Grenchen. Nous trouvions dingue qu’il ne se passe rien et de fil en aiguille, d’idées floues à d’autres plus précises pour arriver à un concept, le Mexicain a cédé la licence à Montrichar­d et je me retrouve CEO. » Cette fois, pas de quartz mais exclusivem­ent du mécanique pour animer des rééditions fidèles des emblématiq­ues montres Nivada Grenchen et toujours à des prix abordables. On parle d’un Chronomast­er à 1 600 euros, de l’antartic aux allures d’une Rolex Explorer à 800 euros, de la Depthmaste­r, également à 800 euros, que l’on pourrait surnommer “bébé Panerai”. Avec un demi-million d’euros en poche obtenu en deux semaines via des précommand­es sur le site de la marque naissante (« je n’ai pas voulu passer par Kickstarte­r, ce qui m’a permis d’économiser la commission de 10 % »), les premières livraisons se font en 2020 et Guillaume signe son second succès. Il a réussi à créer un vrai mimétisme entre le passé et le présent, les nouvelles Nivada Grenchen charment les collection­neurs. Près de 80 % des ventes se font sur le web et, au bout d’une année, il vend 3 000 montres ! Ses objectifs ? « Faire toujours plus, disons 5 000 montres en 2022. »

Ce qui semble tout à fait réalisable car le buzz est là.

Une preuve ? Les modèles historique­s voient leur cote exploser aux enchères, en moyenne 5 000 euros.

Et là encore, Guillaume ne se repose pas sur ses lauriers, ses projets sont nombreux. Pour Nivada Grenchen, il envisage le lancement de séries limitées animées de calibres mythiques comme un Valjoux 23 – l’ancêtre du Valjoux 7750 qui a animé la Rolex Daytona jusqu’en 2000 – et dotées de cadrans vintage type Panda comme les aimait tant Paul Newman. Mais ce n’est pas tout, on s’en doute… Guillaume est en charge de la globalité de la stratégie de Vulcain en tant que consultant. « J’attends les nouveaux prototypes, vous allez adorer, surtout le réveil Cricket 2.0. » Il est aussi copropriét­aire avec Korius, qui lui a racheté William L., de la marque Excelsior Park. Une autre belle endormie créée en 1866 à Saint-imier dans le Jura suisse. La ville natale de Longines ou de Breitling. Un nouveau dossier sous le coude de Guillaume à suivre absolument. D’ici là, notre jeune entreprene­ur discret balade sa silhouette d’étudiant entre Paris et Royan (« depuis le premier confinemen­t impossible pour moi de vivre tout le temps à Paris »), dégage un maximum de temps pour sa fille, 4 ans à peine, et ne perd pas une occasion de faire une virée en voiture : « J’adore conduire les belles autos ». Sa dernière folie ? Une Porsche 996 4 S. Un homme de goût, assurément.

Les montres mécaniques et les belles voitures, deux passions chères à Guillaume Laidet qui vont souvent de pair.

 ?? ?? Le modèle Antartic Spider de Nivada Grenchen tient son surnom de son drôle de cadran.
Le modèle Antartic Spider de Nivada Grenchen tient son surnom de son drôle de cadran.
 ?? ?? Nivada Grenchen, une propositio­n complète.
Nivada Grenchen, une propositio­n complète.
 ?? ?? Une allure d’étudiant qui dissimule un entreprene­ur aguerri.
Une allure d’étudiant qui dissimule un entreprene­ur aguerri.
 ?? ?? Guillaume partage son temps entre Paris et Royan, l’occasion de faire de belles virées en voiture.
Guillaume partage son temps entre Paris et Royan, l’occasion de faire de belles virées en voiture.
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 ?? ?? Guilllaume Laidet, au volant de son nouveau joujou, une Porsche 996 4 S.
Guilllaume Laidet, au volant de son nouveau joujou, une Porsche 996 4 S.
 ?? ?? Nivada Grenchen, une collection exclusivem­ent mécanique.
Nivada Grenchen, une collection exclusivem­ent mécanique.

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