MONTRE HEROES

DÉFENDRE LE TEMPS

CHAPITRE 05

- Par Paul Miquel

Et, soudaineme­nt, accoudé à la rambarde du deuxième étage, j’ai regardé avec stupéfacti­on le temps prendre et reprendre vie, encore et encore. C’était il y a quelques jours dans les espaces de Lafayette Anticipati­ons, lieu d’art et d’avant-garde contempora­ine. Ici, en plein coeur du Marais parisien où les réputation­s se font et se défont, l’artiste Cyprien Gaillard a eu la bonne et merveilleu­se idée de ressuscite­r une oeuvre tombée dans l’oubli. À savoir : l’automate baptisé Le Défenseur du Temps de Jacques Monestier, une horloge unique au monde, constituée d’un homme juché sur un rocher, muni d’un glaive et d’un bouclier. Une sculpture monumental­e qui était installée depuis 1979 dans le quartier si bien nommé de l’horloge, au 8 rue Bernardde-clairvaux, dans le IIIE arrondisse­ment de Paris, et qui était tombée dans l’oubli.

« Les derniers mouvements de l’automate eurent lieu en 2003, explique-t-on chez Lafayette Anticipati­ons. Il a ensuite été abandonné aux effets du temps, contre lesquels il tentait pourtant de nous protéger. » Avant de disparaîtr­e. Cyprien Gaillard, artiste français majeur plus connu à l’extérieur de nos frontières que chez nous, a oeuvré à sa renaissanc­e avec la fougue et la passion des explorateu­rs du vrai. La restaurati­on de l’automate, au centre d’un opéra mécanique dont il est l’acteur principal, est mise en perspectiv­e dans la plus grande pudeur. C’est monumental, impression­nant, totalement vain et pourtant si beau. Ça s’appelle de l’art. Mais pourquoi parler de cette oeuvre ? Ici, j’aurais pu développer ma pensée sur les bienfaits chronométr­iques du babyfoot en équipe, la maestria des temps de cuisson chez Yotam Ottolenghi ou la symbolique de l’oversize à l’occasion de la sortie de la nouvelle Rolex Deepsea Challenge en titane RLX dont les mensuratio­ns (50 mm de diamètre) sont totalement hors-norme. Évoquer l’oeuvre singulière de Jacques Monestier, restaurée de main de maître par Cyprien Gaillard, c’est simplement croire en la différence. Et la nature protéiform­e de l’horlogerie. L’oeuvre en question mesure quatre mètres de hauteur, pèse une tonne et comprend, à côté d’un cadran sphérique de toute beauté, un soldat avec un glaive et un bouclier dans chaque main, qui défend le temps contre trois créatures : un crabe, un oiseau et un dragon. Menaçants et articulés, les trois animaux représente­nt le ciel, le feu et la mer. Toutes les heures, entre 9 h 00 et 22 h 00, le défenseur du temps les combat à tour de rôle. À 12 h 00, 18 h 00 et 22 h 00, ces dernières l’attaquent. Cette horloge avait été commandée en 1975 par la société Cogedim et inaugurée en octobre 1979 par Jacques Chirac, alors maire de Paris. Elle revit aujourd’hui. Notre désir ? Qu’elle sorte d’un musée pour reprendre sa place dans la ville. Car c’est le sens de ces lignes : l’horlogerie ne doit pas seulement vivre sur les poignets ou dans les galeries, elle doit aussi reprendre sa place dans les paysages urbains de nos villes, comme avant.

Exposition Humpty/dumpty, Lafayette Anticipati­ons, 9 rue du Plâtre, 75004 Paris, tous les jours 11 h - 19 h, jusqu’au 8 janvier 2023.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from France