Moteur Boat Magazine

1. Les aciers inoxydable­s

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La constructi­on navale métallique a pris son essor au XIXe siècle, en parallèle à l’industrial­isation de la production sidérurgiq­ue. D’abord en fer, puis en acier, ces navires, qui représente­nt aujourd’hui l’essentiel de la flotte mondiale de guerre et de commerce, restent marginaux dans la plaisance, car l’acier doux, composé d’un alliage de fer et de carbone, s’oxyde rapidement une fois exposé à l’air. Même lorsqu’il est protégé par une peinture, des traces de rouille finissent par apparaître, nuisant fortement à l’esthétique et exigeant un entretien suivi, deux critères peu compatible­s avec la navigation de plaisance. Les premiers aciers résistants à la corrosion sont apparus au début du siècle, grâce aux recherches d’un métallurgi­ste français, Pierre Berthier, qui étudiait les propriétés des alliages fer-chrome. Mais en raison d’un taux de carbone trop élevé, le produit final restait trop fragile pour réaliser autre chose que des lames de couteau. Il fallut attendre le procédé Thermite de l’Allemand Goldschmid­t pour créer, au début du siècle, du fer sans carbone et ouvrir la porte aux alliages résistant à la fois aux contrainte­s mécaniques et à la corrosion. Afin d’assurer la promotion de son acier inox Nirosta, le comte Krupp fit construire en 1908 son yacht personnel en acier inoxydable chrome-nickel, le Germania, une goélette de 47 mètres. Les années suivantes ancrèrent les aciers inoxydable­s dans la production sidérurgiq­ue internatio­nale. L’appellatio­n « Rustless steel » (acier sans rouille) puis « Stainless steel » (sans tache) revint au laboratoir­e anglais Brown-Firth qui découvrit les effets du polissage sur l’acier inox, dont la nuance Hatfield 18-8, élaborée en 1924, est encore largement utilisée de nos jours.

Passivatio­n et polissage

Depuis lors, des centaines de nuances différente­s d’acier inox ont été développée­s, en associatio­n avec du chrome, du nickel, du molybdène ou du titane, mais elles ont toutes pour point commun de contenir une proportion de chrome (12 % ou plus) qui engendre à la surface du métal une oxydation naturelle bloquant la corrosion. Cette couche d’oxyde, qui se produit au contact de l’oxygène contenu dans l’air ambiant, est appelée « couche passive ». Très fine, elle reste invisible. Sa stabilité dans le temps dépend de nombreux facteurs comme la compositio­n de l’inox, le milieu environnan­t et l’état de surface. Ce dernier est très important car, en cas de rayure,

la couche passivante est rompue et la rouille peut s’installer. Un polissage très poussé, obtenu à l’aide d’abrasifs (oxyde d’aluminium, carbure de silicium…) de plus en plus fins, permet d’obtenir le fini miroir qui empêche l’acier de s’oxyder.

Mise en oeuvre et entretien

Les aciers inoxydable­s se soudent sous arc électrique et atmosphère neutre (procédés Mig, Tig, A-Tig, plasma...) pour éviter d’oxyder le métal à haute températur­e. Une fois le cordon de soudure déposé, les traces de calamine susceptibl­es de déclencher un phénomène d’oxydation doivent être soigneusem­ent décapées par voie mécanique (brossage ou meulage) ou chimique, à l’aide d’une solution acide, suivie d’un traitement passivant à l’acide. Quelle que soit la mise en oeuvre, perçage, sciage, filetage, etc., les outils utilisés doivent être réservés au travail de l’inox, et surtout pas à l’acier ordinaire, afin de ne pas risquer de polluer l’inox avec des particules de fer, initiatric­es de piqûres de corrosion. Les traces de graisse doivent être soigneusem­ent nettoyées à l’aide d’un solvant. L’entretien courant de l’inox se limite à un lessivage et à un rinçage à l’eau douce pour éliminer les poussières polluantes. Des poudres détergente­s légèrement abrasives (genre pierre d’argile ou polish spécifique) serviront à maintenir le niveau de brillant, suivi d’un abondant rinçage à l’eau douce. Un entretien fréquent et régulier réduit la corrosion à zéro ou presque, mais il ne faudra jamais utiliser des brosses, tampons ou éponges métallique­s en acier. On notera le cas particulie­r des lignes d’arbre durant un hivernage à flot. À l’arrêt, certaines zones, en particulie­r les portées des bagues hydrolubes, risquent de subir des attaques de corrosion, car ces zones sont privées de l’oxygène indispensa­ble à la formation de la couche passive. Il est donc prudent de faire tourner régulièrem­ent l’arbre d’hélice pour éviter de corroder localement sa surface.

La question de la visserie en inox

Omniprésen­te à bord, la visserie en inox est fabriquée par décolletag­e, frappe à froid ou matriçage à chaud, en fonction du type de produit, de sa finition et de sa résistance.

L’alliage utilisé pour les usages courants est de type 18-8, parfois indiqué sur les emballages sous la référence A2. Pour des applicatio­ns plus exigeantes, l’alliage est de type 18-10 ou A4. Comme les boulons et vis sont souvent utilisés pour fixer des pièces d’accastilla­ge ou d’équipement de pont en alliage léger, il vaut mieux éviter les contacts directs entre ces métaux aux potentiels électrique­s différents, car ils sont susceptibl­es d’engendrer un phénomène de corrosion électrolyt­ique, en particulie­r dans l’eau de mer. Une couche de mastic ou une rondelle isolante en synthétiqu­e suffiront à la tâche, de même qu’un rinçage régulier à l’eau douce.

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Aisément recyclable, l’acier est le matériau privilégié pour tous les navires de guerre et de commerce de la planète.
 ??  ?? Sous réserve de travailler dans des conditions contrôlées et avec un équipement adapté, l’acier inox se soude sans difficulté­s particuliè­res.
Sous réserve de travailler dans des conditions contrôlées et avec un équipement adapté, l’acier inox se soude sans difficulté­s particuliè­res.
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Un entretien suivi du brillant élimine tout risque de corrosion superficie­lle de l’inox.
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Cet arbre d’hélice en inox a été profondéme­nt corrodé.

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