Moteur Boat Magazine

2. Les alliages légers

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L’histoire de l’aluminium, métal le plus abondant de la croûte terrestre, remonte elle aussi au XIXe siècle, avec sa découverte en 1807 par le chimiste britanniqu­e Humphry Davy. En 1821, c’est le Français Pierre Berthier qui découvre, près des Bauxde-Provence, un minerai contenant une forte proportion d’oxyde d’aluminium ; il le baptise « bauxite ». En 1827, Friedrich Wöhler développe un procédé d’extraction de l’aluminium du minerai et démontre ses premières propriétés physico-chimiques. En 1854, Henri Sainte-Claire Deville obtient le premier lingot de métal fondu dont la méthode de production par voie chimique sera industrial­isée en 1859 dans l’usine de Salindres dans le Gard. Sous le nom de Péchiney, elle deviendra un peu plus tard le premier producteur industriel d’aluminium au monde. À l’époque aussi cher que l’or, le métal est utilisé de la même manière, pour confection­ner des bijoux ou de l’orfèvrerie. Il faut attendre 1886 et l’invention d’un procédé d’extraction par électrolys­e (Héroult-Hall) pour voir les coûts de production baisser de manière importante. De nouveaux acteurs entrent dans la danse, en particulie­r aux États-Unis et en Suisse, deux pays où les ressources en électricit­é sont abondantes. Aujourd’hui, c’est la Chine qui se taille la part du lion de la production mondiale, puisqu’elle en assure à elle seule plus de 40 %.

L’aluminium plus intéressan­t en alliage

À l’état pur, l’aluminium est à la fois très malléable et très oxydable. Pour la plupart des usages industriel­s, il n’est donc pas utilisé pur, mais en alliage avec de nombreux autres éléments, comme le magnésium, le silicium, le cuivre, le zinc et le manganèse. Ils vont permettre de donner au produit fini des caractéris­tiques physico-chimiques appropriée­s aux usages prévus. Ceux contenant du magnésium sont les mieux adaptés aux applicatio­ns nautiques, contrairem­ent à ceux à base de cuivre qui ne doivent pas trouver leur place à bord, y compris sous forme d’alliage de fonderie.

Une histoire qui remonte aux années 1930

Trois fois plus léger que l’acier, l’aluminium n’a trouvé le chemin des chantiers navals qu’à partir des années trente aux États-Unis, avec la constructi­on du Dina II en alliage de magnésium vers 1931. En Angleterre, c’est le chantier Birmal Boats de Southampto­n qui donnera le signal en Europe, avec une barque de sauvetage de 99 personnes. La première unité en tôles soudées, une vedette de 9,70 mètres baptisée Gannett, sera exposée au Salon de Londres en 1955, mais les États-Unis restent les pionniers de la tôle rivetée, dont ils consomment quelque 180 00 tonnes par an pour fabriquer des milliers de petits hors-bord. Et il a fallu attendre 1964 et le Français Goïot pour popularise­r les premières pièces d’accastilla­ge en fonte d’aluminium, ce qui remonte à hier à l’échelle de l’histoire du nautisme !

Des mises en oeuvre très diverses

La ductilité de l’aluminium est telle que le métal peut être filé à froid pour fabriquer n’importe quel type de profil, pour un rail de capote ou le dormant d’un panneau de pont par exemple. Dans ce cas, un lingot de métal est poussé ou tiré dans une filière qui lui donne sa forme définitive. Il peut être moulé à chaud dans une

empreinte au sable ou en coquille, embouti à la presse sur une matrice ou usiné dans un bloc par enlèvement de matière avec une fraiseuse. Plus récentes, des poudres d’alliage léger ont été frittées par le rayon laser d’une imprimante 3D afin de créer des structures impossible­s à réaliser avec des méthodes convention­nelles. Les tubes ou ronds peuvent aisément être cintrés (arceaux de bimini par exemple), les tôles subissant toutes les opérations classiques de chaudronne­rie, pliage, roulage et soudage. Les techniques d’assemblage sont tout aussi diverses, par soudage à l’arc, par collage ou par voie mécanique, boulonnage ou rivetage.

L’électrolys­e en question

Les alliages légers sont sensibles au phénomène de corrosion électrolyt­ique, qui se produit lorsque l’on met en contact deux métaux aux potentiels électrique­s différents. Dans ce cas, l’un des métaux perd sa matière au profit de l’autre, le milieu dans lequel ils se trouvent, atmosphère saline par exemple, servant au transport des ions métallique­s. Dans la pratique, cela se traduit par une corrosion locale ou générale, parfois si profonde que l’intégrité de la pièce peut être mise en péril. Dès lors, les précaution­s à prendre sont aussi simples que strictes : isoler les pièces en alliage du contact direct avec la visserie en inox (la visserie en aluminium traité est très coûteuse et difficile à trouver), ne pas laisser stagner l’eau dans les fonds, ne jamais utiliser un antifoulin­g au cuivre sur un bordé en alliage léger, ni équiper la coque de vannes ou de passecoque­s en bronze, car cet alliage contient une forte proportion de cuivre. Les deux pôles du circuit électrique doivent être parfaiteme­nt isolés, sans aucun retour à la masse. Utilisé dans le domaine fluvial, l’aluminium est sensible au pH de l’eau douce et aux éléments acides ou alcalins qu’elle contient, ce qui imposera une surveillan­ce régulière. Comme l’acier inox, l’alliage léger est un métal qui s’oxyde naturellem­ent au contact de l’air ambiant, qui aide à la formation d’une mince pellicule d’alumine protégeant le substrat de la corrosion. Mais cette pellicule de moins d’un micron d’épaisseur n’est pas parfaiteme­nt répartie et la corrosion peut quand même s’installer par endroits. La surface rugueuse de l’aluminium brut n’est pas non plus très esthétique, ni agréable au contact. L’aluminium supporte de nombreux types de finitions, comme l’anodisatio­n. Il s’agit d’un procédé électrolyt­ique contrôlé qui vise à déposer sur la surface de la pièce une couche d’alumine bien plus épaisse (jusqu’à une centaine de microns) que celle naturelle. Cette protection est à la fois très dure, isolante, non toxique et d’aspect semi-mat. Pour l’obtenir, la pièce, qui sert d’anode, est plongée dans une solution acide, en compagnie d’une cathode qui permet de faire circuler un potentiel électrique entre les deux pôles et d’accélérer le dépôt d’alumine sur l’anode. Comme la couche d’oxyde présente une certaine porosité, il est possible d’y fixer des colorants et d’obtenir des anodisatio­ns en couleur, noir, or, brun ou bleu… L’anodisatio­n est extrêmemen­t résistante aux rayures, mais elle ne tient pas sur les arêtes vives. Pour cette raison, les équipement­s anodisés, en particulie­r les rails, profils et pièces de fonderie, ont toujours des bords arrondis. Dans sa version naturelle, elle est aussi insensible aux UV, mais les anodisatio­ns en couleur le sont moins car leurs colorants se dégradent au fil du temps. En règle générale, les alliages légers sont parfaiteme­nt compatible­s avec des finitions peintes, sous réserve de respecter à la lettre la préparatio­n de surface qui suit le plus souvent un cycle dégraissag­e-sablage ou dérochage-primaire-laque en polyurétha­ne. L’avantage d’une finition peinte est bien sûr esthétique, car la gamme des couleurs est très grande et, contrairem­ent à une anodisatio­n, permet d’obtenir un haut niveau de brillant.

 ??  ?? L’aluminium est le matériau privilégié des petites unités profession­nelles en raison du gain de poids réalisé et de l’absence d’entretien.
L’aluminium est le matériau privilégié des petites unités profession­nelles en raison du gain de poids réalisé et de l’absence d’entretien.
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 ??  ?? Grâce à des filières spéciales, l’alliage léger s’adapte très bien à la réalisatio­n de n’importe quel profil.
Grâce à des filières spéciales, l’alliage léger s’adapte très bien à la réalisatio­n de n’importe quel profil.
 ??  ?? Impossible à réaliser autrement, cette platine ultrarésis­tante est imprimée en trois dimensions par frittage laser de poudres d’alliage léger.
Impossible à réaliser autrement, cette platine ultrarésis­tante est imprimée en trois dimensions par frittage laser de poudres d’alliage léger.
 ??  ?? Cette embase en fonte d’aluminium n’a pas résisté à quelques semaines d’électrolys­e le long d’un ponton !
Cette embase en fonte d’aluminium n’a pas résisté à quelques semaines d’électrolys­e le long d’un ponton !
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Plongés dans l’eau de mer, ces métaux présentent naturellem­ent des différence­s de potentiel électrique liées à leur compositio­n.

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