Glastron GT 150, le bateau de James Bond
Preuve que le vintage revient en force, ce Glastron GT 150 navigue encore, plus de quarante ans après sa mise en service au sein des chantiers d’Austin, Texas. Il croise actuellement en Bretagne, musardant entre les îles du golfe du Morbihan.
En 1973, le nouveau James Bond, Vivre et laisser mourir, sortait sur les écrans, avec Roger Moore dans le rôle-titre. De ce film, une scène mythique aura marqué l’esprit des plaisanciers cinéphiles : après une course-poursuite dans les bayous de Louisiane, l’agent 007 s’envole aux commandes d’un Glastron GT 150 orange et blanc pour atterrir de l’autre côté d’un terre- plein, après un saut de plus de trente mètres de long ! Évidemment, le film a popularisé cette unité au profil atypique, véritable dinghy au style inimitable des années 1970. En France, un plaisancier fasciné par la cascade autant que par le bateau se promet de naviguer un jour à bord de cette unité. Ce plaisancier, c’est Pierre Forgia, architecte naval et designer, aujourd’hui associé au cabinet Finot-Conq. « Le style, le profil du pare-brise et la forme générale de ce GT 150 ne pouvaient pas laisser indifférent le designer que je suis. Et puis, il convenait en tout point à mes attentes : moins de 5 mètres, transportable sur remorque, idéal pour les eaux abritées du golfe du Morbihan, même si le courant peut parfois y être violent. » Il est vrai qu’avec un tirant d’eau réduit à moins de 20 centimètres et un tirant d’air légèrement
plus élevé, le programme de navigation du Glastron GT 150 se limite forcément à des eaux relativement protégées. Ces souhaits émis, restait à trouver la bonne occasion. Même si ce Glastron est un bateau de série, son âge le rend mathématiquement plus rare sur le marché de la seconde main. Après avoir écumé les sites de petites annonces, Pierre Forgia parvient à dénicher un modèle de 1977
en Dordogne, où l’unité naviguait en eau douce. C’était en 2014. Seule concession par rapport à la version d’origine, son pare-brise avait été remplacé par un modèle teinté en bleu, une modification qui aurait pu choquer mais qui, finalement, s’intègre bien dans l’ensemble, puisque de nombreuses touches de bleu sont visibles à bord, comme sur les bandes décoratives adhésives ou bien au niveau de la sellerie. « Cette dernière avait été refaite quelques mois avant mon achat. Côté moteur, c’est un Johnson de 70 chevaux, produit en 1980, qui prenait place sur le tableau arrière. »
Une restratification du tableau arrière
Le bateau est presque navigable en l’état. Parmi les rares travaux engagés par Pierre Forgia, il faut citer la reprise du tableau arrière qui présentait une petite voie d’eau. Il a donc été restratifié et un renfort métallique a été ajouté pour supporter le poids du hors-bord. Le bateau naviguant désormais en eau salée, il a également reçu une couche d’antifouling. Depuis son achat en 2014, le moteur de 1980 a été remplacé, toujours par un deux temps, mais de 1996. Peu de travaux sont programmés, exception faite du changement de l’échelle de bain au profit d’un modèle plus petit et surtout plus esthétique. Si Pierre Forgia ne parvient pas à retrouver un pare-brise d’origine – en Plexiglas marron fumé –, il est décidé à en refaire un à l’identique. Mais quid de la structure ? « Je n’ai constaté aucune souplesse dans les fonds, révélatrice d’une certaine fatigue du varangage. » L’ensemble est plutôt raide, laissant imaginer une bonne conservation du bois et de la stratification. « Même si le concessionnaire m’a annoncé avoir pris 35 noeuds lors des essais du nouveau moteur, j’évite de trop pousser la mécanique, ne serait-ce que pour ne pas brusquer la structure. » Le pilotage demande une certaine habitude, en particulier lors des manoeuvres. Son faible tirant d’eau ne facilite pas les arrivées de quai. « L’absence d’antidérive le rend très sensible au vent, à petite vitesse. Une vraie savonnette ! » explique Pierre Forgia. En navigation, la position du pilote, assis quasiment au niveau de l’eau,
augmente la sensation de vitesse. Une fois aux commandes, on se laisse vite emporter par ce côté grisant. En raison de son faible poids, le Glastron 150 GT se cabre assez fortement au déjaugeage et chasse de l’arrière en virage, sans toutefois trop gîter. Les premiers virages déroutent un peu, surtout par crainte d’embarquer de l’eau. La manette des gaz fait bien son âge, sa course est assez dure, mais elle se laisse finalement doser avec un peu d’habitude. Côté confort, les assises sont acceptables et, surtout, le pilote peut allonger les jambes sans difficulté, même les plus grands gabarits.
Un bateau doté d’un fort capital de sympathie
À l’arrière, deux sièges sont placés dos à la marche pour surveiller un skieur. Des videpoches sont disséminés un peu partout à bord et une nourrice prend place à l’arrière, l’unité étant dépourvue de réservoir fixe. « Bien qu’homologué pour cinq personnes, quatre adultes représentent un nombre suffisant, ne serait-ce que pour déjauger plus rapidement. » La répartition des poids à bord est évidemment importante, au regard des 300 kg lège de l’unité. « Comme une vieille voiture d’occasion, on pardonne les petits défauts d’un bateau comme celui-ci, doté d’un fort capital de sympathie. » Cette cote d’amour et un âge certain lui permettent de participer à la Semaine du golfe, aux côtés de canots bretons traditionnels ! « Bien que cette manifestation soit ouverte aux bateaux à moteur anciens, certaines personnes me regardent d’un drôle d’oeil, imaginant qu’il s’agit d’un bateau moderne. » Nous avons demandé à Pierre Forgia quel serait son choix s’il devait changer pour une unité plus récente. « Un Glastron 160 GT Collector, réplique du Glastron Carlson CV-21 sorti en 2012 pour fêter les 55 ans de la marque. » Un bateau d’esthète, évidemment... ■