Une visite au chantier Techmarine à Madagascar
Né de la rencontre de deux amis passionnés, le chantier Techmarine est devenu l’un des plus importants de Madagascar. Ses activités sont multiples et il a aussi vocation à aider les jeunes défavorisés de l’île.
Madagascar est plus grande de 6 % en superficie par rapport à la France métropolitaine, il n’existe pourtant qu’une poignée de constructeurs de bateaux à moteur sur l’île. Techmarine est l’un des plus gros. La société est située à Antananarivo, la capitale, à deux pas de l’aéroport. À sa tête se trouve Guillaume Poutot, ancien ingénieur agronome dans l’extraction de plantes à parfum. C’est un natif de Madagascar. Son associé, Vincent Huon de Kermadec, est le directeur de production. Si vous arpentez les salons français depuis quelques années, vous êtes peut-être familier de leur travail. À l’époque où le chantier Black Pepper faisait construire ses bateaux à Madagascar, il travaillait en étroite collaboration avec Techmarine, qui avait développé la carène du Tender Fish 28 (essai dans Moteur Boat n° 238). Aujourd’hui, Techmarine produit surtout des modèles de 7 à 10 mètres, en particulier pour l’île Maurice qui apprécie beaucoup ces opens aménageables à la carte. Leur plus grosse unité est un 50 pieds (15,20 m), dans la gamme des bateaux de servitude. Ils fabriquent aussi un open de 9 mètres utilisé par les autorités pour lutter contre le trafic de bois précieux (bois de rose, notamment), un vrai fléau à Madagascar. Depuis Nantes, c’est l’architecte François Lucas qui conçoit les Techmarine, avec l’appui du bureau d’études du chantier. Un peu comme le fait Ouest Composites dans le Morbihan (bateaux ProMarine), Techmarine se diversifie dans ses activités. L’entreprise produit entre autres du mobilier urbain en polyester, à l’image des petits kiosques PMU que nous avons vus un peu partout à l’usine. À peine la barrière du chantier franchie, nous avons été frappés par l’activité fourmillante des lieux. Environ 180 personnes y travaillent. Techmarine est fier de former et d’employer la maind’oeuvre locale, surtout au travers de l’association Graines de bitume, qui s’occupe
de jeunes issus des milieux défavorisés et les aide à s’intégrer dans l’entreprise, à atteindre une position sociale digne et à développer leur potentiel. Parmi les effectifs, un noyau dur de trente personnes a été formé à Arcachon pour apprendre les techniques d’infusion et de collage sous vide et les transmettre aux équipes. Malgré tout, le chantier évite de construire de grosses pièces en infusion.
L’infusion sous vide générerait trop de déchets
« Avec les bâches et toutes les pièces nécessaires, cela génère énormément de déchets, encore plus que la stratification au contact. Or, à Madagascar, on ne recycle pratiquement rien. En plus, les clients recherchent avant tout un prix et l’infusion générerait un surcoût important. Le client se moque de savoir s’il a 100 kg en plus ou en moins sur son bateau. En revanche, nous tenons beaucoup à produire des tableaux arrière collés sous vide. Ils sont quasi indestructibles et nous n’avons jamais eu de problèmes avec. » À Techmarine, le salaire moyen est plus élevé qu’ailleurs afin de motiver le personnel. Il est d’environ 500 000 ariary par mois, soit 130 €, ce qui correspond à trois fois le smic local. La stratification mais aussi la menuiserie, la sellerie et les inox sont faits en interne. Dans l’atelier de « strat’ », il est possible de voir une dizaine d’opérateurs en train de poncer un moule de coque de 10 mètres : la maind’oeuvre ne manque pas ! La dernière fois que nous avons vu autant de personnes travailler sur une coque, c’était sans doute lors de notre visite chez Ferretti à Cattolica, sur des unités de 20 mètres ! Malgré tout, le chantier reste compétitif, comme avec le modèle TM 300 qui s’avère 30 % moins cher qu’un Wellcraft 302 Fisherman ou qu’un Cap Camarat 9 CC
sur le marché local, d’après Guillaume Poutot. Techmarine offre en plus l’avantage d’aménager le bateau à la carte. Guillaume poursuit : « L’un des gros défis pour produire des bateaux en fibre de verre à Madagascar, c’est le taux d’humidité, entre 86 et 90 %. » Les conteneurs où est stockée la résine sont de ce fait climatisés.
Savoir gérer le climat politique instable
L’autre défi est bien sûr l’instabilité politique. Lors de notre venue à Madagascar, les douanes étaient bloquées depuis un mois et demi ! Il faut vraiment s’organiser en amont pour la gestion des stocks... Une partie des matières premières est importée de France : les résines, gel-coats, tissus, mousses Nidaplast pour la construction en sandwich sont achetées à la société vendéenne Euromere, partenaire de longue date de Techmarine. L’inox pour sa part est produit dans la capitale, Antananarivo. Dernièrement, le chantier a reçu une commande pour six catamarans de croisière par la société Dream Yacht Charter. Il a aussi le projet d’un canot de 8 mètres qui permettra de renouveler la flotte de bateaux de pêche sur l’île voisine de Mayotte. En résumé, le carnet de commandes est bien rempli !