Sète et l’étang de Thau
Frontignan, Sète, Marseillan, passer de la mer à l’étang de Thau, les canaux, les fameux parcs à huîtres… Découvrez une zone de navigation riche, très variée et chargée d’histoire !
Notre périple nous emmène au pays de Georges Brassens. Nous avons largué les amarres au petit matin au départ de Sud Yachting à Frontignan dans l’Hérault, une ville inévitablement associée au muscat du même nom, vin doux d’appellation d’origine contrôlée. L’idée est de contourner Sète puis d’entrer sur l’étang de Thau au niveau de Marseillan Plage, ce qui nous permettra d’effectuer les 11 milles de traversée en mer sur un plan d’eau lisse avant que la tramontane se lève. Enfin, en théorie. Car ce matin une houle résiduelle persiste et nous avons décidé de rallier Marseillan sans tarder. Notre petit B2 Marine file à 25 noeuds et se fait un peu chahuter ; l’équipage se cramponne et se plie de bon matin à un exercice de flexion-extension des genoux pour amortir l’impact des vagues. Le port de commerce de Sète est assez rapidement en vue, avec ses grues pointant vers le ciel.
Rester concentré en passant sous les ponts
L’air de rien, ce port existe depuis trois siècles et demi ; il a été construit sur la décision du Roi-Soleil afin d’exporter les produits de la région. C’est le plus important port de commerce d’Occitanie. Notre route nous emmène ensuite devant le Théâtre de la mer, un amphithéâtre à ciel ouvert bâti sur un ancien fort de style Vauban (1746). L’édifice à quelques mètres au-dessus du niveau de la mer se fond dans la roche, mais Christophe, le commercial de Sud Yachting, nous le montre du doigt. C’est un lieu magique pour les concerts ; les gradins donnent l’impression d’être assis à la proue d’un navire. À quelques encablures, nous arrivons au port des Quilles, sur le canal du même nom. Nous nous faufilons dans le dédale d’immeubles à arcades des années soixante-dix où règne un calme matinal très provisoire. À présent, destination Marseillan Plage en longeant la fine plage qui borde la route d’Agde. Tout le monde s’accordera pour dire que le port de Marseillan Plage avec ses immeubles de l’ère pompidolienne n’est pas le plus attrayant sur le plan esthétique. Mais il donne sur un canal qui fleure bon l’aventure : le grau de Pisse-Saumes. C’est lui que nous empruntons pour accéder à l’étang de Thau. À l’endroit le plus étroit du canal, nous tombons sur le pont le plus bas et le moins large qu’il nous ait été donné de croiser jusqu’à présent, celui sur lequel passe la voie ferrée. Christophe est à la barre, il y a du courant et à bord c’est le silence et la concentration. Nous avons bien sûr basculé au préalable la tour de wakeboard qui augmente sacrément notre tirant d’air. Nous rasons les parois, pas tout à fait dans l’axe, mais ça passe ! « Je ne vous dis pas combien de plaisanciers abîment leur gel-coat ici », plaisante Christophe qui connaît le coin comme sa poche.
À cette heure, l’étang est un miroir, mais rapidement il se ride avec les premières risées. Un chenal bien balisé nous guide vers des eaux plus profondes. La hauteur d’eau dans l’étang est de 4,50 mètres en moyenne, le point le plus
profond étant de 30 mètres. Nous passons la balise signalant l’entrée du canal du Midi. Sur la rive opposée se trouve Marseillan Village. Pour entrer dans le port, il faut contourner la petite digue en pierre et bien passer entre les marques rouges et vertes pour avoir suffisamment de hauteur d’eau. Le village s’organise autour d’un petit port tout en longueur. Le lieu a beaucoup de charme et se révèle parfait pour un café matinal au bord de l’eau, à l’une des nombreuses terrasses.
Dix mille tonnes d’huîtres par an
L’étang est le premier bassin conchylicole de Méditerranée. Les parcs à huîtres à perte de vue forment un spectacle pour le moins insolite ; il est interdit de les traverser en bateau, mais il est possible de passer entre deux
« tables d’élevage », ces ensembles de pieux métalliques détenus par les conchyliculteurs.
Près de 2500 tables ostréicoles sont l’étang. exploitées sur
Les pieux sont plantés dans le fond de l’étang. Ils supportent des madriers soit en fer soit en bois qui reçoivent des perches posées transversalement auxquelles on suspend tous les 50 centimètres des cordes porteuses d’huîtres ou de moules.
Notre route se poursuit vers Mèze, alias la plus ancienne bourgade du bassin de Thau, fondée au VIe siècle avant notre ère ! Le port en impose avec ses 200 places ; nous y avons croisé quelques-unes des mini-péniches sans permis qui arpentent les canaux alentour. Bouzigues par comparaison est plus modeste, mais aussi plus pittoresque.
Immanquable, la traversée de Sète
Une sympathique cabane en bois vous accueille à l’entrée du port, devant laquelle flottent quelques pointus parfaitement restaurés et autres embarcations typiques. C’est à Bouzigues que se trouve le musée de l’étang de Thau, pour ceux qui veulent tout savoir sur la culture des huîtres, des moules et sur l’écosystème de l’étang. Après un court détour par Balaruc-le-Vieux, nous repiquons vers Sète pour ressortir de l’étang. La traversée de ce port mériterait un reportage à part entière. Voir le pont Maréchal-Foch basculer pour laisser passer les voiliers est fascinant. L’ouvrage vieux de 88 ans régule le trafic sur le canal de la Bordigue. Il n’est pas sans rappeler le pont basculant de Bénouville, rebaptisé Pégasus Bridge durant la Seconde Guerre mondiale, vers Ouistreham. Nous avons fait une petite incursion sur le canal Royal pour voir le vieux centre-ville, mais les ponts de plus en plus bas nous ont découragés de traverser le canal de bout en bout.
De nouveau en mer, nous remettons plein gaz vers Frontignan sur une eau inhabituellement plate pour cette heure de la journée. Le périple aura duré trois heures et quart et nous avons consommé environ 50 litres avec notre
200 chevaux Suzuki. ■