L’électricité pour les nuls
Sujet ésotérique pour beaucoup, l’électricité est pourtant aussi indispensable au bateau que le carburant ! Le rappel de quelques principes aidera à une meilleure compréhension du fonctionnement du réseau et de son nécessaire entretien.
Les défaillances électriques sont l’une des causes majeures des incendies à bord, une raison nécessaire et suffisante pour prendre la fée électricité au sérieux ! L’autre raison est liée au fait que, à l’exception des dériveurs et autres voile/aviron, tous les bateaux ont besoin d’électricité pour naviguer. Démarrer le moteur, allumer les feux de navigation, éclairer la cabine ou la console, consulter les instruments de navigation sont autant d’activités qui exigent la présence d’une alimentation électrique fiable et permanente.
Les notions de base
Pour mener à bien une réparation du réseau électrique ou assurer correctement sa maintenance, il peut être utile de connaître quelques grands principes de base de l’électricité (ici très, très simplifiés !). Le phénomène électrique, qui a tant fasciné nos ancêtres du siècle, est lié à la structure de l’atome qui comporte une couche extérieure de particules, les électrons, dont la charge est négative. Les particules composant le noyau ont une charge neutre ou positive égale à celle des électrons pour maintenir un état neutre. Le passage d’électrons d’un atome à l’autre provoque un déséquilibre qui engendre un courant électrique, mais la quantité d’électrons en mouvement doit être élevée pour obtenir un courant électrique utilisable.
Par convention, on considère que le mouvement des électrons va du positif vers le négatif. L’unité de mesure du déplacement des électrons est le coulomb (C), qui n’est utilisé que par les physiciens, contrairement à l’ampère (A) qui correspond au nombre de coulombs par seconde (1 A = 1 C/s). Cette mesure de débit, ou intensité, permet donc d’apprécier la quantité d’électrons déplacés. Symbolisée par la lettre U, la différence de potentiel correspond, par analogie, au dénivelé d’un cours d’eau, qui peut prendre la forme d’une puissante cascade, jusqu’à des méandres paresseux. Appelée tension dans le langage courant, elle est exprimée en volt (V). Le courant électrique qui nous est utile se présente aussi sous deux formes, continue et alternative. Le courant des batteries est de type continu, avec une tension de 12 ou 24 V. Le circuit est polarisé, avec deux pôles distincts, un positif et un négatif, qu’il ne faut jamais inverser. Comme son nom l’indique, le courant alternatif, qui est celui du secteur, voit ses pôles s’inverser à une fréquence rapide, de 50 ou 60 fois par seconde (Hz) selon les pays.
Dans le monde physique, on distingue deux types de corps, les conducteurs dans lesquels les électrons circulent librement, et les isolants, dans lesquels les électrons ne passent pas ou mal d’un atome à l’autre. On distingue également les producteurs qui produisent de l’énergie, piles, batteries, panneaux solaires, alternateurs, etc., des consommateurs qui la consomment, moteurs, lampes, appareils électroniques, etc. Dans les bateaux, les corps conducteurs les plus courants sont à base de cuivre ou d’alliages métalliques, les isolants étant pour la plupart à base de polymères thermoplastiques. Le phénomène électrique peut engendrer deux effets, thermique et magnétique. Le premier est lié à la section du conducteur dans lequel le flot d’électrons va passer et au débit du courant. Une section trop faible va créer un goulet d’étranglement générant de la chaleur. Appelé effet Joule,
il est volontairement mis à profit pour le fonctionnement de certains appareils, chauffages, fers à souder, réchauds… L’effet magnétique est créé par le passage du courant dans un fil conducteur. Il est lui aussi utilisé pour fabriquer des électroaimants qui servent dans des relais ou moteurs électriques, par exemple.
L’ensemble des phénomènes précédents étant liés les uns aux autres, il existe un certain
nombre de formules de calcul qui permettent de dimensionner un circuit, d’évaluer un bilan électrique, de choisir le calibre d’un fusible ou d’un disjoncteur, etc.
L’incontournable bilan
Les formules n’étant pas des fins en soi, mais des moyens, elles serviront de base à tout plaisancier soucieux d’entretenir ou de modifier son réseau électrique sans mettre en péril la sécurité du bord. Le point de départ obligé de tout travail sur le réseau passe par un bilan électrique qui permettra, sur la base de la formule P = UI, de calculer la consommation totale du bateau en fonction de la tension du circuit, 12 ou 24 V pour le continu et 220 V pour le secteur. Un plafonnier de 10 W consommera, par exemple, 0,8 A (10 W/12 V) soit, en trois heures de fonctionnement, 2,4 Ah (0,8 x 3). En multipliant ce mode de calcul par le nombre de consommateurs, on obtient la consommation totale théorique (il est peu probable que les consommateurs du bord fonctionnement tous en même temps), ce qui permet de dimensionner l’ensemble du réseau, section des câbles, taille des fusibles, capacité du parc batteries, etc., ou d’installer de nouveaux appareils.
Câble et circuit
Le plus souvent en cuivre, le câble électrique qui relie les producteurs et les consommateurs est composé d’une âme métallique servant de conducteur et d’une gaine isolante en polymère qui protège les fils de la corrosion et des courtscircuits. Les câbles rigides sont proscrits, car ils résistent mal aux vibrations et aux chocs, au profit d’une structure multibrin souple ou semi-souple, résistante à la corrosion, aux UV ou aux hydrocarbures. Les câbles automobiles, industriels ou de marine répondent à ces contraintes, mais pas les câbles domestiques. La durabilité et la fiabilité ont un prix, naturellement plus élevé, mais sécurité et économie font rarement bon ménage… La section de l’âme est exprimée en mm². Plus elle est grande et plus l’intensité supportée est élevée sans engendrer de surchauffe par effet Joule (voir plus haut). En règle générale, on compte 3 A par mm² pour une alimentation temporaire et 2 A pour un fonctionnement continu, soit un câble de 1,5 mm² ou plus pour des appareils courants (les fabricants fournissent des tableaux pour choisir une section de câble adaptée à l’intensité prévue). Pour concevoir ou modifier un circuit électrique de bateau, il est conseillé de ne pas multiplier les appareils sur une même ligne, au profit d’alimentations individuelles. Cette architecture augmente le niveau de protection et, en cas de dysfonctionnement, facilite la recherche de panne. Bien entendu, le tableau électrique qui centralise toutes les lignes du bateau est luimême relié à la batterie avec un câble général à même de supporter en même temps tous les consommateurs du bord. Avec une marge de sécurité obligatoire, on aboutit vite à des grosses sections, de l’ordre de 30 à 90 mm². Pour pouvoir s’y retrouver, le schéma synoptique du réseau est plus qu’utile mais, s’il fait bien partie des documents fournis avec un bateau neuf, il a souvent disparu avec une unité d’occasion. Il ne restera plus qu’à suivre les fils un à un, en croisant les doigts pour que la couleur des gaines soit bien respectée d’un
connecteur à l’autre (par convention le pôle positif est toujours de couleur rouge). On peut ensuite procéder au marquage des fils à l’aide d’adhésifs numérotés ou de bagues spécifiques à cet usage. Il est tout aussi important de soigner les connexions qui restent le point faible d’un réseau. À l’exception d’une réparation d’urgence et temporaire, les dominos sont interdits à bord, au profit de cosses serties et de connecteurs autodénudants de type Scotchlock ou équivalent. Ils sont disponibles sous de nombreuses formes et dans toutes les sections de câbles usuelles. On veillera à bien protéger les gaines de tout contact avec une arête vive qui, vibrations aidant, risque d’endommager la gaine à plus ou moins long terme.
Les protections
Nous avons déjà souligné le fait que les courtscircuits sont susceptibles d’engendrer des incendies. Il est donc impératif d’insérer dans le circuit électrique des dispositifs automatiques de protection qui couperont l’alimentation au-delà d’un certain seuil prédéfini d’intensité. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux ne pas brancher plusieurs appareils sur une même ligne. Si, par exemple, on branche quatre consommateurs de 5 A, soit un total de 20 A, sur une alimentation commune, sa protection sera calibrée sur l’intensité cumulée et non sur les 5 A d’un consommateur. Pas idéal…
Les protections les plus simples et les moins chères sont de type fusible à fil. Le principe est simplissime, puisqu’au-delà de l’intensité nominale le fil du fusible chauffe (encore et toujours l’effet Joule !) et finit par fondre, ce qui coupe le passage du courant. Les fusibles les plus courants se présentent sous forme d’un petit tube en verre, doté d’une bague métallique conductrice à chaque extrémité. Chaque fusible va de pair avec un support, adapté à sa taille et à sa forme.
Il existe aussi des fusibles de type automobile à enficher, dont les calibres, de 3 à 30 A, sont indiqués par des couleurs différentes. Il existe enfin des fusibles en céramique, similaires aux modèles en verre, mais non transparents. Une pastille colorée munie d’un ressort sert de témoin de déclenchement. Ils sont plutôt réservés aux gros consommateurs, guindeaux ou propulseurs d’étrave par exemple.
Plus évolués, les disjoncteurs automatiques sont de plus en plus utilisés, car on peut visualiser leur état d’un simple coup d’oeil à la manette d’armement, leur remise en service n’exige pas de pièces de rechange et ils sont plus stables dans le temps que les fusibles, souvent sensibles à la corrosion. Ils sont plus chers à l’achat, mais leur coût d’exploitation est nul. Disponibles dans une large gamme de
1 à 125 A, ils sont aussi plus fiables, car ils n’utilisent pas de connecteurs supplémentaires. Il existe enfin des disjoncteurs différentiels qui comparent la valeur du courant à l’aller et au retour sur les deux pôles et coupent le circuit au-delà d’un certain seuil, soit 30 mA pour un usage marine. Plus le seuil est bas et plus la protection est élevée.
Ce dispositif est principalement utilisé sur l’alimentation en courant secteur, juste après la prise de quai.