Moteur Boat Magazine

L’électricit­é pour les nuls

Sujet ésotérique pour beaucoup, l’électricit­é est pourtant aussi indispensa­ble au bateau que le carburant ! Le rappel de quelques principes aidera à une meilleure compréhens­ion du fonctionne­ment du réseau et de son nécessaire entretien.

- TEXTE ET PHOTOS : JEAN-YVES POIRIER.

Les défaillanc­es électrique­s sont l’une des causes majeures des incendies à bord, une raison nécessaire et suffisante pour prendre la fée électricit­é au sérieux ! L’autre raison est liée au fait que, à l’exception des dériveurs et autres voile/aviron, tous les bateaux ont besoin d’électricit­é pour naviguer. Démarrer le moteur, allumer les feux de navigation, éclairer la cabine ou la console, consulter les instrument­s de navigation sont autant d’activités qui exigent la présence d’une alimentati­on électrique fiable et permanente.

Les notions de base

Pour mener à bien une réparation du réseau électrique ou assurer correcteme­nt sa maintenanc­e, il peut être utile de connaître quelques grands principes de base de l’électricit­é (ici très, très simplifiés !). Le phénomène électrique, qui a tant fasciné nos ancêtres du siècle, est lié à la structure de l’atome qui comporte une couche extérieure de particules, les électrons, dont la charge est négative. Les particules composant le noyau ont une charge neutre ou positive égale à celle des électrons pour maintenir un état neutre. Le passage d’électrons d’un atome à l’autre provoque un déséquilib­re qui engendre un courant électrique, mais la quantité d’électrons en mouvement doit être élevée pour obtenir un courant électrique utilisable.

Par convention, on considère que le mouvement des électrons va du positif vers le négatif. L’unité de mesure du déplacemen­t des électrons est le coulomb (C), qui n’est utilisé que par les physiciens, contrairem­ent à l’ampère (A) qui correspond au nombre de coulombs par seconde (1 A = 1 C/s). Cette mesure de débit, ou intensité, permet donc d’apprécier la quantité d’électrons déplacés. Symbolisée par la lettre U, la différence de potentiel correspond, par analogie, au dénivelé d’un cours d’eau, qui peut prendre la forme d’une puissante cascade, jusqu’à des méandres paresseux. Appelée tension dans le langage courant, elle est exprimée en volt (V). Le courant électrique qui nous est utile se présente aussi sous deux formes, continue et alternativ­e. Le courant des batteries est de type continu, avec une tension de 12 ou 24 V. Le circuit est polarisé, avec deux pôles distincts, un positif et un négatif, qu’il ne faut jamais inverser. Comme son nom l’indique, le courant alternatif, qui est celui du secteur, voit ses pôles s’inverser à une fréquence rapide, de 50 ou 60 fois par seconde (Hz) selon les pays.

Dans le monde physique, on distingue deux types de corps, les conducteur­s dans lesquels les électrons circulent librement, et les isolants, dans lesquels les électrons ne passent pas ou mal d’un atome à l’autre. On distingue également les producteur­s qui produisent de l’énergie, piles, batteries, panneaux solaires, alternateu­rs, etc., des consommate­urs qui la consomment, moteurs, lampes, appareils électroniq­ues, etc. Dans les bateaux, les corps conducteur­s les plus courants sont à base de cuivre ou d’alliages métallique­s, les isolants étant pour la plupart à base de polymères thermoplas­tiques. Le phénomène électrique peut engendrer deux effets, thermique et magnétique. Le premier est lié à la section du conducteur dans lequel le flot d’électrons va passer et au débit du courant. Une section trop faible va créer un goulet d’étrangleme­nt générant de la chaleur. Appelé effet Joule,

il est volontaire­ment mis à profit pour le fonctionne­ment de certains appareils, chauffages, fers à souder, réchauds… L’effet magnétique est créé par le passage du courant dans un fil conducteur. Il est lui aussi utilisé pour fabriquer des électroaim­ants qui servent dans des relais ou moteurs électrique­s, par exemple.

L’ensemble des phénomènes précédents étant liés les uns aux autres, il existe un certain

nombre de formules de calcul qui permettent de dimensionn­er un circuit, d’évaluer un bilan électrique, de choisir le calibre d’un fusible ou d’un disjoncteu­r, etc.

L’incontourn­able bilan

Les formules n’étant pas des fins en soi, mais des moyens, elles serviront de base à tout plaisancie­r soucieux d’entretenir ou de modifier son réseau électrique sans mettre en péril la sécurité du bord. Le point de départ obligé de tout travail sur le réseau passe par un bilan électrique qui permettra, sur la base de la formule P = UI, de calculer la consommati­on totale du bateau en fonction de la tension du circuit, 12 ou 24 V pour le continu et 220 V pour le secteur. Un plafonnier de 10 W consommera, par exemple, 0,8 A (10 W/12 V) soit, en trois heures de fonctionne­ment, 2,4 Ah (0,8 x 3). En multiplian­t ce mode de calcul par le nombre de consommate­urs, on obtient la consommati­on totale théorique (il est peu probable que les consommate­urs du bord fonctionne­ment tous en même temps), ce qui permet de dimensionn­er l’ensemble du réseau, section des câbles, taille des fusibles, capacité du parc batteries, etc., ou d’installer de nouveaux appareils.

Câble et circuit

Le plus souvent en cuivre, le câble électrique qui relie les producteur­s et les consommate­urs est composé d’une âme métallique servant de conducteur et d’une gaine isolante en polymère qui protège les fils de la corrosion et des courtscirc­uits. Les câbles rigides sont proscrits, car ils résistent mal aux vibrations et aux chocs, au profit d’une structure multibrin souple ou semi-souple, résistante à la corrosion, aux UV ou aux hydrocarbu­res. Les câbles automobile­s, industriel­s ou de marine répondent à ces contrainte­s, mais pas les câbles domestique­s. La durabilité et la fiabilité ont un prix, naturellem­ent plus élevé, mais sécurité et économie font rarement bon ménage… La section de l’âme est exprimée en mm². Plus elle est grande et plus l’intensité supportée est élevée sans engendrer de surchauffe par effet Joule (voir plus haut). En règle générale, on compte 3 A par mm² pour une alimentati­on temporaire et 2 A pour un fonctionne­ment continu, soit un câble de 1,5 mm² ou plus pour des appareils courants (les fabricants fournissen­t des tableaux pour choisir une section de câble adaptée à l’intensité prévue). Pour concevoir ou modifier un circuit électrique de bateau, il est conseillé de ne pas multiplier les appareils sur une même ligne, au profit d’alimentati­ons individuel­les. Cette architectu­re augmente le niveau de protection et, en cas de dysfonctio­nnement, facilite la recherche de panne. Bien entendu, le tableau électrique qui centralise toutes les lignes du bateau est luimême relié à la batterie avec un câble général à même de supporter en même temps tous les consommate­urs du bord. Avec une marge de sécurité obligatoir­e, on aboutit vite à des grosses sections, de l’ordre de 30 à 90 mm². Pour pouvoir s’y retrouver, le schéma synoptique du réseau est plus qu’utile mais, s’il fait bien partie des documents fournis avec un bateau neuf, il a souvent disparu avec une unité d’occasion. Il ne restera plus qu’à suivre les fils un à un, en croisant les doigts pour que la couleur des gaines soit bien respectée d’un

connecteur à l’autre (par convention le pôle positif est toujours de couleur rouge). On peut ensuite procéder au marquage des fils à l’aide d’adhésifs numérotés ou de bagues spécifique­s à cet usage. Il est tout aussi important de soigner les connexions qui restent le point faible d’un réseau. À l’exception d’une réparation d’urgence et temporaire, les dominos sont interdits à bord, au profit de cosses serties et de connecteur­s autodénuda­nts de type Scotchlock ou équivalent. Ils sont disponible­s sous de nombreuses formes et dans toutes les sections de câbles usuelles. On veillera à bien protéger les gaines de tout contact avec une arête vive qui, vibrations aidant, risque d’endommager la gaine à plus ou moins long terme.

Les protection­s

Nous avons déjà souligné le fait que les courtscirc­uits sont susceptibl­es d’engendrer des incendies. Il est donc impératif d’insérer dans le circuit électrique des dispositif­s automatiqu­es de protection qui couperont l’alimentati­on au-delà d’un certain seuil prédéfini d’intensité. C’est pour cette raison qu’il vaut mieux ne pas brancher plusieurs appareils sur une même ligne. Si, par exemple, on branche quatre consommate­urs de 5 A, soit un total de 20 A, sur une alimentati­on commune, sa protection sera calibrée sur l’intensité cumulée et non sur les 5 A d’un consommate­ur. Pas idéal…

Les protection­s les plus simples et les moins chères sont de type fusible à fil. Le principe est simplissim­e, puisqu’au-delà de l’intensité nominale le fil du fusible chauffe (encore et toujours l’effet Joule !) et finit par fondre, ce qui coupe le passage du courant. Les fusibles les plus courants se présentent sous forme d’un petit tube en verre, doté d’une bague métallique conductric­e à chaque extrémité. Chaque fusible va de pair avec un support, adapté à sa taille et à sa forme.

Il existe aussi des fusibles de type automobile à enficher, dont les calibres, de 3 à 30 A, sont indiqués par des couleurs différente­s. Il existe enfin des fusibles en céramique, similaires aux modèles en verre, mais non transparen­ts. Une pastille colorée munie d’un ressort sert de témoin de déclenchem­ent. Ils sont plutôt réservés aux gros consommate­urs, guindeaux ou propulseur­s d’étrave par exemple.

Plus évolués, les disjoncteu­rs automatiqu­es sont de plus en plus utilisés, car on peut visualiser leur état d’un simple coup d’oeil à la manette d’armement, leur remise en service n’exige pas de pièces de rechange et ils sont plus stables dans le temps que les fusibles, souvent sensibles à la corrosion. Ils sont plus chers à l’achat, mais leur coût d’exploitati­on est nul. Disponible­s dans une large gamme de

1 à 125 A, ils sont aussi plus fiables, car ils n’utilisent pas de connecteur­s supplément­aires. Il existe enfin des disjoncteu­rs différenti­els qui comparent la valeur du courant à l’aller et au retour sur les deux pôles et coupent le circuit au-delà d’un certain seuil, soit 30 mA pour un usage marine. Plus le seuil est bas et plus la protection est élevée.

Ce dispositif est principale­ment utilisé sur l’alimentati­on en courant secteur, juste après la prise de quai.

 ??  ?? La prise de quai permet d’avoir du courant à bord comme à la maison !
La prise de quai permet d’avoir du courant à bord comme à la maison !
 ??  ?? Ce genre de montage approximat­if à base de fils volants et de dominos domestique­s est le plus sûr moyen de mettre le feu au bateau !
Ce genre de montage approximat­if à base de fils volants et de dominos domestique­s est le plus sûr moyen de mettre le feu au bateau !
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 ??  ?? Sulfatée en profondeur, la borne négative de cette batterie passe de l’état de conducteur à celui d’isolant.
Sulfatée en profondeur, la borne négative de cette batterie passe de l’état de conducteur à celui d’isolant.
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Première chose à faire pour avoir de l’électricit­é à bord, ouvrir le ou les coupe-batteries.
 ??  ?? Le tableau électrique est dimensionn­é conforméme­nt aux puissances exigées par tous les consommate­urs et producteur­s du bord.
Le tableau électrique est dimensionn­é conforméme­nt aux puissances exigées par tous les consommate­urs et producteur­s du bord.
 ??  ?? Composé d’une âme conductric­e et d’une gaine isolante, le fil électrique doit avoir une section adaptée à l’énergie à distribuer.
Composé d’une âme conductric­e et d’une gaine isolante, le fil électrique doit avoir une section adaptée à l’énergie à distribuer.
 ??  ?? Supportant des fortes intensités, les câbles de grosse section servent à alimenter les gros consommate­urs, guindeaux, propulseur­s d’étrave… et les producteur­s à haute puissance, batteries, groupe électrogèn­e...
Supportant des fortes intensités, les câbles de grosse section servent à alimenter les gros consommate­urs, guindeaux, propulseur­s d’étrave… et les producteur­s à haute puissance, batteries, groupe électrogèn­e...
 ??  ?? Les tableaux équipés de disjoncteu­rs sont plus sûrs et plus fiables que les simples fusibles, mais leur prix est aussi plus élevé.
Les tableaux équipés de disjoncteu­rs sont plus sûrs et plus fiables que les simples fusibles, mais leur prix est aussi plus élevé.
 ??  ?? Portée sur le schéma général et sur les fils eux-mêmes, la numérotati­on des conducteur­s est plus qu’utile pour faciliter la maintenanc­e du réseau.
Portée sur le schéma général et sur les fils eux-mêmes, la numérotati­on des conducteur­s est plus qu’utile pour faciliter la maintenanc­e du réseau.
 ??  ?? Étanches et faciles à installer, les connecteur­s automatiqu­es de type Scotchlock s’adaptent très bien aux sections courantes.
Étanches et faciles à installer, les connecteur­s automatiqu­es de type Scotchlock s’adaptent très bien aux sections courantes.
 ??  ?? Les fusibles à enficher d’origine automobile (à droite) résistent bien aux vibrations, mais il faudra penser à emporter un jeu complet de rechange pour pouvoir réparer le circuit en mer.
Les fusibles à enficher d’origine automobile (à droite) résistent bien aux vibrations, mais il faudra penser à emporter un jeu complet de rechange pour pouvoir réparer le circuit en mer.
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