Moteur Boat Magazine

Setton Boats Bullit : une histoire de famille

- TEXTE : STÉPHANIE DE LOUSTAL. PHOTOS : FRANÇOIS PARIS.

La marque Setton Boats s’est fait une place sur le marché de l’offshore de plaisance dans les années 1980 avec ce modèle au nom évocateur de « Bullit ». Ce bateau qui date de 1979 s’offre une nouvelle jeunesse avec les nouveaux Mercury 300 R et nous permet ainsi de (re)découvrir l’histoire de cette marque précurseus­e en matière de motorisati­on.

Si le nom de Setton est très connu dans le monde de la hi-fi grâce à Jackie Setton qui, en 1973, a importé la marque Pioneer en France, il a également sa place dans le nautisme des années 1970-1980 avec les offshores Setton Boats et plus particuliè­rement un modèle de 29 pieds (9 m), au nom mythique de Bullit.

Celui que nous venons voir et essayer aujourd’hui est chez Lethiec Marine, concession­naire Quicksilve­r situé à Pegomas (06) et surtout distribute­ur Mercury Racing pour la France. Yannick, le patron, est un pilote d’offshore en championna­t du monde, c’est dire s’il s’y connaît en bateaux et moteurs de course ! Le Bullit que nous découvrons est flambant neuf. Difficile de croire qu’il a été fabriqué en 1979, parmi les premiers de la marque. C’est Joe Setton – le père de Jackie – homme d’affaires aux nombreux hobbies qui, sous la pression de son fils, décide de créer sa propre marque de bateaux. Nous sommes au milieu des années 1970, le père et le fils sont passionnés par tout ce qui va vite et notamment les

offshores. À l’époque, les bateaux de ce type étaient tous motorisés par des in-bord très gourmands. Jackie est convaincu que les moteurs hors-bord sont l’avenir et parvient à convaincre son père de développer une marque d’offshore en hors-bord, qui consommera­it moins et coûterait moins cher à l’entretien. Pour ses affaires, Joe est souvent aux ÉtatsUnis et devient un proche de Donald Aronow, le concepteur et designer de marques célèbres, telles Magnum et Cigarette. Au cours de l’un de ses voyages, Joe découvre une coque, plus ou moins abandonnée, mais dont le V constant de 24° est très prometteur. Il va pouvoir développer le concept de l’offshore de plaisance. S’amorce alors un gros travail sur la répartitio­n des poids, primordial­e sur ce bateau qui sera propulsé par des hors-bord. Un partenaria­t s’engage avec Evinrude, motoriste de légende qui dispose à l’époque d’un V6 de 250 chevaux (en deux temps, bien sûr !). Le bateau sera fabriqué dans le nord-est de Miami, près de chez Don Aronow, puis ramené en France. Il sera décliné en trois versions, Open, Cabin Sport et Center Console.

Des modèles vendus aux forces spéciales

La société Setton Boats s’installe à Cannes La Bocca et, après le décès de Joe Setton en 1984 dans un accident de planeur, ce sera Robert Martel, son fidèle bras droit, qui poursuivra l’importatio­n des Setton Boats en France jusqu’à la fin des années 1990. Environ 150 bateaux seront fabriqués et vendus dans le monde, dont une cinquantai­ne de modèles aux forces spéciales américaine­s. Outre le 298, un 33 pieds verra également le jour, mais ne sera fabriqué qu’en toute petite quantité et rapidement abandonné au profit du Bullit et de ses trois versions.

Il faut dire que ce bateau a une sacrée ligne… Le modèle que nous découvrons dans le hangar de Lethiec Marine fait donc partie des tout premiers fabriqués et doit être l’un des rares encore existants, du moins dans cet état. Son histoire est incroyable. Après avoir appartenu à la famille Milazzo, bien connue à Cannes, ce modèle est passé de main en main, essentiell­ement à des Belges, a été repeint, restauré, remotorisé en 2006 avec des Evinrude E-Tec de 250 chevaux, puis abandonné pendant quelques années, en extérieur, le long des anciens hangars de Setton Boats. C’est là qu’en 2012 un entreprene­ur français, Olivier F., amoureux et habitué des offshores depuis son enfance, le trouve et en fait l’acquisitio­n pour une quinzaine

de milliers d’euros.

Une restaurati­on de A à Z

Le bateau est dans un état épouvantab­le : de l’eau est entrée dans le cockpit et dans la cabine et y a stagné. Mais Olivier connaît cette marque, y est attaché et voit là le moyen de réaliser un « rêve de gosse ». Il le récupère et entreprend de le restaurer entièremen­t. Pendant l’hiver 2012-2013, il s’attaque aux travaux, sort les réservoirs, change les vannes, abat les cloisons, répare les varangues, fait de la stratifica­tion, démonte les pompes hydrauliqu­es et la commande de gaz, enlève les moquettes intérieure­s, installe

un nouveau pare-brise, bref, il redonne une deuxième vie à ce Bullit. Le travail est titanesque et Olivier est aidé dans sa tâche par le skippeur de son Pershing 52, inoccupé pendant l’hiver. « La remise en état par un chantier aurait coûté beaucoup trop cher tant elle a nécessité d’heures de main-d’oeuvre, nous dit Olivier. Nous avons donc tout fait nousmêmes et cela nous est revenu à environ 10 000 € en pièces détachées et matériaux. » En revanche, les moteurs, ayant peu servi, ont été conservés et au printemps 2013 le Setton est remis à l’eau. Olivier F. l’utilisera avec un immense plaisir pendant cinq saisons avant de le revendre en 2018, par hasard, au propriétai­re actuel.

Un bateau plein de souvenirs…

Quand Pierre S. découvre ce bateau, une bouffée de nostalgie s’empare de lui. Son propre père, décédé quand Pierre était enfant, était lui-même propriétai­re d’un Bullit 298 S, dont il avait fait l’acquisitio­n en 1985 pour

177 900 francs TTC. Le bateau était à l’époque équipé de deux Mercury de 200 chevaux. Très admiratif de ce père parti trop tôt et qui connaissai­t bien Joe Setton, Pierre rachète ce Bullit sur un coup de coeur pour un montant de 36 000 € environ. Le bateau, avec sa sellerie refaite et parfaiteme­nt entretenu par Olivier, le précédent propriétai­re, est impeccable.

Des Mercury 300 R sur le tableau arrière

Après deux saisons avec les Evinrude, et suite à la disparitio­n de cette marque de moteurs américaine au printemps 2020, Pierre décide alors de remotorise­r son Bullit. Conseillé par Yannick Lethiec, chez qui le bateau est en gardiennag­e, il l’équipe des nouveaux 300 chevaux R (pour Racing) de Mercury, des V8 de 4,6 litres de cylindrée et de seulement 252 kg, soit le même poids que les anciens

Evinrude deux temps. Après cette remotorisa­tion, qui coûtera environ 60 000 €, Pierre S. demandera à un expert maritime une visite de réévaluati­on qui se conclura par un avis très positif et une estimation de l’unité à un montant de 85 000 €. Avec ses deux moteurs flambant neufs, sa ligne élancée et rétro, le Bullit est tout simplement magnifique. Et son passage en mer l’est tout autant. Le V prononcé procure un passage tout en douceur et la carène ne tape jamais. Quant aux 600 chevaux installés sur le tableau arrière, avec des hélices de 24 pouces, ils assurent une accélérati­on fulgurante et permettent d’atteindre 58 noeuds en vitesse de pointe. Le pilotage est un régal, le bateau réagit immédiatem­ent et la sensation de vitesse est absolue. C’est encore un nouveau chapitre qui commence pour ce Bullit de 1979, et son propriétai­re, passionné par les belles mécaniques, n’est pas près de se séparer de ce petit bijou ! ■

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 ??  ?? La carène du Bullit est une pure merveille et affiche un V quasi constant de 24°.
La carène du Bullit est une pure merveille et affiche un V quasi constant de 24°.
 ??  ?? Les brochures d’époque du Setton Bullit jouent à la fois la carte de la compétitio­n, avec le Team Evinrude, et de la plaisance, avec le côté familial.
Les brochures d’époque du Setton Bullit jouent à la fois la carte de la compétitio­n, avec le Team Evinrude, et de la plaisance, avec le côté familial.
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 ??  ?? Le pilote et le copilote profitent de sièges bolster pour un pilotage debout, mais avec les reins bien calés.
Le pilote et le copilote profitent de sièges bolster pour un pilotage debout, mais avec les reins bien calés.
 ??  ?? Le Bullit fait preuve d’une belle fougue au déjaugeage avec les nouveaux Mercury 300 R.
Le Bullit fait preuve d’une belle fougue au déjaugeage avec les nouveaux Mercury 300 R.
 ??  ?? Le poste de barre a été entièremen­t refait avec des plaques de carbone pour les cadrans du tableau de bord.
Le poste de barre a été entièremen­t refait avec des plaques de carbone pour les cadrans du tableau de bord.
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 ??  ?? Sous la banquette arrière du cockpit, l’ancien propriétai­re avait installé un petit réfrigérat­eur.
Sous la banquette arrière du cockpit, l’ancien propriétai­re avait installé un petit réfrigérat­eur.
 ??  ?? Le cockpit est très encaissé et permet aux personnes installées sur la banquette arrière d’être bien protégées à pleine vitesse.
Le cockpit est très encaissé et permet aux personnes installées sur la banquette arrière d’être bien protégées à pleine vitesse.
 ??  ?? Dans sa version console centrale, le Bullit, avec sa magnifique carène et sa motorisati­on horsbord, a été particuliè­rement apprécié par les
Coast Guard américains et les forces spéciales.
Dans sa version console centrale, le Bullit, avec sa magnifique carène et sa motorisati­on horsbord, a été particuliè­rement apprécié par les Coast Guard américains et les forces spéciales.
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 ??  ?? Grâce à leur poids « plume » équivalant à celui d’anciens deux temps, les 300 chevaux Mercury s’adaptent parfaiteme­nt à la coque du Bullit.
Grâce à leur poids « plume » équivalant à celui d’anciens deux temps, les 300 chevaux Mercury s’adaptent parfaiteme­nt à la coque du Bullit.
 ??  ?? Des coussins viennent se fixer sur le pont avant pour créer un beau bain de soleil. Pour y accéder, il faut enjamber le petit pare-brise saute-vent qui ceinture le cockpit.
Des coussins viennent se fixer sur le pont avant pour créer un beau bain de soleil. Pour y accéder, il faut enjamber le petit pare-brise saute-vent qui ceinture le cockpit.
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Dans cette version Cabine, le 298 S dissimule sous son pont avant une couchette et des rangements, avec une hauteur sous barrots très réduite.

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