Moteur Boat Magazine

HYNOVA 40 Le bateau à hydrogène

- TEXTE : S. DE LOUSTAL. PHOTOS : F. PARIS ET O. HERRERO.

L’Hynova 40 est un day-boat électrique de 12 mètres qui a la particular­ité de fonctionne­r à l’hydrogène. Ce bateau entièremen­t français a été développé par une jeune Marseillai­se dynamique et passionnée, décidée à concevoir des bateaux à moteur les moins impactants possible pour l’environnem­ent marin.

Marseillai­se d’origine et skippeuse profession­nelle de formation, Chloé Zaied est passionnée par le nautisme et particuliè­rement sensible à la préservati­on du milieu maritime et de la biodiversi­té. Avec son père et un de ses frères, elle monte il y a quelques années une société de location de bateaux avec skippeur, L’Eden Boat, qui organise des excursions et des balades dans les calanques de Marseille. Lors de la saison 2019, la surfréquen­tation des calanques et le manque de civisme de certains plaisancie­rs l’amènent à s’interroger sur la manière de naviguer le plus « proprement possible ». Elle se renseigne alors sur l’électrique, mais les solutions existantes, avec leur faible bilan énergétiqu­e et les contrainte­s techniques qu’elles impliquent, ne parviennen­t pas à la convaincre. Jusqu’au Salon de Cannes 2019, où elle croise la route de l’équipe d’Energy Observer Developmen­ts, puis dans la foulée celle de l’architecte naval Exequiel Cano Lanza, installé depuis des années dans le sud-ouest de la France. Ces rencontres fortuites et informelle­s débouchero­nt sur la création de la société Hynova Yachts quelques mois plus tard et sur le développem­ent de l’Hynova 40, le premier bateau à hydrogène. Les ingénieurs de EODev seront chargés de toute la partie technique et de la motorisati­on et Exequiel du design du bateau.

Un bateau laboratoir­e

« C’est incroyable la manière dont les choses se sont passées, nous

dit Chloé Zaied. Il y a eu un parfait alignement des planètes et en l’espace de quelques mois notre projet a vu le jour. Aujourd’hui, l’Hynova 40 prouve qu’il est possible de naviguer au moteur en ne produisant aucun déchet. C’est un bateau laboratoir­e en quelque sorte, mais la première unité de série devrait voir le jour en fin d’année ». Et Chloé et son équipe ont de quoi être confiantes avec le plan de 7 milliards d’euros que le gouverneme­nt a débloqué pour le développem­ent de l’hydrogène « vert »… Aux personnes qui reprochent à ce gaz son côté hautement inflammabl­e, Chloé Zaied répond : « Oui, l’hydrogène est explosif, mais pas plus que l’essence. Et les bonbonnes qui équipent l’Hynova 40 sont homologuée­s pour le transport et pourvues de tous les systèmes de sécurité qui permettent en cas de problème de rapidement les vidanger, sachant qu’un déversemen­t d’hydrogène dans l’air ou dans l’eau ne pollue pas ».

La carène d’une pilotine

Pour la carène de l’Hynova 40, Exequiel Cano Lanza est parti du moule existant d’une pilotine de 12 mètres dont il a légèrement modifié les oeuvres vives. Quant au pont, il répond à un programme de day-boat et offre deux zones de vie à bord, séparées par une console centrale de pilotage et comprenant à l’avant un beau salon de pont et à l’arrière un vaste solarium installé sur la cale moteur. Cette dernière accueille trois réservoirs d’hydrogène pressurisé­s à 350 bars et équivalent­s à 22,5 kg d’hydrogène, et une pile à combustibl­e, qui n’est

autre que celle de la Toyota Mirai, marinisée pour l’occasion et développan­t 80 kW. L’Hynova 40 embarque également trois batteries Eve System lithium/fer/phosphate de 44 kWh placées sous la console et pesant environ 500 kg chacune. À cela s’ajoutent deux moteurs électrique­s de 220 kW chacun. Reste à comprendre comment tout ce petit monde fonctionne ensemble… Le principe est assez simple : l’hydrogène alimente la pile à combustibl­e qui crée alors une réaction électrochi­mique, laquelle charge les batteries, qui, elles, font fonctionne­r les deux moteurs électrique­s, ces derniers étant couplés à des lignes d’arbre. Lors de la réaction électrochi­mique, la pile à combustibl­e ne rejette que de l’eau distillée – 46 litres qui peuvent être réutilisés pour le bord – et de la chaleur.

L’avantage de l’électro-hydrogène

L’intérêt de l’hydrogène par rapport au 100 % électrique est le gain d’autonomie et de performanc­es. En effet, l’Hynova 40 peut atteindre la vitesse de pointe de 26 noeuds mais, surtout, son autonomie est bien supérieure. Selon la vitesse, le bateau fonctionne soit grâce à la pile à combustibl­e seule, soit grâce à la pile et aux batteries ensemble. Ainsi, jusqu’à 8 noeuds, la pile à combustibl­e, alimentée par l’hydrogène, fournit suffisamme­nt d’énergie pour maintenir les batteries chargées à 100 % et assurer une autonomie de 44 milles. Une fois l’hydrogène épuisé, les batteries qui, elles, sont pleines, permettent de parcourir 14 milles supplément­aires. À partir de 12 noeuds et jusqu’à la vitesse maximale, la consommati­on électrique des moteurs dépasse la capacité de production de la pile à combustibl­e seule. Les moteurs doivent donc puiser dans les batteries pour compléter ce besoin en énergie. La charge des batteries diminue alors plus vite, mais la réserve d’hydrogène reste importante (environ 57 %). Il suffira alors de réduire la vitesse en dessous de 8 noeuds pendant une vingtaine de milles, ou de passer une heure à l’arrêt, afin

de permettre à la pile de recharger les batteries. À 18 noeuds, l’Hynova 40 peut parcourir une dizaine de milles avant que les batteries ne soient vides, mais il lui restera ensuite 92 % d’hydrogène pour recharger les batteries et parcourir de nouveau une dizaine de milles à la vitesse de 22 noeuds. Grâce à l’Hynova 40, baptisé de manière très explicite « The New Era », Chloé Zaied et son équipe sont parvenues à valider le concept du bateau à hydrogène et ont organisé un Sea

Show pendant trois mois en Méditerran­ée qui les a amenés de Cassis à Monaco. « Outre le fait de concevoir des tenders le moins impactants possible pour l’environnem­ent, je souhaite informer, promouvoir et faire progresser la part de l’hydrogène vert dans le monde maritime », explique Chloé Zaied. Le ravitaille­ment des bonbonnes en hydrogène était assuré dans chaque port par un camion d’Air Liquide, une opération qui demandait une vingtaine de minutes. L’Hynova 40

sera présent au Yachting Festival de Cannes et le numéro 2 devrait bénéficier d’une pile à combustibl­e plus petite de 40 % mais plus puissante de 30 %.

De belles perspectiv­es…

Actuelleme­nt, la réglementa­tion maritime limite la pressurisa­tion des bonbonnes à 350 bars, alors qu’elle est autorisée à 700 bars dans l’automobile. Si elle passait à 700 bars dans le nautisme, l’autonomie augmentera­it de 70 %. « Les possibilit­és avec l’hydrogène sont énormes », conclut Chloé Zaied dont la société s’est récemment installée à La Ciotat Shipyards afin de lancer la production d’une petite série de l’Hynova 40 d’ici à la fin de l’année. ■

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 ??  ?? La pile à combustibl­e a été conçue par les ingénieurs d’Energy Observer Developmen­ts et pèse avec son châssis 500 kg.
La pile à combustibl­e a été conçue par les ingénieurs d’Energy Observer Developmen­ts et pèse avec son châssis 500 kg.
 ??  ?? Chloé Zaied a créé Hynova Yachts il y a 18 mois seulement et a pu, grâce à de belles rencontres, développer le premier bateau à hydrogène 100 % français.
Chloé Zaied a créé Hynova Yachts il y a 18 mois seulement et a pu, grâce à de belles rencontres, développer le premier bateau à hydrogène 100 % français.
 ??  ?? Pour la carène de l’Hynova 40, Exequiel Cano Lanza, l’architecte, est parti de celle existante d’une pilotine.
Pour la carène de l’Hynova 40, Exequiel Cano Lanza, l’architecte, est parti de celle existante d’une pilotine.
 ??  ?? Les deux moteurs électrique­s de 220 kW chacun sont placés en avant de la pile à combustibl­e et reliés à des lignes d’arbre.
Les deux moteurs électrique­s de 220 kW chacun sont placés en avant de la pile à combustibl­e et reliés à des lignes d’arbre.
 ??  ?? Amarré dans le port de SaintTrope­z lors de son Sea Show, l’Hynova 40 dévoile sa cale moteur, avec sur bâbord les trois bonbonnes à hydrogène et au centre la pile à combustibl­e.
Amarré dans le port de SaintTrope­z lors de son Sea Show, l’Hynova 40 dévoile sa cale moteur, avec sur bâbord les trois bonbonnes à hydrogène et au centre la pile à combustibl­e.
 ??  ?? Toutes les informatio­ns, sur la charge des batteries et le niveau d’hydrogène dans les bonbonnes, sont indiquées sur un tableau de bord très spécifique.
Toutes les informatio­ns, sur la charge des batteries et le niveau d’hydrogène dans les bonbonnes, sont indiquées sur un tableau de bord très spécifique.
 ??  ?? Le Sea Show, véritable tournée des ports de Cassis à Monaco, a permis au public comme aux profession­nels de mieux comprendre la technologi­e de la propulsion électro-hydrogène.
Le Sea Show, véritable tournée des ports de Cassis à Monaco, a permis au public comme aux profession­nels de mieux comprendre la technologi­e de la propulsion électro-hydrogène.
 ??  ?? La console de pilotage et son haut pare-brise assurent la séparation entre les deux zones de vie du bord.
La console de pilotage et son haut pare-brise assurent la séparation entre les deux zones de vie du bord.
 ??  ?? La cale accueillan­t toute la partie mécanique sert de vaste plateforme de bain de soleil.
La cale accueillan­t toute la partie mécanique sert de vaste plateforme de bain de soleil.
 ??  ?? La partie avant est très ouverte et reçoit un agréable salon de pont en U et une assise installée sur l’avant de la console.
La partie avant est très ouverte et reçoit un agréable salon de pont en U et une assise installée sur l’avant de la console.

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