Moteur Boat Magazine

On craque pour la rivière de Crac’h !

- TEXTE : FRANÇOIS PARIS. PHOTOS : PIERRICK CONTIN.

Amateurs de sensations fortes et de mer agitée, passez votre chemin… Sur la rivière de Crac’h, c’est le calme qui prédomine. Mais ce n’est pas son seul atout, comme nous avons pu le constater en la remontant de bon matin, avec le flot, à l’heure où la Bretagne s’éveille.

Moins connue que sa voisine la rivière d’Auray, la discrète rivière de Crac’h n’est pourtant pas avare en paysages éblouissan­ts, avec ses murets de vieilles pierres qui protègent des regards trop curieux, tantôt des chapelles, tantôt des manoirs ou des châteaux entourés d’épais massifs d’hortensias. Bienvenue au coeur de cette Bretagne pure beurre, qui se déguste avec un soupçon d’iode, en l’occurrence celui qu’exhalent ces huîtres dont la rivière de Crac’h est un haut lieu de production. On croit à tort que son embouchure débute au niveau du pont de Kerisper, alors qu’elle est située en réalité bien plus au sud, entre la pointe de Kerbihan à l’ouest et Kernevest à l’est, sur la commune de SaintPhili­bert, précisémen­t là où s’ouvre le chenal qui mène au port de La Trinité-sur-Mer. La remontée s’effectue en amont à travers ses méandres, vers le nord, sur une petite dizaine de kilomètres entre l’embouchure et les moulins à marée de Béquerel et de Kerguoc’h.

Ils marquent la fin de la navigation (et aussi celle de la ria), là où le bras de mer se sépare en deux ruisseaux, celui du Gouyanzeur et celui de Pont-er-Rui. En fond de rivière, seuls les paddles, kayaks et autres canoës à faible tirant d’eau peuvent y accéder, auxquels s’ajoutent quelques palmipèdes… Et encore, à marée haute !

Une excellente alternativ­e quand la mer est mauvaise

La marée est la composante essentiell­e de cette navigation. Comme le souligne Jean-Michel Viant, expert maritime et architecte naval, bien connu des lecteurs de Moteur Boat Magazine, venu en voisin, « cette balade de père tranquille est des plus simples. La règle d’or est de monter avec le flot et de descendre avec le jusant. Dans l’idéal, une heure avant le plein pour avoir le temps de profiter des 3 noeuds imposés dans le chenal. Pour les petites unités, elle représente une excellente alternativ­e lorsque la mer est un peu trop formée dehors ». Davantage habitué aux circumnavi­gations et aux transats en tout genre, Jean-Michel Viant jouera le rôle de guide et de capitaine du bateau électrique loué chez E-Sea. Installé au sein des bureaux de l’entité Nautic Sport (voir encadré), E-Sea dispose d’une flotte d’une douzaine de modèles sans permis fabriqués par le chantier français Ruban Bleu. Ils peuvent embarquer de six à huit passagers, et certains sont même adaptés aux personnes à mobilité réduite, comme le Derby.

Leur autonomie tourne entre huit et dix heures, ce qui est largement suffisant au regard de notre navigation. Après une prise en main des plus simples et quelques conseils, nous quittons dans un silence absolu le ponton qui se situe au pied de la capitainer­ie du port de La Trinitésur-Mer. Il est à peine 8 heures et le plein est annoncé pour 9 heures, ce qui nous laisse largement de quoi rejoindre la baie Saint-Jean, point le plus au nord que nous nous sommes fixé au regard du coefficien­t de marée de cette matinée de juillet. Le pont de Kerisper franchi, nous suivons la ligne de mouillage jusqu’à la

Pierre Jaune, là où se resserrent les rives, laissant la seule île de la ria sur notre tribord. Il s’agit de l’île Cuhan (privée), d’ailleurs visible par les automobili­stes depuis le pont de Kerisper. À bâbord, au fond de la baie de Kervilor, se tenait jadis le chantier du même nom, installé depuis sur l’autre rive, à SaintPhili­bert. Nichés au creux de cette vasière encore submergée, se trouvent les vestiges d’anciens parcs ostréicole­s qui datent du

XIXe siècle. La vitesse maximale de 3 noeuds dans la rivière de Crac’h nous permet de profiter du paysage. Il est conforme à celui que l’on attend d’une ria bretonne, avec ses rives à la végétation dense, ses parcs à huîtres et ses barges ostréicole­s aux couleurs chatoyante­s.

L’idéal est d’appareille­r avec la montante

Le chenal est matérialis­é par endroits par des bouées, mais, avec cette hauteur d’eau, les risques sont minimes. « À marée basse ou à la descendant­e, il faut toutefois éviter de trop s’approcher des rives, conseille JeanMichel Viant. Autant profiter du filet d’eau qui demeure toujours au milieu. » Même s’il s’agit la plupart du temps de vasières sans danger (sinon celui d’être obligé de se déhaler d’un coup de rame, présente à bord des bateaux de location), mieux vaut garder ses distances avec les rives à marée basse. Et puis, notre bateau électrique est équipé d’un pod, certes protégé par une quille, mais qui allonge un peu le tirant d’eau. Le courant, assez faible, nous porte gentiment vers le nord, dans le silence à peine perturbé par les vaguelette­s de notre étrave. La motorisati­on électrique est tout à fait adaptée

à ce genre de navigation, ne dérangeant personne, ni les habitation­s de villégiatu­re aux volets clos qui prouvent que leurs occupants dorment encore, ni l’avifaune. Les aigrettes, mouettes rieuses, pipits maritimes et autres échassiers observent placidemen­t notre flânerie, patientant sur les rives en attendant que les vasières apparaisse­nt pour commencer leur festin. La faible vitesse évite de générer une vague de sillage importante, qui pourrait abîmer les murets anciens des propriétés alentour ou des moulins à marée. Des cales sont présentes un peu partout le long de notre parcours. « Il est possible d’y débarquer, mais sur certaines seulement, explique Jean-Michel Viant, car il y a beaucoup de propriétés privées le long de la ria. »

Des châteaux, des chapelles et des huîtres

La retenue d’eau du Laz et son moulin à marée attenant (encore en activité dans les années 1950) se dévoilent à bâbord, puis après un premier coude la rivière s’élargit de nouveau. Au fond, la tourelle du château de Crocalan apparaît, ainsi que la chapelle sise au domaine. Plus loin, l’activité autour d’une pêcherie nous annonce l’arrivée de la baie Saint-Jean, notre objectif. Une heure a suffi pour l’atteindre. Au-delà, il ne serait pas raisonnabl­e de s’aventurer, surtout avec la marée qui descend. Pour les curieux, et les amateurs de vieilles pierres, comme l’oppidum situé près du Lizo, ou bien le barrage où s’élève le ravissant moulin de Kerguoc’h, il faudra y accéder depuis la route. La nôtre se fera en sens inverse, avec le jusant, et sous l’éclairage d’une lumière qui, déjà, a changé. Un autre décor s’ouvre à nous, comme si cette rivière offrait plusieurs visages. Mais tous nous sourient ! ■

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 ??  ?? La navigation débute depuis les quais de La Trinité-sur-Mer, haut lieu de la voile et de la course au large.
La navigation débute depuis les quais de La Trinité-sur-Mer, haut lieu de la voile et de la course au large.
 ??  ?? Cette balade, facile à souhait, est idéale pour familiaris­er de jeunes enfants à la navigation.
Cette balade, facile à souhait, est idéale pour familiaris­er de jeunes enfants à la navigation.
 ??  ?? Le pont de Kerisper enjambe la rivière de Crac’h entre SaintPhili­bert et La Trinitésur-Mer.
Le pont de Kerisper enjambe la rivière de Crac’h entre SaintPhili­bert et La Trinitésur-Mer.
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 ??  ?? La pêche est possible dans la rivière, mais seulement à marée haute.
La pêche est possible dans la rivière, mais seulement à marée haute.
 ??  ?? Certaines anciennes cabanes de douaniers ont été transformé­es en habitation à la vue imprenable.
Certaines anciennes cabanes de douaniers ont été transformé­es en habitation à la vue imprenable.
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 ??  ?? Pour préserver les rives, en particulie­r les murets typiques de cette ria, la vitesse est limitée à 3 noeuds.
Pour préserver les rives, en particulie­r les murets typiques de cette ria, la vitesse est limitée à 3 noeuds.
 ??  ?? La présence d’un pod rend les manoeuvres très faciles.
La présence d’un pod rend les manoeuvres très faciles.
 ??  ?? L’hortensia, un des symboles de la péninsule bretonne, déploie ses tons de rose et de violet au début de ce mois de juillet ensoleillé.
L’hortensia, un des symboles de la péninsule bretonne, déploie ses tons de rose et de violet au début de ce mois de juillet ensoleillé.
 ??  ?? De nombreux moulins à marée parsèment la rivière, comme celui-ci, attenant à la retenue d’eau du Laz.
De nombreux moulins à marée parsèment la rivière, comme celui-ci, attenant à la retenue d’eau du Laz.
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 ??  ?? Léon, bientôt sept ans, prend la barre sous l’oeil de son grand-père, Jean-Michel Viant, qui possède plusieurs tours du monde à la voile à son actif.
Léon, bientôt sept ans, prend la barre sous l’oeil de son grand-père, Jean-Michel Viant, qui possède plusieurs tours du monde à la voile à son actif.
 ??  ?? Lorsque l’état de la mer est trop mauvais dehors, la rivière de Crac’h représente une bonne alternativ­e, pour naviguer à l’abri et au calme. Les dériveurs apprécient !
Lorsque l’état de la mer est trop mauvais dehors, la rivière de Crac’h représente une bonne alternativ­e, pour naviguer à l’abri et au calme. Les dériveurs apprécient !
 ??  ?? Si certaines cales de mise à l’eau sont publiques, d’autres appartienn­ent à des propriétés privées où il est interdit de débarquer.
Si certaines cales de mise à l’eau sont publiques, d’autres appartienn­ent à des propriétés privées où il est interdit de débarquer.
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L’activité ostréicole est omniprésen­te sur la rivière, comme le prouvent les nombreuses barges amarrées dans le chenal.
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Nombreux sont les propriétai­res à posséder leur propre bateau, amarré au pied de leur maison.

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