Moteur Boat Magazine

Comment combattre l’humidité

- TEXTE : JEAN-YVES POIRIER. PHOTOS : VIRGINIE PELAGALLI, L’AUTEUR ET DR.

Été comme hiver, un bateau est exposé à une humidité permanente, un facteur à ne pas négliger, car ses effets peuvent être importants, sur le matériel et sur l’équipage. Heureuseme­nt, des gestes préventifs et des traitement­s curatifs peuvent minimiser les dégradatio­ns d’un phénomène aussi naturel qu’inévitable.

Pour bien comprendre le processus et adopter les bonnes mesures préventive­s, un petit rappel de quelques notions de physique élémentair­e n’est sans doute pas inutile ! Comme définie par la météorolog­ie, l’humidité désigne la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air. Pour la mesurer, on utilise deux méthodes, absolue et relative. La première exprime en gramme par mètre cube d’air la quantité d’eau atmosphéri­que, invariante et non soumise aux variations de températur­e. La seconde, de loin la plus utilisée, évalue en pourcentag­e le rapport entre la quantité de vapeur d’eau contenue dans l’air à un instant T et la quantité maximale possible ; 100 % d’humidité relative correspond ainsi à un air saturé en vapeur d’eau (pluie, brouillard...) et 0 % à un air parfaiteme­nt sec (un niveau jamais atteint dans la nature, même dans les déserts).

De l’importance d’une bonne aération…

Plus l’air est chaud, plus il est susceptibl­e de contenir de la vapeur d’eau et, quand il refroidit, cette vapeur se condense et passe à l’état liquide, l’humidité relative variant avec

la températur­e de l’air. Au cours d’une journée d’été, la montée en températur­e fait baisser le taux d’humidité relative, la zone de confort se situant entre 40 et 60 %. À 30 °C, l’air ambiant peut contenir jusqu’à 30 g de vapeur d’eau par mètre cube et 3 grammes seulement à – 5 °C. Tous ces chiffres expliquent pourquoi aérer son bateau une chaude journée d’été avant de refermer ses coffres et de le couvrir d’une bâche peut, au premier refroidiss­ement venu, conduire à la condensati­on sur les parois froides de la coque d’une grande quantité d’humidité, qui engendrera moisissure­s et corrosion. À l’inverse, aérer au plus froid de l’hiver laissera passer un air sec, qui le sera plus encore au fil du printemps. Invisible, la vapeur d’eau se diffuse partout à l’intérieur comme à l’extérieur du bateau et sa condensati­on sous forme liquide va altérer de manière plus ou moins prononcée tous les matériaux contenus à bord. Les constructe­urs ont beau choisir les plus durables, la corrosion finit par gagner les surfaces métallique­s, en particulie­r les connecteur­s électrique­s et les

surfaces textiles, bois et papier sensibles au développem­ent de moisissure­s, pourriture­s microbienn­es et autres champignon­s.

Ces observatio­ns physiques permettent de comprendre pourquoi la seule méthode préventive consiste à laisser l’air circuler le plus librement possible afin d’égaliser la températur­e et l’hygrométri­e ambiante avec celle située à l’intérieur du bateau. On évite ainsi les phénomènes de condensati­on, transforma­nt la vapeur en eau liquide, potentiell­ement destructri­ce. Pour ces raisons, on doit considérer l’aération dans son ensemble, en ne laissant subsister aucun recoin hermétique­ment clos, une idée paradoxale pour un bateau dont la qualité première est l’étanchéité !

La ventilatio­n est trop souvent négligée

Malgré l’importance du sujet, force est de constater que les travaux des architecte­s et bureaux d’études concernés ne sont pas toujours très poussés en matière d’aération à bord. Outre les unités habitables, dotées d’importants volumes d’aménagemen­t, la plupart des transporta­bles, semi-rigides, opens, bow-riders, etc., sont équipés de consoles ou de coffres fermés qui sont autant de pièges à humidité, mais pourtant indispensa­bles au fonctionne­ment du navire. Le travail du concepteur est d’autant plus délicat qu’il est malheureus­ement très difficile, voire impossible, d’analyser le mouvement des flux d’air à l’intérieur de la coque et des aménagemen­ts, car ils dépendent fortement de la géométrie propre des volumes et de leur cloisonnag­e. À l’exception des compartime­nts moteur et des batteries, qui font l’objet de contrainte­s spécifique­s, rien n’est prévu dans la réglementa­tion pour assurer une aération

optimale, susceptibl­e de limiter les effets d’un niveau d’humidité trop élevé. Les endroits sensibles sont les équipets, tiroirs et, le cas échéant, le compartime­nt froid, glacière ou réfrigérat­eur, qu’il vaudra mieux laisser grands ouverts durant toute la période d’hivernage. Rarement prévues par les constructe­urs, des portes cannées ou à persienne laissent parfaiteme­nt circuler l’air ambiant dans les aménagemen­ts, même en position fermée. Avec des portes pleines, une grille ou des trous d’aération, situés dans la partie haute pour éviter une éventuelle inondation de l’eau des fonds, sont conseillés.

Gare aux effluves malodorant­s

Les coffres extérieurs, qui contiennen­t souvent des objets humides, défenses, amarres, ancre, ligne de mouillage, annexe, etc., sont souvent victimes de l’humidité qui va en outre encourager la dégradatio­n de certains éléments biologique­s marins, plancton ou algues, et développer des effluves malodorant­s.

Des aérateurs supplément­aires dans les capots de chaque compartime­nt sont généraleme­nt suffisants pour résoudre cette question, mais il faudra aussi adopter une attitude préventive en rinçant périodique­ment les objets contaminés à l’eau douce, le sel contenu dans l’eau de mer attirant fortement l’humidité atmosphéri­que. ■

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 ??  ?? Au moment de l’hivernage, il est utile de disposer des absorbeurs d’humidité un peu partout dans le bateau.
Au moment de l’hivernage, il est utile de disposer des absorbeurs d’humidité un peu partout dans le bateau.
 ??  ?? Le taud de cockpit permet de le protéger pendant l’hiver, mais nécessite une bonne aération pour éviter la condensati­on.
Le taud de cockpit permet de le protéger pendant l’hiver, mais nécessite une bonne aération pour éviter la condensati­on.
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Le taud d’hivernage ne doit surtout pas empêcher l’air de circuler.
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Obstruer les surfaces vitrées favorise la condensati­on : cruel dilemme quand on quitte le navire…
 ??  ?? L’humidité favorise le développem­ent de la moisissure, notamment au niveau des vaigrages et des moquettes.
L’humidité favorise le développem­ent de la moisissure, notamment au niveau des vaigrages et des moquettes.
 ??  ?? De l’eau stagnante peut laisser de vilaines traces…
De l’eau stagnante peut laisser de vilaines traces…
 ??  ?? Un hivernage sur remorque exige une aération permanente du taud et des coffres.
Un hivernage sur remorque exige une aération permanente du taud et des coffres.

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