Fromage et desert
Ducati surfe sur le succès de son Scrambler décliné à toutes les sauces. Il en a même fait une marque qui s'enrichit d'un énième modèle reprenant les codes oubliés du vrai trail. Un Scrambler “plus”, en quelque sorte.
Si Steve Mcqueen avait tenté de se faire la belle en Ducati plutôt qu'en Triumph (Trophy TR6), nul doute qu'il aurait choisi la Desert Sled. Quand on le voit effectuer travers et sauts de cabri dans la Grande Evasion pour échapper aux Frisés, on se dit que le dernier-né des Scrambler, plus haut sur pattes, lui aurait peut-être permis de franchir la clôture de barbelés et de filer en zone libre. Bon, pas dit que le scénario y aurait gagné… Et on ne va pas refaire l'histoire. Ni se mettre à dos les gens de Triumph, qui lancent leur Street Scrambler 900, concurrent direct de l'italien. Et puis, sans blague, la Desert Sled fait davantage penser aux motards californiens des années 60/70 qui allaient rider dans la pampa qu'aux troupes du IIIE Reich ! A l'époque, ces gars-là retouchaient grossièrement leur moto pour tâter du off-road en toute liberté dans le désert et les montagnes du sud. L'idée était simple : des motos légères de moins de 500 cm3, dépouillées de tout superflu, des pneus à tétines, des suspensions renforcées et une indispensable plaque de protection moteur. C'est ce qu'on appelait les desert sleds. Pour Ducati, qui a produit son Scrambler original en 1962 en priorité pour le marché américain, la légitimité de ce genre de motos ne fait pas l'ombre d'un doute. Même si tous les observateurs trouvent une ressemblance certaine avec la Yamaha 500 XT de 1980, du moins le modèle blanc ; c'est moins flagrant avec le rouge.
MORDRE LA POUSSIÈRE Ducati est parti du modèle Urban Enduro pour développer la Desert Sled. C'est comme si de gros doigts avaient attrapé la moto par son dos et avaient tiré vers le haut.
Résultat, le Scrambler s’est surélevé sur ses suspensions à 200 mm. C'est à dire une valeur digne d’un pur trail, équivalente, par exemple, à une 660 Ténéré. Preuves supplémentaires que Ducati ne s’est pas contenté d’un simple maquillage, la fourche a été remplacée par un modèle plus costaud disposant de toute la palette de réglages ; le cadre a été renforcé, la roue avant passée à 19” pour un meilleur contrôle en off-road et le bras oscillant s’est épaissi. Ajoutez la selle épaisse striée, le guidon et sa barre de renfort, le garde-boue avant surélevé (un poil court quand même), la double sortie d‘échappement basse, et vous tenez là une machine franchement craquante, associant le style cher aux trails des années 70 et une qualité de fabrication évidente qu’on retrouve sur l’ensemble de la gamme Ducati. Pas de surprise côté mécanique, le sympathique twin 803 cm3 homologué Euro 4 est fidèle au poste, avec ses 75 ch qui le placent entre la Triumph (55 ch) et la BMW ninet Scrambler (110). L’équipement, lui, n’est pas aussi fourni que sur une Multistrada, forcément, mais l’essentiel est là, dont un ABS déconnectable. Alors, évidemment, quand on vous offre la possibilité d’aller soulever la poussière dans le désert où Sergio Leone a tourné nombre de ses westerns spaghetti, vous n’attendez pas qu’on vous envoie un bristol ! On pouvait craindre la hauteur de selle avec ce surplus de 70 mm. Ça n’est pas le cas, car la moto se tasse un peu sur ses suspattes une fois qu’on s’assoit. D’autre part, le dessin plus arrondi de la selle à l’avant permet de moins écarter les jambes. Plus haut et plus loin du buste, le guidon offre une vraie posture de trail, appréciable quand on roule debout sur les repose-pieds. Clairement, cette moto est pensée pour quitter le bitume, malgré ses 207 kg tous pleins faits annoncés et ses Pirelli Scorpion Rally à gros pavés pas vraiment faits pour patauger dans la boue. Mais pas bruyants non plus sur le bitume comme les Karoo 3 de Metzeler.
ON NE VA PAS SE PRIVER… DE DESERT
Hormis les gros chocs, saignées ou pierres, où la fourche arrive en butée, la Desert Sled démontre qu’elle a sa place dans les chemins sablonneux ou caillouteux. Tant qu’on reste dans du roulant. Même pour un pilote peu expérimenté hors bitume, ce Scrambler haut sur pattes met tout de suite à l’aise grâce à son équilibre, sa stabilité, et à la motricité procurée par sa mécanique à la fois douce et progressive. Ducati a peaufiné la réponse de l’accélérateur suivant son ouverture (plus soft en bas, plus vive en haut), et le bénéfice est probant à la conduite. Même dans les passages délicats où l’avant semble fuyant, le guidage rassure, une fois le coup de gaz envoyé pour soulager l’avant. Seul le poids dans les parties lentes se rappelle de temps à autre à votre bon souvenir. Sur le bitume, on retrouve la facilité naturelle du Scrambler, la Ducati la plus abordable. Une moto taillée pour la ville comme les routes tortueuses où son agilité au changement d’angle, facilité ici par le pneu arrière de 170, fait mouche. Sans engendrer de grosses montées d’adrénaline, le moteur surprend par sa souplesse et sa bonne volonté à mi-régime. Sa disponibilité agrémente le roulage, d’autant que la sonorité claquante à l’échappement donne un petit supplément d’âme au moteur. La Ducati, plus longue, a gagné en stabilité, mais c’est bien la qualité de l’amortissement qui fait la différence sur ce modèle par rapport aux autres déclinaisons. Plus de confort, un rayon plus étendu, c’est win-win. Rien que pour ça et pour sa gueule craquante à souhait, on prédit au Sled, tarifé 11 990 €, un succès à portée de crampons.