Fraternité sous les étoiles
Début décembre, plus de 3 000 motards ont défié l’hiver pour participer à la concentration des Millevaches, quelque part dans le Parc naturel des Volcans d’auvergne.
Les Millevaches, c’est un plateau granitique situé dans les monts du Limousin, sur le flanc ouest du Massif central. Il est parfois surnommé le château d’eau de la France pour ses tourbières et multiples sources (Vézère, Vienne, Creuse, Corrèze, entre autres). Après six heures de roulage, un coucher de soleil et une arsouille sur les petites routes, la journée se termine par un montage de la tente dans les règles : à la lampe frontale.
LIBERTÉ RETROUVÉE
Le lendemain samedi, le camp se remplit de plus de 3 100 motards de tous horizons, et, même si la majorité a passé la quarantaine, une minorité de jeunes est bien présente. Toutes les cultures motardes sont représentées dans ce champ de 12 hectares. On y trouve de la mob, de l’ancienne jusqu’à l’hypersport et puis, bien sûr, les side-cars qui sont si nombreux que l’on pourrait croire que tous les attelages de France sont venus se rassembler ici… Il n’y a pas que les montures qui sont hétéroclites, les individus aussi : le routard barbu, la famille avec l’attelage, les bikers, le fermier avec sa moto équipée de bidons étanches et arborant fièrement une vache, même les hipsters avec leurs café-racers ont quitté la cité… Les femmes aussi sont là, même si elles sont peu nombreuses et souvent passagères, celles qui sont présentes sont des pures et dures. Comme Sylvie, venue sur son SV 1000 avec ses béquilles accrochées sur les côtés et sans tente. C’est aussi ça, les Millevaches, le partage, la solidarité, des valeurs que viennent chercher ceux qui font la route jusqu’à Meymac (19). Au coucher du soleil un jeune Gaulois égaré, voulant montrer sa virilité à sa charmante compagnie, se mit à exécuter un rupteur. Celui-ci stoppa très vite les
hurlements d’agonie de son pauvre moteur au soulèvement des sifflets et des huées telle une ola au stade. « Ici, on respecte la mécanique car c’est elle qui nous emmène », m’explique un jeune side-cariste. Et pour cause, quasiment toutes les discussions parlent de voyage, de tour du monde, de fiabilité mécanique, de confort, de chaleur toute relative… Tout au long de la journée et tard dans la nuit, les motards se déplacent au gré des feux qui crépitent et ce sont plus de 110 stères de bois qui réchaufferont les motards et leurs repas de la 8e édition de ce rassemblement. Végans, passez votre chemin ! Ici, la bonne bouffe carnée bien grasse fait partie de la culture, et, bien sûr, chacun apporte son breuvage local, à consommer avec ou sans modération. Avec 10 nationalités représentées, il était possible de faire le tour de l’europe dans la soirée. Tous se mélangent dans ce camp où, j’avoue, à la nuit bien avancée, il est difficile de retrouver sa
tente. Pour certains, par – 3°, et certainement plus de 3 g d’alcool, la nuit de sommeil commencera au pied du feu les bras nus et la cigarette pas encore allumée coincée entre les doigts. Les organisateurs l’assument, c’est aussi ça, les Millevaches : un espace de liberté disparue et retrouvée. En 2009, la concentre fut ressuscitée de ses cendres grâce à une petite équipe du moto-club Meymacois, sous l’impulsion de son président, Bill Deluchey. C’est cette liberté, initiée par son créateur Michel Perdrix, en 1969, que s’efforcent de préserver les actuels organisateurs, malgré les nouvelles législations. Et c’est sur ces bases solides que l’hivernale des Millevaches 2e génération a pris de l’ampleur très rapidement, pour devenir la plus grosse de France avec 3 100 motards pointés et atteindre la même fréquentation que durant les seventies. Pour garder toute l’authenticité de cette manifestation, seuls les véhicules jusqu’à trois roues sont autorisés. En conséquence, le bois est fourni gratuitement. Ainsi, les motards viennent uniquement avec ce qu’ils peuvent transporter sur leur monture, comme le voulait le fondateur. Seul le froid intense et la neige qui ont régné lors de la toute première édition ne peuvent être garantis.