Moto Journal

Tech3-yamaha : la rupture !

En décidant de mettre fin à vingt ans de partenaria­t avec le constructe­ur japonais fin 2018, l’équipe française de GP crée l’événement... et pas mal d’excitation au sein du paddock. Voici pourquoi.

- PAR Thomas Baujard PHOTOS Gold and Goose

« Alors, tu m’appelles pour parler de la couleur du temps ? », plaisante Hervé Poncharal, le patron du team Tech3, dont le téléphone portable ne doit guère cesser de sonner. Le communiqué est tombé à 12 heures pile jeudi 22 février : Tech3 quitte Yamaha. « Je te dirais que le noir est en train de s’en aller », poursuit Hervé. Allusion au sponsortit­re Monster, qui devrait effectivem­ent plier bagage en même temps que le constructe­ur d’iwata fin 2019, probableme­nt pour laisser place à Red Bull.

BOUGE TON NIPPON

« Tu comprends, ça commençait à ronronner un peu trop avec Yamaha, reprend-il. On s’est retrouvés un peu dans la situation où l’on était fin 1998 avec Honda et qu’on a décidé de tenter le pari Yam. En 250, la Honda NSR était la moto qu’il fallait avoir, mais j’en avais assez des rapports avec cette marque. En fin de compte, Honda comme Yam sont des grosses boîtes et nos interlocut­eurs ont beaucoup de pression de leur propre hiérarchie. Du coup, on ne peut guère les bouger. Tech3 est une petite SARL, qu’on soit avec eux ou non, ça ne change rien à leur bilan. Moi, je vais avoir 61 ans dans deux mois, mais j’aime la bagarre, j’aime le challenge, et un nouveau partenaire est venu me trouver en me proposant quelque chose dont je rêve depuis des années et que je ne pouvais pas refuser. J’ai encore eu ce partenaire au téléphone avant-hier et vous serez bientôt fixés sur son identité. »

Si Hervé Poncharal évite de trop rentrer dans les détails pour ne pas galvauder le suspense, les choses sont pourtant claires : ce qu’il demande depuis des années à Yamaha, ce sont des motos d’usine pour avoir de vraies chances de briller lorsque le pilote est au niveau. Comme cela s’est passé à plusieurs reprises avec des pointures comme Jacque, puis Edwards, Crutchlow, Dovizioso et, plus récemment, un certain Johann Zarco. Une revendicat­ion qui n’est pas utopique, dans la mesure où chez Pramac, le team satellite Ducati, Danilo Petrucci est équipé d’une GP18 identique à celles des officiels Dovi et Lorenzo. Même chose chez LCR, où Cal Crutchlow dispose d’une RCV très proche du matériel de Pedrosa et Marquez. Tout ce qu’hervé a pu négocier pour Johann, auteur l’an dernier de deux poles, trois podiums et 66 tours en tête, c’est le droit de délaisser son châssis 2017 au profit du 2016, 500 tr/mn de plus en régime moteur et de nouveaux ailerons. Bien sûr, la question est politique, et quand Yamaha demande plusieurs millions d’euros à Movistar pour financer le team d’usine, il se doit en retour de garantir que Rossi et Viñales seront les mieux servis en matériel. Mais l’écart entre l’un des teams d’usine les plus puissants et une équipe satellite est tel que Yamaha aurait pu faire un effort. Dans son propre intérêt, d’ailleurs, puisque, avec une seconde année d’expérience, Johann Zarco sera peut-être finalement le mieux placé pour contester sa couronne à Marquez. Ce n’est pas une affabulati­on de journalist­e, c’est Marc lui-même qui le dit !

TECH3 À L’ORANGE ?

Dès Jerez 2017, lorsque Johann avait proprement taxé les deux officiels Yam, Hervé nous avait expliqué que ça amusait très moyennemen­t le team officiel. A Valence, à l’issue de la deuxième place de Johann Zarco à 337 millièmes du vainqueur Pedrosa, le très discret Guy Coulon admettait pourtant « qu’avec ce dont les officiels Yam disposent en moteur et en suspension­s, ils devraient être devant. » En ce qui me concerne, je pense qu’avec sa gestion rigide et frileuse, Yamaha n’a pas vu plus loin que le bout de son nez et qu’en plus de perdre une équipe de qualité, il va à coup sûr perdre un pilote prometteur en la personne de Johann Zarco. Car le constructe­ur qui semble le mieux placé pour récupérer Tech3 comme Johann se nomme KTM. Primo, KTM et Suzuki sont les deux

seules usines aujourd’hui dépourvues de team satellite qui auraient les moyens de disposer de telles structures. Aprilia n’est pas en mesure de le faire.

LE CHOIX DU COEUR

De plus, Davide Brivio, team-manager de Suzuki, reconnaît qu’un team d’un seul pilote serait le maximum pour l’usine d’hammamatsu. Pas de quoi accommoder Tech3, qui dispose de deux places sur la grille en Motogp. Dès novembre dernier, Stefan Pierer, PDG de KTM, reconnaiss­ait dans une interview donnée à nos confrères de Speedweek, être « à la recherche d’un team satellite qu’il équiperait de machines d’usine identiques à celles du team officiel en 2019. » « Implicatio­n, réactivité, ce que je recherche, c’est le choix du coeur », conclut Hervé Poncharal au téléphone avec Moto Journal. Il n’a pas besoin d’en dire plus : sa vocation de junior team KTM, qui a toujours été le credo de Tech3, est toute trouvée. Avec les pilotes Oliveira et Binder qui, selon toute vraisembla­nce, monteront en catégorie reine l’an prochain, tandis que Johann Zarco a de fortes chances de se retrouver aux côtés de Pol Espargaro dans le team d’usine. Ce qui lui permettrai­t sans doute de retrouver Massimo Branchini, le chef ingénieur italien avec lequel il a conquis ses titres Moto2, actuelleme­nt au service d’oliveira en Moto2 chez KTM Ajo ; mais aussi les technicien­s suspension­s WP avec lesquels il a développé sa science de la gestion des pneus en fin de course. A moins que l’osmose technique actuelle qui règne chez Tech3 avec le chef mécano Guy Coulon et l’ingénieur acquisitio­n de données Alex Mehrand ne pousse Johann et son coach Laurent Fellon à prolonger leur contrat les liant à l’équipe de Bormes-les-mimosas. Ce serait un fameux coup de poker pour Hervé Poncharal, qui le verrait gagnant sur tous les tableaux. Réponse à tout ceci sous peu. Peutêtre même d’ici les essais du Qatar, où assez de médias seront présents pour donner l’écho qu’elle mérite à cette future associatio­n. Forza Tech3 !

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En 2019, ça va faire tout drôle de voir ces deux-là habillés différemen­t. C’est qu’on s’était habitués à voir Hervé Poncharal et Johann Zarco tout de noir et vert vêtus. L’an prochain, Johann et Hervé ne seront plus au service de Yam, mais il n’est pas...

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