Aprilia RSV4 RF, BMW S 1000 RR, Ducati Panigale V4 S, Suzuki GSX-R RR
Avec des sportives de ce calibre, difficile de résister l'envie d'essorer la poignée droite. De goûter à cette sensation d'accélération incroyable, qui vous fait entrer dans un autre espace-temps. Et pour passer encore plus vite à la vitesse de la lumière
Juste 6”8. C'est le temps qu'il faut à la Ducati Panigale V4 S pour passer de 0 à 200 km/h. Des performances de moto de course grâce à un moteur qui crache 214 ch et à un poids contenu. Pour arriver à grappiller quelques dixièmes sur une telle perf, son moteur a gagné en testostérone et en cylindrée pour arriver à 1 100 cm3. Par rapport à un 1000 4-cylindres, le gain est notable. Le bloc Ducati est plus coupleux et pousse fort quel que soit le régime. Toujours disponible, ce V4 emballe par sa large plage d'utilisation sur route. On peut repartir comme une balle dès 5 000 tr/mn pour se faire coller les yeux au fond des orbites si on ose rester poignée en grand jusqu'à la zone rouge. Car passé 10 000 tr/mn, la machine à baffes est lancée. Ça arrache les bras, ça cabre jusqu'en 4e si une petite bosse vous entrave le chemin. C'est impressionnant, la vitesse à laquelle on atteint des vitesses stratosphériques. Pourtant, la BMW S 1000 RR fait un poil mieux sur un départ arrêté, avec 6”7 pour passer de 0 à 200 km/h (l'aprilia est créditée de 7”3 et la Suzuki de 7”2). Ce dixième s'explique par un embrayage un peu plus difficile à gérer sur la Ducati au moment du départ. Mais en laissant ce battement de cils de côté, la force de la Panigale V4 réside dans sa réserve de puissance à bas régime, avec 9,9 mkg disponibles dès 5 000 tr/mn (contre 9 mkg pour la BMW au même régime). On joue moins du sélecteur et on dispose d'une accélération décoiffante quel que soit le rapport engagé. Chose qui est moins vraie avec la S 1000 RR, qui possède un côté on-off plus impressionnant.
200 CH, TARIF MINIMUM
Avant l'arrivée de la Panigale V4, le 4-cylindres en ligne de la S 1000 RR faisait partie des références en matière de disponibilité à tous les régimes.
Avec son puissant V4 de 214 ch, la Ducati Panigale V4 remet les pendules à l'heure
Mais aujourd'hui, ce moteur semble plus creux face à celui de la Ducati et il fait penser à un élastique qu'on tend graduellement, avant qu'il ne pète d'un seul coup. A la différence qu'ici, on connaît le moment ou le 4-cylindres allemand se réveille en furie, à 8 000 tr/mn, pour transformer la S 1000 RR en missile balistique naviguant à des vitesses incroyables. Passé ce régime fatidique, on bascule dans un autre monde où tout s'affole, à commencer par l'électronique embarquée, qui tente comme elle le peut de maintenir la roue avant au sol. Le champ de vision se rétrécit et on enquille les rapports à la volée à
chaque fois que l'aiguille du comptetours vient flirter avec la zone rouge. Le moteur ne faiblit jamais. Ça pousse de plus en plus fort. L'accélération semble aussi puissante à 200 km/h qu'à 100 km/h. Malgré ce caractère bien trempé et des performances hors norme, la S 1000 RR est plus facile à prendre en main que la Panigale, en grande partie grâce à la souplesse de son moteur. Ça ne sert à rien, mais, au guidon de l'allemande (idem avec la Suzuki), on peut évoluer sur le sixième rapport à 40 km/h sans le moindre à-coup, preuve de la souplesse du bloc BMW. De plus, la S 1000 RR
Dans toutes les conditions, le châssis de l'aprilia RSV4 RF est incroyable d'efficacité
possède la position de conduite la plus décontractée du lot. On s'assoit sur une selle à la hauteur raisonnable et au confort notable pour la catégorie, sans être trop en appui sur les avant-bras.
18 KM/H AU RALENTI
On retrouve cette position de conduite sur la Suzuki GSX-R 1000 RR, qui se démarque aussi par un moteur à la souplesse remarquable. Bourré de technologie (distribution variable et valves à l'échappement), ce 4-cylindres en ligne de 1 000 cm3 brille par sa souplesse et sa belle disponibilité dès les plus bas régimes. De plus, les performances sont élevées avec des accélérations et des reprises qui envoient, mais qui sont gâchées par des vibrations peu agréables qui vous envahissent les poignets à partir de 7 000 tr/mn. Dommage, car en plus d'être disponible, ce moteur bénéficie d'une belle allonge. Quant à l'aprilia, elle reprend toutes les caractéristiques d'une moto de course. Sa selle est dure et haute, la position de conduite est contraignante avec un appui prononcé sur les poignets, et son moteur est peu engageant en conduite urbaine. Au régime de ralenti, l'aprilia roule à 18 km/h sur le premier rapport. C'est dire le nombre de fois où il faut prendre l'embrayage pour éviter de caler lorsqu'on traverse une ville pour passer d'une route sinueuse à l'autre, terrain de jeu idéal où la RSV4 dévoile tout son potentiel. Dans ces conditions, son châssis déborde d'efficacité et son moteur se montre des plus sensationnels au niveau du caractère. Certes, depuis la norme Euro 4, son échappement est muni d'une valve qui s'ouvre à 5 000 tr/mn et qui castre quelque peu le V4 sous ce régime. Cela réduit aussi le volume sonore, contrairement à une Panigale qui possède une sonorité trop présente dès qu'on évolue à basse vitesse. Passé ce régime, l'ouverture de cette valve se traduit par un gain de puissance immédiat. Le V4 dévoile tout son potentiel pour cracher ses 200 ch. Pas de déferlement de puissance, mais une arrivée progressive des canassons pour une efficacité maximale, dans un bruit envoûtant de motogp. Sûrement l'un des plus beaux sons parmi les motos de série. Le V4 ouvert à 75° offre un véritable concerto, en mixant les sonorités rauques et aiguës, ponctuées par un pétaradage à vous donner le sourire jusqu'au oreilles. On use du sélecteur de vitesses pour
jouer avec les rapports sans réelle utilité, juste pour entendre le V4 chanter. La commande de boîte, douce, équipée d'un shifter qui fonctionne à la montée comme à la descente, s'y prête à merveille, en envoyant un bon coup de gaz à chaque descente de rapport. Juste magnifique.
MOTO DE COURSE
L'aprilia RSV4, dans cette version RF, n'embarque que du beau matos. Les suspensions Ohlins de qualité et les gros étriers de frein Brembo ne sont pas là que pour faire joli. Le châssis de la RSV4 est le meilleur quand il s'agit d'attaquer. Les demiguidons sont en liaison directe avec la roue avant, permettant de renseigner avec précision son pilote sur l'état du macadam. On rentre dans les courbes, lentes ou rapides, avec une sérénité inébranlable. On peut garder les freins tardivement sans que la moto se relève. Même si le virage se referme, la RSV4 n'est jamais réticente quand il faut ajouter de l'angle. Elle découpe la route avec son train avant ultraprécis. A son guidon, on ressent le travail de la fourche qui s'applique à gommer les aspérités de la route. Et même si l'amortisseur arrière est dur (même avec des réglages typés route, lire l'encadré p. 37), la motricité est sans faille. On peut accélérer tôt en sortie de virage pour s'éclipser avec une efficacité maximale. Tout en profitant de la sonorité du V4. Que du bonheur à l'attaque. En revanche, on ressent les limites d'une moto aussi radicale quand le rythme baisse d'un cran. En passant directement sur la Panigale V4, cette dernière se montre plus confortable au niveau de la position de conduite avec un appui moins prononcé sur les avant-bras. Car, côté suspensions, cela reste assez dur, comme toute sportive qui se respecte. Et question châssis, si la Panigale reste un cran en dessous de la lame nommée RSV4 RF, elle est bien plus facile à utiliser. L'aprilia demande un certain bagage technique pour être emmenée dans ses derniers retranchements. Son pilote doit s'investir à son guidon et la diriger d'une main de maître pour en sortir le meilleur. Avec la Panigale, tout semble plus facile, elle demande moins d'engagement au pilote et les trajectoires se tracent de manière plus naturelle. Sur les changements d'angle, elle vire de droite à gauche en un claquement de doigts. C'est impressionnant la vitesse à laquelle elle change d'angle, tout en conservant la précision de son train avant. Avec cette Panigale, Ducati s'est rapproché des standards en
proposant une sportive bien moins exclusive en termes de pilotage que sa devancière animée par un V2. Avec la S 1000 RR, on a l'impression que tout est facile, instinctif. La position de conduite détendue et les commandes onctueuses associées au moteur souple et à sa facilité de pilotage pourraient rendre cette moto utilisable au quotidien. Reste qu'en ville, une sportive vous casse les poignets à la longue, même quand elle s'appelle S 1000 RR. Elles ne sont pas faites pour ça. En revanche, l'allemande raffole
La BMW S 1000 RR est la plus polyvalente du lot... tout en étant animée par un moteur explosif
des grandes courbes passées à bloc. Sa stabilité rassure dans toutes les conditions et la confiance qu'elle donne à son pilote est un réel atout. Elle s'apprécie aussi dans les bouts droits passés à toc, grâce à une protection aérodynamique parmi les meilleures (même les mains sont à l'abri). On peut se planquer derrière la bulle sans être trop gêné par les perturbations, contrairement à la Ducati ou l'aprilia qui possèdent des bulles trop petites. Par ailleurs, ainsi équipée (suspensions électroniques, jantes plus légères en aluminium forgé…), la BMW offre de belles qualités dynamiques quand il s'agit d'enchaîner les petits virolos. On ne force pas exagérément à son guidon et la S 1000 RR vient naturellement se caler sur la bonne trajectoire. Elle ne demande pas le même niveau de pilotage qu'une Aprilia pour aller vite et apprécier ses qualités dynamiques. En revanche, le freinage peut surprendre : doté d'une attaque de levier franche, sa puissance de décélération est impressionnante. On aurait aimé plus de progressivité, un peu comme au guidon des deux italiennes. Equipées toutes deux d'un système Brembo monobloc haut de gamme, elles freinent puissamment et le feeling est bien de la partie. On peut faire des freinages dégressifs dans le plus grand des feelings. A l'inverse, le freinage de la Suzuki manque un peu de puissance à l'attaque, mais reste bien suffisant sur route. Le comportement routier de la Suzuki se rapproche de celui de la BMW. On pilote une moto sans réel mode d'emploi et facile à appréhender. La stabilité et la motricité sont sans faille, mais, dans les petits virolos, la Suzuki demande un peu d'engagement du pilote pour compenser une agilité en retrait.
DES CHEVAUX ET DES PUCES
Pas moins de 200 ch annoncés pour chacune de ces sportives, et une électronique embarquée à faire frémir un Airbus A380. Non pas dans l'automatisme, mais dans les aides au pilotage pour exploiter au mieux cette cavalerie. Toutes nos motos sont équipées d'une centrale inertielle à six axes, encore rare il y a deux ans, qui permet de renseigner le calculateur avec précision sur la position de la machine. Cela permet à l'électronique d'ajuster au mieux l'arrivée de la puissance, en fonction, par exemple, de l'angle de la moto. Et la nouvelle Panigale s'en sort très bien sur ce point. Le contrôle de motricité dissocié du contrôle de roue arrière bosse de façon indépendante et dans la plus grande discrétion. Seul le voyant orange en haut à gauche du tableau de bord trahit le fonctionnement des aides en s'illuminant sans cesse lors des fortes accélérations. Idem pour les ABS, insensibles sur toutes les motos, tant le grip disponible sous le pneu avant est important. Au niveau du tarif, ça pique chez Ducati : 27 990 € pour cette version S ! C'est 7 000 € de plus que l'aprilia et près de 10 000 € de plus que la Suzuki, toutes deux livrées dans leur version haut de gamme. Certes, Ducati fait payer son côté prestigieux, sa belle plastique et ses performances de haut niveau. Mais ça fait cher le dixième de seconde.
La Suzuki GSX-R brille par une belle stabilité en courbe et une polyvalence certaine
Après une petite arsouille avec ces motos exigeantes sur route, une petite pause bien méritée avec vue sur la Méditerranée