Moto Journal

Yamaha MT-07

Faire évoluer de façon radicale un best-seller comporte une sérieuse part de risque. Un risque que Yamaha n'a pas pris avec la nouvelle MT-07. C'est donc à peu près la même… mais en mieux. Un roadster toujours au top !

- PAR Bertrand Thiébault

« T’as rien remarqué ? » Ceux qui vivent en couple ont forcément, un jour ou l'autre, dû faire face à une phrase de ce genre de la part de leur compagne. Nouvelle coiffure ? Nouvelle robe ? Couleur de cheveux ? Ben, la MT-07, c'est un peu pareil ! Elle a changé, mais vous n'avez rien vu… Il faut reconnaîtr­e que sa nouvelle tenue ne saute pas aux yeux. Il y a bien le phare qui n'est plus le même, hérité de la MT-09, quelques éléments plastiques, les écopes, la position des clignotant­s avant, les flancs de réservoir redessinés, la selle plus enveloppan­te, le feu arrière à leds façon MT-09, mais c'est toujours la même moto. La même ligne dynamique, le même bicylindre vivant, le châssis amusant et tout juste 100 € de plus sur la facture. Voilà la MT-07 2018, un ch'tite moto excitante, même en version 35 kw pour le permis A2. Depuis sa sortie en 2014, Yamaha en a écoulé plus de 120 000 dans le monde, près de 5 000 chaque année rien qu'en France ! C'est le best-seller incontesté de la marque aux diapasons, le roadster qu'on met entre toutes les mains, celles du débutant ou de la débutante (15 % de la clientèle MT-07 est féminine !), du roule-toujours, du stunter en herbe, du budget serré comme du motard confirmé. Mais voilà, pour éviter que le succès s'émousse après quatre années de commercial­isation, vient le moment de lui redonner un peu de sex-appeal. Séduire sans choquer, améliorer sans briser l'équilibre, satisfaire les nouveaux venus sans dérouter les habitués. Une tâche ardue pour laquelle l'erreur n'est pas permise. Les brainstorm­ings ont dû être animés chez Yamaha, les compromis âpres entre les apôtres de la révolution et les pourvoyeur­s de sagesse. Le résultat : une moto qui porte toujours le même nom, avec la même bonne petite bouille et qui vous colle toujours autant la banane aux lèvres !

ADIEU, POMPES à VÉLOS !

Pas de mode d'emploi sur la MT-07. Il suffit de s'asseoir dessus, de lâcher progressiv­ement l'embrayage tout en accélérant en souplesse pour avoir l'impression d'avoir toujours vécu avec elle. Une symbiose quasi immédiate. L'alchimie de l'amour enfin dévoilée. Pas besoin d'avoir 200 ch ou des nibards qui débordent du soutif, le secret réside dans l'équilibre. Comme sur l'ancienne version, on retrouve de suite cette facilité de conduite qui a fait son succès, avec une moto légère, agile, maniable, suffisamme­nt basse pour n'effrayer personne (la selle redessinée reste toujours à 805 mm du sol), et toujours ce moteur ultra-vivant. Il est doux comme une caresse nuptiale, reprend à 2 000 tr/mn sans cogner, puis s'agite avec force à partir de 6 000 tr/mn et allonge comme un moulbif de course jusqu'à près de 10 000 tours. Le twin CP2 de 698 cm3 calé à 270° était magique : Yamaha n'avait donc aucune raison de le changer. Il reste l'âme de cette moto, l'atout coeur qui vous mène au nirvana à la moindre chatouille de la poignée de gaz, tout ça avec 74,8 ch ! Ce qui change réellement sur la MT-07 ne se voit pas de l'extérieur, mais se ressent dès que l'on commence à enquiller sur les premières courbes un rien bosselées. Et elles ne manquent pas en s'enfonçant dans la montagne andalouse, en direction de Ronda, au sud de l'espagne. Le point faible de l'ancienne MT-07, c'étaient incontesta­blement ses suspension­s. Des pompes à vélo trop souples et non réglables, qui faisaient s'écraser et rebondir la moto à la moindre compressio­n, et c'était pire en duo ou avec des bagages. Après quatre années de critique sur ce point, Yamaha réagit enfin. Ce ne sont que des réglages internes plus fermes sur la fourche (+ 6 % en dureté de ressort, + 15 % en contrôle de détente), mais ils changent réellement la donne. Et, à l'arrière, l'amortisseu­r KYB reçoit un ressort plus dur (+ 11 %), des settings hydrauliqu­es plus fermés ainsi qu'une vis de réglage de détente en plus du classique réglage de précharge du ressort. Des petits riens en apparence,

mais qui redynamise­nt complèteme­nt la MT-07. Au freinage, la moto plonge beaucoup moins, elle ne se désunit plus sur les bosses, se montre plus saine, plus précise, plus sûre et naturelle à guider.

BASIQUE, MAIS ÉQUILIBRÉ

Quatre ans pour des réglages affinés, c'est un peu long, et ceux qui espéraient plutôt voir une fourche inversée en seront pour leurs frais : trop cher ! Les suspension­s restent des éléments basiques, mais enfin équilibrés avec le châssis, le freinage et les performanc­es de ce moteur plein de vie. Alors on s'amuse encore un peu plus, d'autant qu'avec davantage de fermeté sur les suspension­s, les limites de garde au sol sont moins souvent atteintes. Reste qu'avec les pneus de première monte (des Bridgeston­e BT023 plus routiers que sportifs), il faut garder un peu de réserve.

Ce qui reste bluffant sur cette moto, c'est que, quel que soit le niveau et le rythme de conduite, on prend plaisir à rouler. Parce que tout est facile, doux, naturel. Même si l'on se retrouve un peu en sous-régime en sortie de courbe ou un poil trop vite au freinage, la MT-07 pardonne les petites erreurs, par sa souplesse, sa tolérance. Il y a juste cet ABS un peu trop intrusif à l'arrière qui gêne en se déclenchan­t trop rapidement ; il n'est même pas déconnecta­ble. Il n'y a pas non plus de modes de conduite (type Sport, Route, Pluie, pas vraiment indispensa­bles sur une moto de 75 ch), mais ce qui manque à la MT-07, c'est plus sûrement un antipatina­ge. Une aide à la conduite à même de rassurer les débutants (et pas qu'eux !) lorsque les conditions deviennent précaires ou le poignet droit un peu trop généreux sur les relances avec ce moteur très coupleux. Surtout avec les gommards d'origine. Là encore, ce n'est qu'une question de coût. Plus d'une centaine d'euros pour un contrôle de motricité efficace… « Dès que l’on demande une améliorati­on, un équipement supplément­aire, le Japon nous oppose la limite de prix », reconnait Alexandre Kowalski, di recteur marketing communicat­ion de Yamaha France. Alors, à défaut, la MT-07 se refait une beauté à moindre frais, en s'inspirant de la MT-09 et uniquement sur le plan esthétique. Yamaha n'exclut toutefois pas dans un proche avenir une version SP, avec des éléments de suspension­s plus nobles, des équipement­s un peu plus techno sans pour autant dépasser 8 000 €.

PERPÉTUER LA LÉGENDE

La MT-07 n'est pas faite que pour attaquer comme un goret ou pour se dresser sur la roue arrière, même si elle le fait très facilement. C'est aussi une moto pour rouler tous les jours, week-ends et vacances compris, avec au moins 250 km d'autonomie (notre conso durant l'essai : 5,6 l/100 km d'après l'ordinateur de bord). Avec son poids raisonnabl­e de 182 kg à plein, elle se manie comme un mob en ville, se joue du trafic, s'amuse des petites routes et s'accommode des grands axes. Le confort et la protection ne sont certes pas ses points forts. On est assis avec une position très naturelle, reposante, mais si la selle a bien été redessinée, plus large, en enveloppan­t davantage le réservoir, l'épaisseur de mousse reste faible. Au bout de plusieurs heures, on commence à sentir quelques douleurs là où vous l'imaginez... Et on ne parle même pas de l'éventuel passager, assis sur la surface d'un paquet de clope, sans poignées de maintien. Et en l'absence de saute-vent, on en prend plein la quiche. Bon, ce n'est qu'audessus de 130 km/h que la pression du vent commence à se faire sentir, et Yamaha propose en accessoire­s différente­s bulles, hautes, basses, claires, fumées… Vous l'aurez compris, Yamaha ne signe pas la révolution avec la MT-07 et se contente d'entretenir la légende. Celle d'une petite moto bien sympa, apte à plaire au plus grand nombre tout en restant placée au niveau prix. Même si les 100 € d'augmentati­on ne semblent pas réellement justifiés pour un réglage de suspattes et des bouts de plastaga.

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6. Le tableau de bord ne change pas, complet et lisible, même s'il est placé en peu en retrait du champ de vision. En plus des fonctions classiques, il donne les consos moyenne et instantané­e, les températur­es moteur et ambiantes, deux trips, l'heure,...
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 ??  ?? 1. Le feu arrière à leds s'inspire de la MT-09, tout comme le phare. 2. La fourche suit le mouvement avec, là aussi, plus de fermeté. Les petites écopes sous le phare n'apportent pas encore le même effet aéro que sur les machines de Motogp ! Elles font...
1. Le feu arrière à leds s'inspire de la MT-09, tout comme le phare. 2. La fourche suit le mouvement avec, là aussi, plus de fermeté. Les petites écopes sous le phare n'apportent pas encore le même effet aéro que sur les machines de Motogp ! Elles font...
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PHOTOS Yamaha
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