Honda CB 1100 RS, Kawasaki Z 900 RS
Au début des seventies, on était soit Beatles, soit Rolling Stones. Ou pour les motards, soit Honda, soit Kawa. Près de 50 ans plus tard, rien n'a changé ! La rivalité entre la CB 750 Four et la Z1 se poursuit désormais avec leurs répliques, Honda CB 1100 RS et Kawasaki Z 900 RS.
J’suis pas fan, j’ai l’impression de rouler sur une moto d’il y a 20 ans. » Fifèvre, fidèle rouleur sur les essais Moto Journal, est peut-être doué au guidon des sportives italiennes qu'il affectionne tant, mais assurément moins en maths et guère porté sur la nostalgie de ses plus jeunes années... Parce que les dignes ancêtres de nos motos du jour ont en réalité un peu plus que 20 piges au compteur. On frise même la cinquantaine ! A l'époque, on ne pouvait même pas appuyer sur la touche Rewind d'un vieux magnétoscope VHS pour remonter le temps, ça n'existait pas encore. On pouvait tout juste rembobiner maladroitement la pellicule d'un film Super 8 sautillant pour se replonger dans la douce insouciante des années 70, cette époque post soixantehuitarde où tous les rêves, toutes les libertés, semblaient possibles. Rouler à donf, niquer sans capote, se laisser pousser la tignasse, fumer des trucs bizarres, dire merde à son patron, porter des pantalons pattes d'éph, des lunettes rondes et des chemises à fleurs, cracher sur les institutions. La Honda CB 750 Four est arrivée pile à cette période, en 1969 ; sa rivale, la Kawasaki 900 Z1 quelques années plus tard, en 1973. Un choc pour le monde motard avec l'avènement de ces 4-cylindres puissants, ces motos racées et élégantes taillées comme des superbikes. Enfin, pour l'époque… Nous sommes en 2018 et la barre des 100 ch comme celle des 200 km/h ont été pulvérisées depuis bien longtemps, les motogp filent désormais à 350 km/h en pointe, la moindre sportive crache ses 200 bourriques, à peine moins pour un roadster… et l'on nous annonce une prochaine limitation à 80 km/h sur les routes départementales ! C'est clair, on ne pratique plus la moto comme il y a 20, 30 ou 50 ans, mais la nostalgie – enfin, pour certains ! – reste présente dans notre inconscient motard. Les constructeurs l'ont bien compris en nous ressortant, souvent avec succès, quelques jolies répliques de ces temps bénis. C'est le créneau des deux motos qui nous accompagnent, Honda CB 1100 RS et Kawasaki Z 900 RS.
AUTHENTIQUES, PAS ANTIQUES
Belles, c'est le premier mot qui vient à l'esprit en posant le regard sur ces deux répliques qui sont tout sauf des antiquités maquillées. La Honda CB 1100 RS est apparue l'an passé, évolution un peu plus racée de la CB 1100 puis 1100 EX ; la Z 900 RS sort,
elle, tout juste du four, estampillée 2018. Si elle est construite sur les bases de l'actuel roadster Z 900, c'est pourtant elle qui semble la plus “authentique”, reprenant dans cette version son coloris emblématique des 70's marron-orange (contre un supplément de 300 €, eh oui, l'authenticité a un prix !), rappelant le design de son ancêtre jusque dans le dessin du garde-boue arrière, du feu ou encore de la déco du réservoir. Bien sûr, on ne se laissera pas avoir par l'artifice du 4-cylindres à refroidissement liquide, par la fourche inversée, le mono-amortisseur, le double disque ou l'échappement 4-en1 (ici un Akra proposé en accessoires à 911 €), encore moins par son antipatinage paramétrable ! En face, la Honda fait peut-être un rien plus “techno” avec ces tubes de fourche de gros diamètre anodisés or, mais c'est pourtant elle la plus conservatrice
des traditions. A commencer par son bon gros 4-pattes aux ailettes fièrement exposées au vent, pour montrer qu'ici on se refroidit avant tout à l'air. Pas de fourche inversée, deux bons vieux amortos séparés, un pot de chaque côté et, surtout, aucune assistance électronique au pilotage en dehors de L'ABS désormais imposé par la norme Euro 4. La Honda, c'est un demi-siècle de tradition et tout de même 251,4 kilos avec les pleins sur notre balance. Soit 38 kilos de plus que la Z 900 RS ! Remarquez, à la sortie de la Z1, en 73, la Kawa était déjà plus légère (- 10 kg) que la CB 750 Four et ses 240 kilos à sec… La tradition, sans doute. Mais la Honda, c'est surtout un degré de finition très haut placé. Pas une faute de goût, pas une soudure grossière, des traitements de surface ultra-soignés, des matériaux nobles à l'image des caches latéraux en alu
brossé, la selle façon cuir retourné. La Z 900 RS est loin d'être bâclée, mais elle ne va pas aussi loin dans le souci du détail. La note y est plus technologique que chic.
DEUX VISIONS OPPOSÉES
Étonnement, ces deux motos pourtant si proches dans leur esprit vintage sont à l'opposé dès que l'on grimpe en selle. Les positions de conduite n'ont rien à voir : on est assis plus haut et bien plus droit sur la Kawa, avec un large guidon relevé qui rappelle la Z1 originale, alors qu'on est davantage basculé vers l'avant sur la Honda, les jambes plus repliées, presque sport. L'effet RS ? Les grands auront plus de mal à loger leur carcasse sur la CB, les petits apprécieront alors sa selle à 795 mm du sol, soit 40 mm de moins que la Z. Et les différences ne s'arrêtent pas là ! En quelques kilomètres à peine, les séquences ADN de chacune se dévoilent, avec force et caractère chez Kawasaki, douceur, raffinement et élégance chez Honda. La Z 900 RS, c'est la petite crapule, plus légère, plus agile aussi avec une géométrie de train avant plus fermée, un empattement plus court. Et, surtout, un moteur bien plus explosif ! La Honda a beau offrir près de 200 cm3 de plus avec ses 1 140 cm3, les choix technologiques voulus par les ingénieurs Honda, au plus près de la mythique CB 750 Four de 1969, lui font courber l'échine. Que ce soit en accélération, en reprises, en sensations, la Kawa file devant, prête à cabrer au besoin. Et puis ? Est-ce qu'on achète un néo-rétro pour faire péter des chronos ? Sans doute pas, mais cette Z 900 RS a tout de même un p'tit truc en plus, une excitation certaine dès qu'on tourne la poignée. Il serait injuste de dire qu'à côté, la Honda n'a pas de caractère. Elle en a bien un : le sien. Une caresse plus qu'une morsure et cela n'a rien de désagréable. Certes son moteur est moins puissant, délivre moins de couple mais il vous plonge avec délicatesse dans un océan de douceur, un bain au lait d'ânesse plutôt qu'une douche glacée sous les chutes du Niagara. La CB 1100 RS tient du temple zen et défend ces valeurs, celle de la perfection, bien calé dans les pas de Soichiro Honda. Tout est onctueux, précis, rigoureux : la boîte de vitesses, les freins, les suspensions. Puis ce gros 4-pattes aussi élastique qu'un Malabar longuement Suite page 56