BMW : pannes, pépins et pétition
PANNES, PÉPINS ET PÉTITION
Fin mars, l’association francophone des motos BMW (AFMB) a adressé à BMW France une pétition « pour tout savoir sur ma moto BMW » ainsi que les conclusions de deux études sur la fiabilité de ses productions. L’occasion de rappeler la singularité du lien entre le constructeur bavarois et ses clients, mais surtout ses difficultés à rendre ses motos vraiment fiables.
Les clichés ont, par définition, la peau dure. C’est notamment vrai dans le monde du deux-roues, où BMW jouit, pour le grand public, d’une réputation de fiabilité et de robustesse contre laquelle il est difficile de s’élever. Pourtant, dans les faits, c’est loin d’être toujours le cas. Difficile d’en juger si l’on s’en tient uniquement aux campagnes de rappel lancées par la marque, car elles sont presque moins nombreuses que pour les concurrents. La dernière remonte en effet à juillet 2017 et concernait le sertissage supérieur des tubes de fourche des R 1200 GS, jugé un peu fragile et sujet à casse en cas de chocs anormaux. Une campagne plus préventive qu’autre chose, mais tout de même 13 309 exemplaires français étaient concernés. Depuis, RAS, serions-nous tentés de dire. Mais, là encore, la réalité est différente. Pour savoir ce qu’il en est, il faut se tourner du côté de L’AFMB. Créée en 2004, l’association francophone des motos BMW est une association loi 1901 non lucrative, indépendante, dont le but principal est de faire remonter au constructeur les bons comme les mauvais points sur les motos, les produits et la marque BMW. A ce jour unique en France, cette initiative met en lumière deux réalités. La première, c’est la cote d’amour très élevée qui existe entre le constructeur allemand et ses clients. La singularité de ce lien se traduit par la position constructive de L’AFMB par rapport à BMW. « On aime nos motos et nous ne sommes pas là pour taper sur la marque. On veut simplement en améliorer les prestations et être en communication avec BMW par un retour d'expérience », souligne le président de L’AFMB, Jean-michel Fosse, avec qui Moto Journal s’est longuement entretenu. Au sein de l’association et même au-delà, nombreux sont ceux à reconnaître que leur “Béhème” n’est pas infaillible et que c’est anormal compte-tenu de son
prix et de l’image premium de la marque. Mais pour rien au monde ces quelque 9 000 béhèmewistes ne passeraient à la concurrence, qu’elle soit européenne ou japonaise. Un amour aveugle ? Que nenni ! Car sur la route, les allemandes font régulièrement étalage de leurs performances, de leurs qualités dynamiques ainsi que de leur ergonomie rarement prise en défaut. Au bout du compte, qu’on les aime ou pas, force est de reconnaître qu’aux points, les bavaroises sortent la plupart du temps la tête très haute des comparatifs dans lesquels nous les intégrons.
PLUS DE FIABILITÉ
Mais cette réalité du terrain ne doit pas faire oublier la principale raison de l’existence de L’AFMB : le nombre élevé de pépins, plus ou moins graves, auxquels sont sujettes les BMW. Le 20 mars dernier, l’association a rendu publique une pétition intitulée « Je veux tout savoir sur ma moto BMW », pour que chaque client puisse être systématiquement informé des rappels, campagnes et autres interventions techniques à réaliser sur sa machine. En réalité, il s’agit de la conclusion de deux études menées en 2017 auprès des adhérents de L’AFMB sur la fiabilité de leur moto. La première établit un inventaire des pannes et dysfonctionnements rencontrés par plus de 1 000 utilisateurs ; la seconde, un recueil de leurs attentes pour améliorer le service après-vente. Deux études, mais un seul bilan : les clients attendent plus de la part de BMW ; avant tout plus de fiabilité. « C'est bien que la nouvelle GS protège mieux, mais ce qu'on veut surtout, c'est qu'elle n'ait aucun problème », confie Jean-michel Fosse. A ce titre, un coup d’oeil au top-10 des pannes rencontrées par les adhérents s’avère très instructif (voir tableau ci-dessous). Si ce type de classement peut être établi pour toutes les marques, le kilométrage moyen auquel surviennent les dysfonctionnements est plus surprenant. En tête des postes à soucis, les commodos commencent à défaillir, en moyenne, vers 22 795 km, les pompes à eau (3e) peu avant 8 000 km, l’amortisseur arrière (4e) vers 25 000 km et l’embrayage (8e) à peine passé les 21 000 km. Ennuyeux, pour des motos âgées de moins de quatre ans et dont la facture d’achat avoisine régulièrement les 20 000 €. Encore plus ennuyeux quand les pannes touchent en quasi priorité les deux best-sellers de la gamme, R 1200 GS et R 1200 RT. Compte-tenu de la technologie embarquée très avancée des BMW, on peut comprendre que des pannes puissent survenir. D’autant qu’un constructeur ne gère pas la fabrication de sa moto de A à Z et fait souvent appel à des sous-traitants pour la fabrication de certaines pièces. Il n’empêche, les soucis remontés par L’AFMB sont anormaux et la prise en charge pas à la hauteur des attentes, selon l’association. « On peut comprendre qu'il y ait des problèmes d'industrialisation, mais on veut une meilleure prise en charge », réaffirme le président de L’AFMB. Le manque de communication semble donc flagrant pour les utilisateurs, qui notent également des différences de traitement selon les concessionnaires. On apprend notamment dans l’étude de l’association que, dans le cadre des problèmes de module ABS, qui interviennent en moyenne vers 48 000 km (2e), 35 % des clients ont dû régler la facture intégralement. Dans le cadre de la pompe à essence, dont les premiers dysfonctionnements se font sentir un peu avant 50 000 km, BMW n’a pris en charge les réparations que dans 37 % des cas. « Le problème, c'est que BMW refuse de reconnaître qu'il y a de vrais défauts sur certaines pièces, qui lâchent trop tôt. C'est notamment le cas avec les pompes à eau sur les derniers flat-twins, rappelle Jean-michel Fosse. On est contents que nos motos embarquent beaucoup de technologie, mais ça ne doit pas être aux dépens des organes de base. On dira ce que l'on voudra, mais il n'est pas normal d'avoir autant de problèmes avec des commodos. »
En juillet 2014, MJ consacrait un dossier spécial à la fiabilité des BMW, suite au rappel massif de la nouvelle R 1200 RT. Quatre ans plus tard, L'AFMB tire toujours la sonnette d'alarme. Toujours dans une position constructive, L'AFMB tente depuis ses débuts de se faire entendre auprès de BMW, mais en vain. La communication s'est plusieurs fois établie avec les dirigeants de BMW France, qui n'ont pas donné suite selon le président de L'AFMB. A l'occasion d'un gros dossier sur la fiabilité de la marque de Munich, paru le 3 juillet 2014 (MJ 2105), Moto Journal s'était déjà entretenu avec L'AFMB, par l'intermédiaire de son ancien président, Paul Opitz. Nous nous interrogions alors sur les difficultés rencontrées par l'association pour se faire entendre suite au problème d'amortisseur arrière sur la R 1200 RT à refroidissement liquide qui débarquait tout juste sur le marché (lire l'encadré). A tel point que 600 clients, membres de L'AFMB comme indépendants, avaient sollicité la CLCV, association nationale de défense des consommateurs et usagers, pour intenter une action contre BMW pour le préjudice subi. A la question « un recours à la CLCV est-il le seul moyen de faire entendre les revendications des propriétaires ? », Paul Opitz nous avait alors répondu : « C’est un constat, BMW Motorrad refuse absolument de reconnaître une quelconque légitimité à la plus grande association d’europe représentant ses clients, L’AFMB, et donc à ce que disent 6 100 clients [aujourd’hui, plus de 9 000 adhérents]. […] Nous comprenons que le canal de communication privilégié d’un constructeur soit son réseau de concessionnaires, mais refuser à ce point d’écouter et d’entendre ce que disent ses clients, ça s’appelle de l’autisme commercial. »
SILENCE RADIO
Quatre ans plus tard, cette politique de “silence radio” semble toujours d'actualité, puisqu'à la suite de la dernière étude menée par L'AFMB, transmise en intégralité à BMW France au mois de mars, personne n'est encore sorti du bois. Contacté par Moto Journal, BMW a simplement affirmé que « la marque gère tout en interne et met tout en oeuvre pour communiquer directement avec ses clients. » De toute évidence, pas avec les presque 10 000 clients que représente L'AFMB. « Que BMW ne nous réponde pas, peu importe, mais il faut que ça bouge ! », répète J.-M. Fosse, qui conclut : « Si BMW faisait bien son travail, L’AFMB n’existerait pas. » Au jour où nous écrivons ces lignes, BMW n'a toujours pas répondu à l'association. De toute façon, pas sûr que cela inquiète BMW, la marque venant d'enregistrer, en 2017, le septième record consécutif de ses ventes, avec 163153 motos livrées dans le monde, soit 13,2 % de plus qu'en 2016. A croire que plus le vent souffle, plus l'hélice tourne vite.