COMME AVANT ?
ÉDITO
Comme avant ?
En 1983, il y a 35 ans tout juste, à quelques jours près, je préparais puis obtenais ce Graal qui me faisait fantasmer depuis mon enfance : le permis moto. Un rêve de môme pour lequel j’avais beaucoup sacrifié – et harcelé mes parents quotidiennement. Après classique autofinancement par boulot d’été, lesdits parents plus ou moins convaincus et/ou forcés, j’avais suivi mes heures de cours comme tout le monde à l’époque, un peu à la bonne franquette. Comme tout le monde également, j’avais bossé le plateau sur un terrain pas vraiment adapté, dans la proche banlieue de Lille. En l’occurrence un parking glauque et légèrement en pente, couturé de fissures et autres joyeusetés, marqué de bandes blanches glissantes délimitant les places de bagnoles qu’on voyait rarement, hormis les traditionnelles ventouses. Où les étudiants-es, faute de bancs publics, se bécotaient fiévreusement derrière les arbres qui le bordaient dangereusement. Je m’y étais fait mes premières frayeurs de pas-encore-presque-motard. Celles qui vous laissent pâle, tremblant, même à 25 à l’heure, mais la rétine explosée de bonheur et l’irrépressible envie de continuer. En ce temps où l’on parlait très peu de stages et pas encore des vingt heures de cours obligatoires avant de passer devant l’inspecteur, ces conditions limites nous faisaient bien un peu râler, mais sans plus ; toucher du doigt son rêve autorise toutes les concessions. Et puis, à 19 ans, on est prêt à tout, y compris à apprendre dans des conditions pas vraiment faites pour ça. Les choses ont-elles tellement changé de nos jours ? Pas un mois ou presque sans que je ne découvre, partout en France, une structure “approximative”, où de futurs motards apprennent les rudiments de la conduite. Des moto-écoles ont créé ou profitent d’infrastructures dédiées et vraiment “faites pour”, donc sécurisées. D’autres, en revanche, accueillent toujours des postulants. Sur un parking peu ou pas utilisé, ou sur une portion de route désaffectée... Ce qui n’enlève bien sûr rien à la qualité éventuelle de la formation — il ne s’agit pas ici de la juger mais de constater un fait. Quoi qu’il en soit, les candidats affluent. Presque 120 000 permis ont été délivrés en France en 2016, A1, A2 et A confondus. Avec, comme d’habitude, un très fort taux de réussite. Reste le problème des permis “dormants”, ceux dont les titulaires ne roulent pas (et n’achètent éventuellement pas de moto) après les avoir obtenus. D’après les spécialistes, ils seraient au moins un million. Mais ça, c’est une autre histoire.