STARLETTES EN GOGUETTE
Est-ce qu’on aurait été plus heureux avec 200 ch “sous le capot” ? Un roadster de moyenne cylindrée, c’est bien souvent la première vraie moto qu’on achète, parce que c’est là-dessus qu’on a passé son permis. 48 chevaux (35 kw) au début, puis deux ans après, la libération : full power ! Nos quatre roadsters revendiquent peu ou prou 75 ch dans leur version libre et c’est bien assez pour s’amuser, qu’on ait deux ans ou deux décennies de permis, voire davantage. D’ailleurs, plus que leurs performances, c’est leur simplicité (pas d’électronique) et leur facilité de conduite qui font le succès des motos de cette catégorie, avec moins de 200 kilos sur la balance, mais aussi un prix contenu, autour d’un billet de 7 000 €.
PARFAITE ÉQUATION
75 ch, 200 kg, 7 000 € : l’équation du plaisir tient entre ces trois chiffres, et les vedettes sur la Croisette sont toujours les mêmes avec la Yamaha MT-07 (la star du marché, récemment retouchée), la Kawasaki Z 650 (une refonte de l’er-6n), la Suzuki SV 650 et la Ducati Monster 797, le plus petit des monstres italiens mais aussi la plus chère du lot. Des motos avec lesquelles il n’y a pas besoin d’être taillé comme un lutteur de foire pour s’amuser, encore moins de posséder un niveau de pilotage Motogp pour les exploiter. Ça tombe bien : on n’a ni l’un ni l’autre, mais des parcours bien différents, entre jeunes fous et vieux cons, à moins que ce ne soit l’inverse ! Quentin n’est pas de Montargis (que les incultes en cinématographie se replongent dans l’excellent « Taistoi ! » de Francis Weber, avec Gérard Depardieu, Ndr), mais il n’est pas bien grand non plus. Alors, du haut de son 1,70 m, ce qui l’intéresse, ce sont les hauteurs de selle, les positions de conduite. La Kawasaki Z 650 lui fait de l’oeil avec ces 790 mm, la SV 650 aussi avec une selle à 785 mm du sol, mais c’est bien sur la Kawa qu’il se sent le mieux malgré les jambes très repliées : « la selle est plus moelleuse et j’ai les deux pieds bien à plat ». Alors qu’on est assis sur un bout de bois sur la Suzuki et la Yamaha. La MT-07 reste très accessible – un petit gabarit comme la Z -, mais tout de même un peu plus haute et, la Monster 797 complètement différente. Cette Ducati donne l’impression d’une bien plus grosse moto avec son large réservoir tout en galbe, un guidon plat assez écarté, une position de conduite basculée sur l’avant, comme si l’on tenait le taureau par les cornes. Ce n’est assurément pas
la moto la plus docile de la bande, et puis elle braque comme un autobus de concours, comme toutes les Ducati, en fait. « Mais put…, qu’est-ce qu’elle est belle ! » Édouard n’est pas insensible aux charmes de l’italienne, lui qui roule sur circuit avec une Panigale. Et, forcément, il regarde la Suzuki un peu de travers : « On a le droit de dire qu’elle est moche ? » Les notions esthétiques restent très personnelles, mais il faut bien reconnaître que la première des qualités de la Suzuki n’est pas son design un peu daté, basique, sans grande magie créatrice malgré une refonte du modèle en 2016. On est à mille lieues des lignes acérées de cette nouvelle MT-07,
Un look imparable, mais aussi un mode d'emploi spécial pour la Monster 797
bien loin du style “manga” de la Z 650 calquée sur ses grandes soeurs, ou encore du charme latin de la lignée Monster qui remonte pourtant à 1993. Alors OK, miss Suzie n’est pas la plus sexy, mais en appuyant sur le bouton de cette SV 650, la magie opère bel et bien. Ça commence par un démarreur électronique sur lequel il suffit de n’appuyer qu’une fois sans insistance pour que le moteur s’anime, et ça se poursuit en musique. Là encore, l’énorme pot d’échappement latéral n’est pas le plus racé, mais sa sonorité ravit les tympans ! Celle d’un V-twin (ou L-twin puisqu’il est ouvert à 90°, comme chez Ducati) en pleine forme.
Quand ça tournicote, la Z 650 démontre qu'elle n'est pas qu'une bonne citadine
CHAMPAGNE ET BOURGOGNE
La Champagne est bien moins plate qu’elle n’y paraît, et du côté de la Côte des Bar, dans l’aube, ça tournicote gentiment entre forêts profondes, champs de colza encore en fleur et rangs de vignes à un million d’euros l’hectare sur les plus nobles coteaux. Quelques virages un peu bosselés suffisent déjà à dessiner les grandes lignes d’une hiérarchie naissante. La Yamaha MT-07 a bien progressé en suspensions (avec un amortisseur désormais réglable en détente) et n’est plus le cheval à bascule qu’on a connu auparavant. Désormais plus saine, plus stable, plus précise, elle est toujours aussi vivante. L’agilité de son châssis est appréciable, ainsi que son poids plume, mais aussi la santé de son bicylindre CP2 qui dispose d’un léger avantage de cylindrée sur les deux autres japonaises, presque 700 cm3 face à des 650 cm3. L’ensemble,
explosif dans les tours, fait qu’on a forcément envie de jouer au guidon d’une petite moto comme ça, la plus légère de la bande avec 185,2 kg relevés sur notre bascule étalonnée. Ça virevolte sans forcer, ça cabre aisément pour ceux qui savent faire (hein Édouard ?!), mais il n’y a pas nécessairement besoin d’attaquer comme un dératé pour se faire plaisir. Tout est équilibré : le châssis, le moteur, le freinage, les suspensions et, même en mode balade (ce n’est pas un mode moteur électronique, juste un état d’esprit !), on se régale sur la MT-07 avec ce moteur toujours disponible, vif et coupleux. La Suzuki n’a peut-être pas ce côté joueur aussi exacerbé que la Yam’, mais elle est très sympa aussi, à conduire comme à piloter. « Elle n’a rien de bluffant, mais elle fait tout super bien ! » résume Quentin, philosophe. Là aussi, il y a un équilibre des forces, un côté parfaitement homogène sur cette SV 650. Son moteur V2 est un régal par sa souplesse, sa rondeur, même si au banc, il se montre un peu moins coupleux que le twin parallèle de la Yamaha. Puis il y a cette sonorité rauque et grave qui accompagne chaque accélération, son freinage facile à doser (mais pas le plus efficace), ses suspensions confortables, ses commandes douces. Elle est d’ailleurs équipée d’un système d’assistance au démarrage couplé à l’embrayage, qui permet d’augmenter quelque peu le régime du moteur - même si ce n’est pas très sensible - pour rendre la route plus facilement. C’est la bonne copine, pas forcément la plus belle, mais toujours de bonne humeur, prête à vous accompagner dans toutes vos aventures. Son tableau de bord n’a pas le côté “Motogp” de celui de la Ducati, mais toutes les infos nécessaires sont là (y compris l’autonomie restante) quand l’italienne proposée 2 200 € plus chère se passe de jauge à essence et d’indication du rapport engagé, une honte à ce prix… Que ce soit sur des petites routes déglinguées ou de grandes courbes rapides, la SV se montre particulièrement rassurante, facile, saine et efficace, à part peut-être pour regarder derrière avec des rétros mal conçus.
GUIMAUVE ET VIBRATIONS
La Kawa Z 650 a un côté plus joueur, plus proche de la Yamaha MT-07 avec son moteur assez alerte, vif (Yam et Kawa partagent une même architecture de twin parallèle), son empattement court, son poids raisonnable. D’ailleurs, le Colonel refuse de la lâcher tant qu’elle tourne. Dommage, la Z pêche par des suspensions vraiment trop souples. D’un côté, ça lui apporte du confort (le Colonel apprécie, à son âge…), mais dès qu’on augmente le rythme sur route dégradée, la moto se désunit un peu, s’écrase et plonge au freinage. Le seul réglage de suspension proposé sur la Kawa est celui de précharge du ressort à l’arrière et il est difficilement accessible, planqué derrière un cache. Soyons honnêtes, il serait injuste de faire un enterrement de première classe à cette Z 650 juste pour une histoire de suspensions, mais ça vaudra assurément le coup de changer les ressorts de fourche et l’amortisseur pour des éléments de meilleure facture. De quoi profiter un
La SV joue les timides avec son look gentillet. Mais à rouler, la Suzuki fait étalage de grande qualités étant animée par un moteur explosif
peu plus des qualités de cette moto vraiment rigolote à piloter, la plus fun de toutes lorsque la route est un billard. Son twin offre d’excellentes reprises, il ravit les oreilles par son bruit d’admission prononcé, mais il vibre un peu trop dans les tours, tout en manquant un peu d’explosivité en haut. Kawasaki a installé des masselottes anti-vibrations sous les repose-pieds, ce qui ne suffit pas à vous retirer cette soudaine envie d’aller vous soulager la vessie après une bonne petite bourre ! Puis il y a ce tableau de bord un rien “bling-bling” avec ces segments de compte-tours LCD qui clignotent comme un lightshow de boîte de nuit de province, ce sticker façon “carbone de pauvre” en bas d’écran. L’ensemble, assez sombre,
n’est pas des plus lisibles. C’est tout l’inverse sur la Ducati. Ici, aucune critique sur les suspensions et, heureusement, vu le prix auquel le constructeur de Bologne propose son entrée de gamme… 8 990 € au prix de base, 9 390 € pour notre version d’essai 797+ avec son petit saute-vent et son dosseret de selle en prime : ça commence à faire cher par rapport à ses concurrentes qui se situent autour des 7 000 €. Alors oui, la Monster a d’excellentes suspensions (grosse fourche Kayaba inversée, amortisseurs Sachs réglables en précharge et détente) qui lui apportent une certaine rigueur. Son freinage est également au-dessus du lot en termes de feeling avec des étriers Brembo 4 pistons monobloc (nos mesures la placent pourtant au dernier rang), même si le frein arrière est plutôt