Salue, salaud !
Je souhaite ici rendre hommage à Roro, patron de la moto-école versaillaise qui, il y a bientôt un quart de siècle, a veillé sur mes premiers tours de roues motocylistes, hésitants et malhabiles. Ce gars, qui avait toujours la pêche et la banane, avait deux leitmotivs : « pieds-genoux-regard » et « Motard solidaire ! » Il nous a donc enseigné cette double loi immortelle : tu t’arrêtes et t’inquiètes du camarade stoppé sur le bord de la route et tu salues celui qui roule. Depuis, j’obéis scrupuleusement à ce commandement, saluant systématiquement le motard (dans l’euphorie des premiers roulages de printemps, parfois, je salue, les scooters, les solexeux, les tondeurs à gazon, les tronçonneurs ; il m’arrive même de saluer des automobilistes, qu’elles soient blondes ou brunes). Si l’on peut comprendre que la première partie de la devise soit tombée en désuétude, immolée sur l’autel de la fiabilité accrue et de la téléphonie mobile intoxifiante, rien de pourra justifier la raréfaction du salut deuzérémiste ! J’ai amèrement constaté que les motards bien confortablement installés sur leur gros cube à vingt smics étaient bien peu à saluer spontanément les p’tits gars sur leur mob, bien peu à répondre à mon vé quasi systématique. Certes, vu le nombre élevé de motards de tout poil* qui quadrillent la Corse, on pourra se dire que les vieux ronchons en ont vite classe de gigoter de la mimine toute la journée ; m’enfin, à mon avis, ce geste facile et convivial ajoute au plaisir de rouler et l’on ne peut que regretter le déclin de cette manifestation fraternelle… Sale époque (ou : c’était mieux avant ;) !).