La Sécurité routière fâchée avec les chiffres

Pour justifier le 80 km/h, entré en vigueur ce 1er juillet, la Sécurité routière s’est fendue d’un nouveau court-métrage intitulé “13 mètres”. Avec des chiffres de distances de freinage dont nous mettons en doute la pertinence, comme souvent depuis le déb

Opposant de la première heure au 80 km/h – voyez notre dernier dossier dans le numéro 2234 du 20 juin –, MJ n’allait pas laisser passer le 1er juillet sans en remettre une couche ! Cette fois, nous y sommes, les nationales bidirectionnelles sans séparateur central sont passées de 90 à 80 km/h au début du mois. Avant toute chose, un conseil : respectez scrupuleusement cette nouvelle réglementation, car, si tous les panneaux ne sont pas encore prêts, les radars, eux, le sont. Plus de 1 800 unités ont été recalibrées dans la nuit du 30 juin au 1er juillet. Certes, selon la loi, c’est bien le panneau qui fait foi et si l’on vous indique 90, vous êtes en droit de rouler jusqu’à 90 km/h. Mais, en cas de flash, il faudra vous lancer dans une procédure de contestation. En attendant, le combat contre cette mesure que nous estimons infondée continue. D’un côté, la Sécurité routière n’en finit plus de nous bourrer le crâne avec des chiffres toujours aussi flous et des scénarios conçus pour déclencher la petite larme. Et à chaque fois, elle mérite d’être contredite. Dernier exemple en date, le court-métrage “13 mètres”, qui retrace la vie d’un jeune homme, Théo, pour lequel la distance de 13 mètres prend une place particulière. Jusqu’à la dernière image : celle d’un freinage d’urgence, laissant comprendre que si Théo avait roulé à 90 km/h au lieu de 80, il se serait arrêté 13 mètres plus loin, sous le camion qui sort inopinément du chantier. L’avantage pour la Sécurité routière, c’est que ce scénario est réutilisable à l’infini et que, grâce à lui, on peut d’ores et déjà affirmer qu’en trottinette, il est encore plus facile d’éviter la collision avec le camion… Sacrée démonstration scientifique !

UNE NOUVELLE FOIS PAS CRÉDIBLE…

Plus sérieusement, une nouvelle fois, nous ne sommes pas d’accord avec les chiffres de distances d’arrêt fournis par la Sécurité routière – avec, à en croire son site internet, l’aide de l’utac-ceram. De notre côté, nous avons fait appel à nos confrères de l’automobile Magazine. Leur protocole de mesure européen, certifié ISO 9001, leur permet de sortir les vraies performances concernant ces fameuses distances d’arrêt. Selon la Sécurité routière, si l’on exclut la distance parcourue pendant le temps de réaction, il faudrait 35 m pour arrêter une voiture depuis 80 km/h et 45 m depuis 90 km/h. Soit une différence de dix mètres. Or, d’après l’automobile (numéro de juillet-août 2018 à paraître), il ne faut qu’entre 26 et 28 mètres pour stopper une voiture lancée à 80. Le chiffre grimpe entre 32 et 36 mètres depuis 90 km/h. Les différences pour chaque vitesse se faisant surtout

en fonction de la catégorie de la voiture concernée. Et, surtout, la différence entre 80 et 90 n’est pas de 13 mètres, comme le suggère le court-métrage, mais d’environ 6 mètres. En incluant le temps de réaction, elle peut éventuellement grimper jusqu’à 9 ou 10 mètres. Ces trois mètres d’écart sont anecdotiques, mais il reste que les chiffres

sont douteux et qu’une nouvelle fois, la Sécurité routière n’est pas crédible.