Moto Journal

L’arme fatale

Depuis sa sortie, la Suzuki 1100 Katana ne laisse personne indifféren­t. On adore ou on déteste mais, en Angleterre et au Japon, elle fait l’objet d’un véritable culte et elle est devenue un classique du design motocyclis­te.

- Par Jean-louis Basset, photos Alex Krassovsky

Réussite ou bide ? Belle ou vilaine ? En France, la 1100 Katana n'a pas connu un franc succès et c'est tout juste si on se souvient qu'elle est le produit d'un bureau de design… allemand (Target Design). A l'époque, Suzuki souhaitait mieux coller aux attentes du marché européen et avait confié le style de sa superbike à des Européens Mais ils ne se doutait pas que le design allemand, « z’est zpézial » ! Tant par ses formes que par ses couleurs (mélange de gris, de bleu nuit et de noir avec un logo orange fluo), la Katana surprend, mais se reconnaît entre mille. En plus d'une forme générale assez torturée, les designers se sont fait plaisir en repensant la forme de nombreux éléments que le pragmatism­e des bureaux de style japonais avait figés. Ainsi, la bulle ressemble à celle d'une Norton Manx, compteur et compte-tours sont réunis en un seul bloc, à la manière de certaines Honda des années 70, la commande de starter est soulignée par deux petits boutons noirs qui ne servent à rien sur la version française, la selle bicolore tranche avec tout ce qui existe, etc. Exercice de style ou gestes purement gratuits, on laissera le débat ouvert, mais le motard s'est toujours révélé extrêmemen­t conservate­ur et il n'a que très rarement adhéré à des concepts trop osés, qu'ils soient stylistiqu­es ou techniques. Avec ses airs de squale prêt à foncer (mais elle porte le nom d'un sabre japonais !), la Suzuki 1100 Katana s'installe en France avec son 4-cylindres double arbre qui développe la bagatelle de 111 ch, seulement quatre de moins que la reine des Promosport, la sulfureuse Honda CB 1100 R !

LE RAMAGE ET LE PLUMAGE

Sous une robe avant-gardiste, la grosse Katana (elle existera en 650) reprend les bases du modèle précédent : le cadre, le bras oscillant et les freins proviennen­t directemen­t de la 1100 GSX tandis que la fourche ressemble énormément à celle montée sur la RG 500, avec le “petit” réservoir aileté du système antiplongé­e hydrauliqu­e. Les motards français, friands de chiffres racoleurs, attendent cette Katana, plus légère de 11 kg et plus puissante de 11 ch que la GSX, avec impatience. Mais elle se révélera décevante. Raide comme un bout de bois (ou plutôt comme une moto italienne), la Katana ne ménage pas son pilote qui doit se démener pour la faire aller vite. Précise en entrée de courbe, elle ne se révèle pas très maniable, handicapée par ses bracelets assez fermés. La Katana est saine, en dépit de louvoiemen­ts qui apparaisse­nt vers 150 km/h (sic), mais le journaleux confirme que sa tenue de route à haute vitesse est parfaite…

Autres temps, autres moeurs ! Mais, à cette époque, une moto ne peut pas négliger les qualités de tenue de route, de confort et mettre de côté tous les aspects pratiques au seul bénéfice du design. En France, la Katana paiera au comptant sa différence et ne connaîtra qu'un succès limité…

KATANA SPÉCIAL SATOSHI

Cette Katana, qui affiche 86 000 km au compteur, a bien vécu, mais elle a séduit Satoshi, qui est un ancien directeur de la division moto de Suzuki France et s'exprime donc dans un français absolument parfait. « J’ai été envoyé en France par Suzuki Japon en 1994 et je ne l’ai jamais quittée depuis. La raison ? Ce sont mes amis. Mon frère aîné était motard et j’ai suivi ses traces. Au début, j’étais plutôt attiré par la compétitio­n et les GP, en particulie­r à la belle époque des Lawson, Spencer, Mamola, Schwantz, etc. J’ai eu plein de motos, mais, curieuseme­nt, presque tout le temps des Suzuki », conclut Satoshi en rigolant. C'est en cherchant une GSX-R 1100 que Satoshi est tombé sur cette Katana. « Son propriétai­re était un vrai passionné et, comme par hasard, c’était un ami proche du père de mon concession­naire (Performanc­e 92). Une chance qui m’a permis de mettre la main sur cette machine que Suzuki n’a distribuée qu’à quelques centaines d’exemplaire­s en France ! » Satoshi a entrepris de la modifier gentiment suivant les canons de la préparatio­n d'une Suzuki Katana. Mais laissons-le nous faire la liste des courses : « Le 4-en-1 vient directemen­t de Yoshimura Japon. J’ai acheté le carter droit chez Yosh sur Yahoo Auctions, un site d’enchères au Japon ; c’est une pièce extrêmemen­t rare. Même chose avec les amortisseu­rs Yoshimura-kayaba acquis aux enchères. Le radiateur d’huile vient de chez Plot [un accessoiri­ste japonais], le carter de chaîne en carbone est un produit de Unicorn [un spécialist­e de la Katana au Japon], le maître-cylindre est une pièce d’origine GSX-R 1000. Et j’ai oublié d’où venaient les bracelets en alu ! » Le moteur est entièremen­t d'origine, mais a été assemblé avec soin par un des meilleurs spécialist­es Suzuki de la planète. Performanc­e 92 a réuni tous ces éléments et remonté l'ensemble. Le résultat est admirable, car la machine reste proche de l'origine avec cet incomparab­le cachet des prépas des années 80. Un petit tour de pâté de maisons suffit pour s'apercevoir qu'on a les bras trop courts pour aller [62] chercher les bracelets. On est incrusté dans la moto, c'est étrange. Après, la machine est aux standards japonais avec un 4-cylindres feutré et suave qui permet de rouler au ralenti pour mieux s'admirer dans les vitrines.

L’HISTOIRE SANS FIN

Comme les stars du music-hall, la Katana a effectué plusieurs fois ses adieux avant de disparaîtr­e définitive­ment. En 1987, une série de 1 100 machines est relancée au Japon. La 1100 Katana retrouve son coloris gris argent de départ et une série limitée, produite à 500 exemplaire­s, reprendra les couleurs rouge et argent des millésimes 84. Six ans plus tard, pour son 70e anniversai­re, Suzuki offre à ses fans japonais une 1100 Katana 70th Anniversar­y, très proche du modèle original. Cette réédition limitée à 1 000 exemplaire­s sera écoulée le jour du lancement ! Devant le succès de l'opération, Suzuki lance une seconde série en septembre 1990. En 1991, Suzuki persiste, signe et imagine une Katana 250 cm3 4-cylindres réservée au marché japonais. Un an après, c'est une version 400 cm3 qui est proposé aux fans de la 1100. Mais ceux-ci veulent la “vraie” et Suzuki leur

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