Ducati Monster +
Ducati nous présente en exclusivité son nouveau Monster ! Oui, mais lequel ? Le Monster tout court, celui qui doit redonner du souffle au roadster emblématique né en 1993. Direction Bologne, dans l’antre du Monstre, pour voir ce qu’il a dans le ventre et discuter avec ceux qui l’ont enfanté.
J’arrive à Borgo Panigale tout seul depuis l’hôtel, en traînant mon sac d’équipement vert pétant badgé… Kawasaki. La honte, oui, mais c’est le seul qui restait à la rédac pour trimbaler mon matos… Bref, je pénètre chez les Rouges avec le visage de la même couleur, dans ce site qui concentre les bureaux d’études, l’usine, le siège et le musée Ducati. Giulio Fabbri, responsable de la communication, m’accueille et me guide vers une salle immaculée où je découvre seul le nouveau Monster, côte à côte avec le Monster 821 qu’il remplace. Une bonne chose pour réaliser l’ampleur des changements. Deux autres membres du staff Ducati ayant participé au développement me rejoignent ensuite, pour parler de ce que représente cette moto stratégique dans leur gamme, de la façon dont ils ont procédé pour renouveler cette marque dans la marque, etc. Une discussion passionnante qu’on vous relate un peu plus loin. Mais pour l’instant, faisons un saut en avant d’une paire d’heures, au guidon des deux motos citées plus haut, pour répondre à la question qui vous titille : « Alors, ça donne quoi, ce nouveau Monster ? »
REMISE EN CONTEXTE
Ça change tout ! Voilà ce que ça donne. Giulio m’invite à commencer par la 821, et je redécouvre alors ce roadster un peu à l’ancienne. Mon buste est bien basculé vers l’avant et je dois aller chercher le guidon loin devant. Quant à mes jambes, avec mon physique de sauterelle d’1,92 m, pas de miracle, elles sont très repliées. Un pilote de plus petite taille sera plus à l’aise au niveau des jambes, mais beaucoup moins au niveau des bras ! En roulant, je note une gêne au niveau du genou droit. Et pour cause, c’est le point d’ancrage entre le cadre treillis et le moteur. J’essaye alors d’ajuster un peu ma position sur la selle, mais l’assise en pente m’en empêche. Passons, je roule quelques bornes sur autoroute pour redécouvrir la bonne santé du bicylindre de 821 cm3. C’est vivant, coupleux et il y a de l’allonge. Mais rien d’explosif ni de très sensationnel non plus. Pas de quoi chahuter en tout cas le cap du Monster dont la stabilité est remarquable. La moto reste pourtant agile, et quand on arrive enfin dans les basses montagnes tournicotantes, la Monster 821 se révèle être un monstre d’efficacité. Facile à mettre sur l’angle et précise, la moto enchaîne les courbes les unes après les autres à bon rythme. Mais en cherchant à l’augmenter de quelques bpm, le poids se fait sentir et/ou garde au sol se révèle limitée. Ce Monster 821 est efficace et rigoureux, certes, mais pas sportif. Pas très fun non plus. Son poids sur le train avant invite davantage au tracé de trajectoires bien rondes qu’aux jeux du saute-mouton sur les bosses ou des improvisations. En arrivant dans un village, Giulio se gare sur une petite place et je tente de l’imiter, en manquant de me bourrer. C’est qu’il ne braque pas fort, ce Monster 821. Et il semble décidément en vouloir à mon flanc droit, ma cuisse chauffant copieusement malgré la température ambiante assez fraîche. Normal, l’échappement zigzague entre cuisse et mollet. D’ailleurs, en quittant la selle du Monster 821, j’entre en contact avec le tube, ce qui me vaudra une gaze sur le tibia. Bon, allez, on va tester la nouveauté, du coup !
DESIGN FONCTIONNEL
Grimper sur le nouveau Monster confirme instantanément tout ce que l’on imaginait en le regardant. Mieux, on comprend à son guidon pourquoi il est esthétiquement et techniquement aussi différent. Déjà, la position de conduite n’est plus comparable. On est assis plus en avant, un peu plus haut, avec un guidon plus proche de soi, et, au final, une position plus droite et naturelle. La moto est ultra-fine, mais avec les jambes au sol, on note que les arêtes de la selle coupent un peu les cuisses. En commençant à rouler, on prend vraiment la mesure de la finesse de la moto. Cette fois, mes genoux ne rencontrent plus aucun obstacle sur les flancs de la moto, et je peux la serrer efficacement avec mes jambes qui descendent sur les repose-pieds
à largeur de hanches. Malgré cette proximité avec la moto, je n’ai pas chaud aux jambes. Et en opérant un demi-tour pour suivre Giulio, je suis pris de stupeur : « Mais elle braque ! » C’est ainsi qu’en cinquante mètres à peine, on comprend les choix radicaux pris par Ducati pour son nouveau Monster. Radicaux et polémiques, puisque nombreux sont les fans de la marque à reprocher à la nouveauté sa trahison de la lignée Monster. Plus de cadre tubulaire en effet, mais une monocoque en aluminium de 3 kg seulement (soit 4,5 kg de moins que le treillis acier de la Monster 821 !), beaucoup plus étroite et intégrant de surcroît pas mal de composants électroniques dont la centrale. Plus de tubes en acier pour supporter les occupants non plus, mais une pièce moulée en polymères renforcés aux fibres de verre qui font perdre 1,9 kg. Plus de réservoir montant à la forme typiquement bombée à l’avant, mais des flancs aplatis qui plongent vers le bas et qui permettent un angle de braquage très honorable de 36°, sept de mieux que l’ancien modèle. Plus d’échappement qui s’exhibe sur les flancs droits, mais une ligne dissimulée sous la moto, et un moteur recouvert d’un nouvel habillage isolant de la
Visuellement, le nouveau Monster s’émancipe clairement des précédentes générations. La moto reste très athlétique.
chaleur. Bref, on l’a compris, les traditions n’ont pas pesé bien lourd face aux gains cumulés des “trahisons”. Le nouveau Monster pèse 18 kg de moins que l’ancien modèle, tout en étant plus puissant. Et c’est devenu en même temps une moto plus conviviale par sa position de conduite, son ergonomie et son confort thermique. Messieurs les aficionados, rendezvous et sortez votre drapeau blanc ! Ou dénichez-vous un mouchoir blanc pour sécher vos larmes…
ESPRIT ORIGINEL ?
Certes, le nouveau Monster s’éloigne des codes esthétiques de la lignée qui le précède. Mais qu’en est-il de l’esprit ? Deux roues, un moteur et un guidon, tel était le credo minimaliste du premier Monster du nom, en 1993, faisant de cette moto le premier véritable roadster au sens moderne, puissant, léger et épuré. Le nouveau Monster est sous ce prisme bien plus proche de l’ancêtre que ne l’était le Monster 821. Au guidon de la nouveauté, passé les premiers cinquante mètres déjà riches d’enseignement, on redécouvre une sportivité perdue depuis un moment (y compris avec les gros Monster 1200). Le Monster est impressionnant de vivacité et virevolte de courbe en courbe. Le train avant parvient à être précis et consistant et on sent que toute la moto le suit d’un bloc compact et léger. On se met à traquer les parcelles de bitume les plus propres pour en remettre une couche, et le Monster en redemande. Plus ça va vite et plus il donne envie d’attaquer, y compris dans cette version de présérie. Giulio explique en effet que les modèles de
Coupleuse, légère et bien équilibrée, cette nouvelle Ducati donne envie d’attaquer, mais sait aussi rester sage au besoin.
production auront eu droit à quelques ajustements supplémentaires, en ce qui concerne les réglages internes de suspensions (elles ne sont pas réglables par le pilote, à part la précharge arrière) et l’électronique, notamment au niveau de la réponse à la poignée des différents modes de conduite. Le twin réagit en effet de façon un peu brutale par moments, avec une réponse pas vraiment linéaire en fonction de l’angle de rotation de la poignée. On espère que Ducati trouvera un réglage plus fin dans cette dernière phase de développement. Pour les suspensions, en revanche, elles font déjà du bon boulot, y compris sur des routes un peu accidentées. C’est assez ferme, mais la filtration reste correcte pour un roadster sportif. Surtout, l’accord avant-arrière est déjà bon et permet d’exploiter tout le potentiel dynamique de la moto. Le nouveau Monster se montre aussi sous une nouvelle facette : celle du fun. Avec sa nouvelle position de conduite, son poids en chute libre, son moteur plus coupleux et son empattement encore plus court (1 474 mm au lieu de 1 480 sur le 821), il n’en faut pas beaucoup pour voir l’avant cabrer. Même pas besoin de coup de gâchette (le wheeling, c’est pas mon truc), il suffit de redresser rapidement la moto en sortie de courbe en soudant la poignée pour soulager le pneu avant. Et le Monster s’en donne aussi à coeur joie sur la moindre bosse. Ce comportement joueur ne fait pourtant rien perdre en précision de conduite. Il faudra juste rester méfiant dans les épingles serrées, le pneu arrière étant prompt à décrocher sous les coups de pistons dans cette phase.
DUC’ ATTAQUE DUKE
Ce nouveau Monster change donc radicalement de philosophie. L’ancien Monster 821 était une moto belle, mais orgueilleuse, qui réclamait qu’on se plie à ses caprices sans vouloir faire plus d’efforts que ça. Sa remplaçante fait cette fois tout pour séduire son pilote, et tout pour le servir aussi loin qu’il osera aller. Avec ce Monster sportif, Ducati espère ainsi séduire beaucoup plus de nouveaux clients
qu’il ne perdra de traditionalistes déçus par tant de changements. Ce Monster le mérite et en a le potentiel. Mais rien n’est encore joué, car en cherchant cette nouvelle clientèle plus jeune et sportive, Ducati se met à jouer avec les cartes des concurrentes. Des concurrentes elles aussi très affûtées, comme la nouvelle Aprilia Tuono 660, la Triumph Street Triple 765 RS et surtout la KTM Duke 890 R. En termes d’ergonomie et de sensations de conduite (également en termes de proportions sous certains angles), le nouveau Monster fait d’ailleurs immanquablement penser au roadster autrichien. La Ducati conserve comme
Le nouveau Monster fait tout pour revenir dans la course des roadsters sportifs. Tant pis pour les traditionalistes.
atout un twin à 90° de grosse cylindrée et un design moderne et soigné. Les concurrentes feront valoir leurs suspensions réglables plus haut de gamme. La bataille s’annonce donc rude, mais Ducati semble prêt à la mener. En dépit d’une moto toute nouvelle – coûteuse en développement –, d’une électronique complète de série (centrale inertielle et shifter montéedescente) et de quelques détails, comme l'embrayage à commande hydraulique, le prix du nouveau Monster ne grimpe pas par rapport à la 821, plus rustique et bien amortie.