Triumph Trident 660
Cette nouvelle Trident est avant tout destinée aux jeunes motards, puisqu’elle est taillée pour concurrencer les Yamaha MT-07, Kawasaki Z 650 et Honda CB 650 R. Du coup, cher lecteur de Moto Journal, peut-elle te séduire ? Car, soyons honnêtes, toi, t’es vieux. Ne fais pas cette tête, voyons, ça accentue tes rides…
Ne cherche pas à te convaincre du contraire, les statistiques sont contre toi. Je te rassure, elles sont contre moi aussi. La moyenne d’âge du lectorat MJ tourne autour des 45 ans, celui-ci se compose en majorité de motards expérimentés. Donc, les motos destinées aux jeunes permis, qui, au moins pour la moitié, se vendent en version A2, ne devraient logiquement pas trop t’intéresser. D’ailleurs, dans le petit Powerpoint du staff Triumph qui cible les clients potentiels de la nouvelle Trident, tu arrives en troisième position. Derrière les jeunes, les nouveaux permis A2 un peu plus âgés en quête d’une première moto, il y a toi. Toi, t’as déjà eu pas mal de brêles, mais peut-être que tu cherches une machine jolie, légère, économique, pour rouler tous les jours et mettre un peu moins de bornes aux gros cubes qui logent déjà dans ton garage. Si tel est ton cas, sois attentif, car la Trident possède de solides arguments pour te convaincre. Ah, au fait, si tu fais partie des rares jeunes qui nous lisent, reste, je vais quand même parler un peu de toi.
LE RETOUR DU COME-BACK
Donc, lecteur adoré, comme t’es vieux, mais aussi cultivé, tu te souviens que le nom Trident a déjà été utilisé par Triumph. Une première fois au début des années 70, pour désigner une 750 cm3 sportive. Une seconde fois lors de la renaissance de la marque, à l’entame des années 90, afin de nommer deux roadsters routiers de 750 et 900 cm3. Pour 2021, cette “petite” 660 annonce le retour du come-back de cette appellation toujours bien pratique et imagée quand on souhaite baptiser un trois-cylindres en ligne (si tu ne fais pas le rapport entre trois et Trident, fais gaffe, l’ehpad te guette). La marque anglaise a déjà dans ses rangs une Street Triple S de 660 cm3, elle a néanmoins décidé de refondre une bonne partie de ce moteur. Pourquoi ? Dans le but principal de le moderniser, déjà, puis de gagner le maximum de couple dès les plus bas régimes. Ainsi, le rapport d’alésage et de course a été changé : 74 x 51,1 mm contre 76 x 48,5 mm pour la Street Triple S. Ensuite, parmi la liste des 67 pièces que Triumph annonce comme nouvelles et uniquement dédiées à ce bloc, on note : les pistons, la culasse revue avec des profils de came adaptés, le vilebrequin, l’admission d’air et l’échappement, les carters moteur, l’embrayage à glissement limité, la boîte de vitesses ou encore l’alternateur et le système de refroidissement. Ça fait beaucoup de boulot et d’investissements pour pondre un autre 660 cm3, non ? Bah oui. Mais comme, très cher lecteur, du vieux singe tu ne possèdes pas que l’âge, mais aussi la malice, tu te doutes que la firme d’hinckley n’a pas dans l’idée de s’en tenir au roadster et compte bien diversifier son offre dans les moyennes cylindrées, en utilisant la fructueuse recette de la plateforme commune. À l’image, par exemple, de Yamaha avec son CP2 qui a d’abord animé la MT-07, puis les Tracer, XSR jusqu’à la récente Ténéré.
ÉLÉGANCE BRITANNIQUE
Le Teide est un immense stratovolcan qui, du haut de ses 3700 m d’altitude, porte bien ses 200 000 ans (là, côté âge, faut bien avouer que même toi, tu peux pas lutter, illustre lecteur). C’est l’une des principales attractions de l’île de Ténérife, c’est donc tout naturellement que de nombreux touristes gravitent dans ses alentours. Posés sur un parking qui offre un superbe panorama, on attend notre tour pour faire nos photos d’action. Là, un couple de jeunes retraités espagnols nous fait bien marrer. La femme s’extasie devant le paysage tout en houspillant son mari
Cette nouvelle Triumph entrée de gamme part à la conquête de motards qui, jusque-là, n’étaient pas clients de la marque
qui, pour le coup, est bien plus branché par nos bécanes que par l’immense champ de roches volcaniques qui s’étend devant lui. Difficile de lui donner tort, tant cette nouvelle Triumph a de quoi flatter la rétine. Surfant sur une allure générale classique savamment modernisée, elle renvoie une image qualitative et élégante. Elle mise sur un look moins tranchant, moins manga que ses concurrentes japonaises MT-07 et Z 650, et se place clairement dans l’esprit néo-sport-café de la CB 650 R. Les finitions sont de qualité, même si l’on note quelques éléments un poil cheap, comme la pédale de frein arrière, ou la “grosse boîte” placée sous la moto qui sert en partie de silencieux d’échappement. Notre jeune papy ibérique a finalement gain de cause auprès de son épouse, il réussit à négocier le report d’une dizaine de minutes de leur randonnée pour venir bavarder avec nous. Trépignant comme un môme, il demande s’il peut monter sur les motos pour faire une photo. Si l’opération s’avère galère sur la Tiger 900 GT de notre ouvreur, il enjambe la Trident sans le moindre souci, malgré un genou récalcitrant. Merci à la hauteur de selle de 805 mm, à l’extrême finesse du réservoir au niveau de l’entrejambe, au gabarit compact et aux 189 kg tous pleins faits qui lui permettent de relever aisément la moto et poser fièrement devant l’objectif de sa douce et tendre. Loin de moi l’idée de dire que tu es physiquement en déclin, vénéré lecteur, mais si tu en as marre des grosses bécanes encombrantes, lourdes, trop hautes et difficilement manoeuvrables moteur arrêté, cette nouvelle anglaise est calibrée pour toi.
JEUX D’ENFANT
Moins de cinq kilomètres suffisent à prendre la mesure de la moto, car tout est idéalement fait pour faciliter sa découverte. La position de conduite est parfaitement naturelle, les pieds placés dans l’axe vertical du buste, les mains posées sur un guidon d’une bonne largeur et qui remonte légèrement, les fesses assises sur une selle à peine creusée. La douceur des commandes, l’équilibre général de la machine et l’onctuosité du troiscylindres finissent d’enfoncer le clou au chapitre de la prise en main. Cette Trident peut, sans aucun problème,
être employée dans les moto-écoles. Même le rayon de braquage, un des points faibles récurrents des Street et Speed Triple, est ici suffisant pour ne pas être gênant lors des manoeuvres à faible allure. Se faufiler dans le trafic urbain est littéralement un jeu d’enfant et ça, ça devrait plaire aux débutants. Toi, honorable lecteur, t’es pas le premier venu. Tes longues années d’expérience t’ont déjà procuré une maîtrise certaine de la conduite, mais avoue que c’est toujours cool de grimper sur une moto évidente et très bien équilibrée. D’autant que côté confort, c’est plutôt pas mal. La fourche n’est pas réglable, l’amortisseur seulement en précharge et, souvent, les roadsters dans cette gamme de tarifs possèdent des suspensions souples. C’est le cas ici, avec néanmoins un comportement dynamique plus rigoureux que celui d’une MT-07, mais un poil inférieur à celui d’une CB 650 R, dont le train avant est plus précis, plus sportif et contient mieux les gros freinages. En parlant de frein, même s’ils n’ont que deux pistons, les étiers avant Nissin offrent toute la puissance nécessaire pour stopper l’anglaise. Alors que l’arrière est un pur régal quand il s’agit de venir en renfort ou corriger les trajectoires. Côté moteur, le trois-cylindres a le mérite d’être plus réactif que le quatre-pattes de la Honda, qui doit être cravaché pour donner le meilleur de ses 95 ch. Il se révèle aussi plus plaisant que le twin de la Z 650, qui cogne parfois à bas régime. Tout au long de notre journée de test, pas un moment les 80 ch de la Trident n’ont paru trop peu nombreux. Assez rond et souple pour évoluer sur un filet de gaz, le moteur prend ses tours énergiquement, dévoile une plage d’utilisation assez large et peut grimper sans s’essouffler jusqu’à 10 000 tr/mn ; bien aidé en ça par une démultiplication courte, qui facilite la vivacité des montées en régime, mais oblige à passer rapidement les trois premiers rapports. Je ne sais pas ce que t’en penses, glorieux lecteur, mais, perso, je me dis que les jeunes d’aujourd’hui ont quand même beaucoup de chance de pouvoir commencer leur parcours sur des machines aussi abouties que cette Trident. Mais il fallait au moins ça pour que la marque anglaise puisse espérer se faire une place sur le très concurrentiel segment des roadsters de moyenne cylindrée. Première étape réussie, il ne reste plus maintenant qu’à observer les premiers chiffres de ventes.