MV Agusta Superveloce 800
La Superveloce est tellement fidèle à la tradition de beauté italienne et si chargée d’histoire qu’elle semble avoir été dessinée sur un chevalet florentin à l’époque de la Renaissance, ou à celle de la domination du roi Ago. Et si sa ligne fait l’unanimi
Ce matin-là, sur les vestiges du circuit de Reims, la brume s’est levée comme un rideau de velours. Dans ce théâtre magnifique, la Superveloce s’est installée à la manière d’une grande actrice et nous a joué son meilleur rôle: une scène immobile, une tirade silencieuse. Une comédie figée qui est finalement celle qu’elle maîtrise le mieux, car c’est bel et bien sur la béquille, inclinée sur la droite comme un mannequin s’appuie sur sa hanche, qu’elle transmet le plus d’émotion. Un mur blanc délavé et un rayon de soleil blafard suffisent à la mettre en valeur. Et quand elle se met en mouvement, elle parade sur les petites départementales comme sur un podium de défilé de mode, tandis que les flashs de notre photographe révèlent à chaque déclenchement de nouveaux reflets sur sa robe grise et écarlate. La Superveloce transporte dans l’espace tout autant que dans le temps, avec des lignes tendues inspirées du passé et des traits stricts tirés du présent. Elle zigzague ainsi entre deux époques, vêtue de son coloris “Ago” qui dépeint en deux teintes son prestigieux héritage. Les motos anciennes font vibrer la corde de la nostalgie, les motos sportives celle de l’orgueil. L’italienne joue avec les deux, et c’est pour ça que l’on frémit autant.
FROM YEARS AGO*
Maintenant que nous avons assez observé son coup de crayon, partons faire un tour pour tester son coup de gaz. Je grimpe à bord de la même façon que je pénètre dans une salle d’exposition: avec circonspection et contemplation. Rien à redire sur la finition, tous les efforts ont été fournis, avec des détails particulièrement soignés, à l’image des vis de la bulle montées par l’intérieur. Une belle sangle en cuir coiffe le réservoir. Aussi inutile qu’indispensable. Contact, démarreur, première, embrayage, point de patinage, je cale. Premier constat, la Superveloce ne ressemble pas aux machines du vieux Ago uniquement par sa ligne. Elle en a aussi l’agrément! J’exagère un peu mais c’est presque ça. Elle vibre copieux, son moteur claque, les commandes sont raides, la moto est fine, le point de patinage et le de l’embrayage sont un peu flous et les demi-guidons bracelets coincent les pouces lorsqu’ils sont braqués au maximum. Heureusement, la position est tolérable. Les bracelets sont bien ouverts, positionnés assez proche du buste et un poil plus hauts que la selle. D’ailleurs, dommage que cette dernière soit aussi épaisse qu’un gant de toilette. Rien qu’en la regardant, elle fait mal aux fesses! De son côté, le tableau de bord en couleur reste dans le thème pictural. Il est esthétique, lisible et intuitif. Mention particulière pour le régulateur de vitesse et l’écran de réglage du Traction Control et de L’ABS, où une reproduction 3D de la moto s’anime en fonction de votre action. Petit coup de gueule toutefois: les voyants sont franchement illisibles! Notamment celui de la réserve, à cause duquel on est tombé en panne d’essence sur une bretelle de sortie d’autoroute... Au moins, vous savez maintenant qu’on peut faire exactement 216,40 kilomètres avec un plein, réserve comprise (on se souvient particulièrement de ces derniers 40 mètres). Ça, c’est du vrai journalisme, sportif...
F3 EN TENUE DE SOIRÉE
Dans notre quête de vérité, une question importante se posait: la Superveloce est-elle aussi plaisante à conduire qu’à regarder? Difficile
La MV Agusta Superveloce est un objet à part qui privilégie l’image à l’usage. Bien qu’elle ne soit pas contre une petite balade !
à dire, en ce qui concerne la partiecycle… Malheureusement, nous n’avons eu que 30 kilomètres de virages sur 200 bornes de petites routes en Champagne pour nous en faire une idée. En clair, on a eu le goût mais pas les bulles. Difficile, dans ces conditions limitées, de dresser un bilan très détaillé de son comportement routier. Mais on peut avancer sans trop se tromper qu’elle est tout à fait saine. Rigide, ferme de suspension, mais pas non plus “bout de bois”. Votre dos ne finira pas en copeaux. Dans les quelques grandes courbes que nous avons prises, elle nous a surpris par sa facilité incroyable à se jeter sur l’angle. Elle plonge sans inertie avec beaucoup d’agilité. L’occasion de se rappeler que notre MV n’est rien d’autre qu’une F3 800 en tenue de soirée. Une frangine avec qui elle partage donc l’intégralité de son châssis et de sa mécanique, vilebrequin contrarotatif compris. Lequel compense une partie de l’effet gyroscopique produit par les roues et explique la maniabilité surprenante de cette moto. Autres constats que l’on peut tirer de notre courte escapade: le freinage est vraiment efficace, à l’arrière comme à l’avant, malgré une attaque un peu molle à l’index. Alors que les Pirelli Rosso Corsa II — à l’attaque — font un peu mesquin pour une moto à 20000 boules (même bilan que sur la Panigale V2). Ils chauffent lentement et je me suis fait quelques frayeurs sur certaines portions de ces routes agricoles pas toujours très propres. D’autant que les assistances électroniques (et le régulateur de vitesse) ont cessé de fonctionner à mi-chemin (?!)... Aussi, au moment de souder, valait-il mieux avoir de la bouteille. Ironie du sort sur ce territoire vinicole. Le moteur, quant à lui, ne manque pas de caractère.
MUSE ROUGE
Oui, derrière ce regard de braise se cache un tempérament de feu. La Superveloce se fait pourtant discrète au ralenti, avec un bruit très décevant, voire carrément faiblard. Mais une fois énervée, lorsque l’aiguille du comptetours commence à voir rouge, vous l’entendrez gronder de la boîte à air comme aucune autre machine. Au sommet de sa colère, la détonation de son shifter vient heurter les oreilles avec le fracas d’une assiette jetée par terre. C’est trop bon. D’autant que le feeling de sa poignée de gaz gérée électroniquement est parfait (problème rédhibitoire auparavant chez MV). De plus, la boîte fonctionne plutôt bien dans l’ensemble. Elle est juste un peu raide en bas. Et l’on tombe parfois sur quelques faux points-morts entre la une et la deux, si l’on est trop doux sur le sélecteur (la moto avait moins de 1000 bornes dans les (3) pattes). Audelà de ça, elle verrouille correctement, rapidement et sans effort. Pour les plus énervés, elle tirera peut-être un poil long sur les premiers rapports. Mais pour les autres, cette démultiplication et ce moteur configuré pour l’allonge (plus de 170 km/h en fond de 2) lui donnent un côté docile et accommodant à bas et mi-régime. Sans trop souffrir de son côté “mou du genou” grâce à la rondeur du 3-cylindres et surtout à sa bonne vivacité. Pour vous donner une idée, à 80 km/h en seconde, on évolue à 7000 tr/mn sur 13000. Juste en dessous du seuil à partir duquel le moteur s’emballe. *Depuis des années