Aprilia RSV4 Factory 1100
Trois sessions de vingt minutes sur le circuit de Motogp de Misano. C’est tout ce à quoi nous aurons le droit pour tenter de se mettre dans la cadence de la toute “nouvelle” Aprilia RSV4 Factory et de ses menus changements. En entrée, on commencera par apprécier sa récente homologation Euro 5 sans perte de performance (puissance identique et 0,3 mkg en plus), obtenue par l’arrivée d’un nouveau catalyseur et accompagnée par un nouveau vilebrequin et un accroissement de la cylindrée de 1077 à 1099 cm3 (la version RR limitée à 999 cm3 disparaît de la gamme). En plat principal, on se délectera de son nouveau bras oscillant, entièrement redessiné, plus léger de 600 g et désormais constitué de trois pièces de fonderie plutôt que sept. Pour finalement, en dessert, dévorer sa nouvelle ligne du regard, inspirée de celle de la RS 660 et qui apporte notamment une nouvelle aérodynamique, suppléée d’une ergonomie inédite. À table.
EXPÉRIENCE MINIMUM EXIGÉE
Avec son moteur V4 digne d’une Motogp, sa position radicale copiée d’une superbike, son châssis ressemblant à celui d’un prototype Moto2, ses freins et son électronique qui feraient pâlir une 500 de Grands Prix et, surtout, sa plage de réglages insondable dont certains pilotes de FSBK ne peuvent rêver, l’aprilia RSV4 est probablement l’hypersportive la plus racing et la plus orientée vers la course du marché. Rendez-vous compte, on peut tout ajuster selon ses goûts et le circuit où l’on évolue : des assistances électroniques, en passant par les suspensions — pilotées sur notre version Factory — à la géométrie du châssis ! En effet, la hauteur d’ancrage du bras oscillant (qui module l’effet de chaîne), la hauteur du moteur dans le cadre (qui change le centre de gravité), ainsi que l’angle de colonne de direction (pour modifier la chasse et l’empattement) sont tous les trois réglables, depuis 2009, d’ailleurs. Aprilia a même poussé le vice en prévoyant une plage de réglages de tension de la chaîne tellement longue qu’elle permet de moduler encore un peu l’empattement. Malheureusement (ou pas…), aujourd’hui, avec le peu de temps qui nous est imparti, on n’aura pas vraiment l’occasion de jouer au pilote de développement.
Et, pour tout vous dire, on aura même un peu de mal à jouer au pilote tout court, tant la nouvelle RSV4 est performante et demande un certain bagage pour tirer une bonne partie de son formidable potentiel. Lors de la première session, je suis totalement perdu et ne mets pas une roue devant l’autre. Celle de devant ne cesse de vouloir s’envoler tandis que celle de l’arrière flotte totalement au freinage. La moto bouge dans tous les sens alors que je n’essore même pas la poignée de gaz. En vérité, c’est plutôt elle qui me sèche. Mes joues seront rouges bien avant le shiftlight, quand mes yeux s’écraseront au fond des orbites bien avant la poignée sur sa butée. Bref, j’en chie et je subis. Et je ne serai pas le seul à peiner ce jourlà. Tous mes homologues présents, pourtant (eux aussi…) habitués à essayer des tas de machines de toutes sortes, mettront au moins une session avant d’arriver à s’acclimater. Et Dieu sait qu’il fait chaud à bord de cette RSV4… Deuxième run, je songe à l’impact que ces brêles de 200 bourrins peuvent avoir sur notre physiologie, voire notre physionomie… L’expérience n’est pas seulement mécanique, elle est humaine, presque scientifique.
SUIVEZ LE RAIL
La rage dépourvue d’inertie du V4 ouvert à 65° bouscule tous les repères et les viscères. Les miens trouvent finalement leur place et mon cerveau finit par s’habituer à la vitesse et aux accélérations au fil des tours. Je commence à mettre correctement la moto en contrainte. Je prends l’ascendant sur la machine (en veillant toutefois à ne jamais la prendre de haut) et engage l’assiette avec de gros freinages et des accélérations franches. À ce moment-là, l’aprilia se révèle. Là où elle flottait lors de la session précédente, dorénavant, elle ne bouge plus. À la fois légère comme une ballerine sur les changements d’appui et stable comme un haltérophile une fois placée. Pourtant, les réglages de suspensions sont restés les mêmes tout au long de l’essai, soit sur le mode M1, qui correspond à un réglage fixe avec la configuration la plus ferme possible (les modes M2 et M3 étant plus souples). À défaut des trois modes semi-actifs A1, A2 et A3, qui modulent l’hydraulique en permanence et que je n’aurais même pas l’audace de tester en profondeur. À bord d’une bécane de près de 220 ch, on a absolument besoin de repères. Et une moto qui met un clic par-ci un clac par-là en hydraulique pendant que
La nouvelle Aprilia RSV4 est tout bonnement une moto de course… qui ne peut pas faire de courses !
vous roulez risque de vous perturber. Or, pour être efficace, pour savoir où s’améliorer et, en ce qui nous concerne, pour tirer un bilan de cette partie-cycle sur la piste, on a absolument besoin de références constantes. Et voici les premières remontées d’informations : en mode M1, avec les Pirelli slicks choisis pour l’occasion, la RSV4 est posée sur un rail qui peut vous emmener jusqu’aux quais de vos rêves ! Pour ma part, il s’agit du triple droite de la Curvone que je fantasme depuis que je regarde le Motogp… On s’y jette à fond de 4 à Mach 12 ! Je ne saurais trop vous dire à quelle vitesse précise (au-delà de 240 km/h). Le compteur sur les modes moteurs Track 1, 2 et Race (entièrement paramétrables, cf. la liste des assistances) affichant le chrono en lieu et place des km/h. Mais, quelle que soit votre vitesse, la grande cassure rapide se termine par un freinage sur l’angle qui appelle une épingle à droite. La précision chirurgicale du train avant me permet de garder un feeling énorme et de placer la moto où je le souhaite en régulant simplement la morsure des étriers Brembo Stylema. Ils sont puissants comme une molaire de pitbull et précis comme une canine de puma. On lâche les gaz et le levier pour laisser le frein moteur prendre le relais et faire “tomber” la moto à la corde. Encore une fois, sans aucune inertie. Je ressors de l’épingle Carro (n° 14) soudé en première. Le moteur racle et résonne un peu à bas régime avant d’exploser dans un hurlement rauque à haut régime. Malgré l’antiwheeling réglé sur la position intermédiaire et la lourdeur de mon pied sur le frein arrière, le nez de la RSV4 reste léger et volatile. Même calé en position limande, le réservoir me colle un uppercut à chaque passage