CF Moto 400 GT
Motards indigents, ne laissez plus la Terre tourner sans vous! Et lancez-vous à votre tour dans une grande boucle. En 2020, et de tout temps, avoir le porte-monnaie vide n’a jamais empêché d’avoir la tête pleine de souvenirs et de paysages. Moto Journal vous le prouve, avec l’expérience d’un voyage de plus de 2390 km au guidon d’une CF Moto 400 GT, machine routière neuve la moins chère du marché: 5590 €. Pour ce périple, nous nous sommes équipés d’une tenue quasiment complète et d’entrée de gamme (269 €, cf. encadré). Et si vous ajoutez à cette valeur les 137 € d’essence et 52 € d’autoroute que nous avons dépensés, vous obtenez un montant à peine suffisant (6048 €) pour financer un pack d’accessoires sur de plus grosses motos! Alors OK, l’hébergement et la nourriture n’ont pas été comptés, puisque nous avons squatté à droite et à gauche, et même au milieu, vers le Puy-en-velay... De plus, nous aurions pu dépenser encore moins d’argent si l’on avait opté pour une moto d’occasion. Mais l’opportunité était surtout trop belle pour nous de nous intéresser à la plus petite GT du marché produite actuellement. La chinoise embarque ainsi un petit bicylindre en ligne de 400 cm3 et 42 chevaux. Entièrement faite d’acier et de plastique, elle pèse tout de même 226 kg à sec. Ce poids conséquent est contrebalancé par un équipement abondant: tableau de bord couleur plein d’infos, commodos rétro-éclairés, bulle réglable manuellement, prise 12 V, prise USB, leviers de frein et d’embrayage réglables, clignotants et feu Leds… Dont la signature lumineuse est vraiment valorisante alors que la finition générale est franchement honnête. Alors, oui, il s’agit d’une moto de l’empire du Milieu.
Son origine peut générer du scepticisme. Et pour être franc, perso, j’hésite encore dans mon jugement: est-ce bien ou mal? Le couperet n’est pas tombé, bien que la lame fût sacrément aiguisée avant de partir sur cet essai. Mais ces quelque 2400 km ont suffi à émousser mon sens critique, car cette moto m’a vraiment étonné. Explications.
PROTECTION À LA HAUTEUR
Tout a commencé par une descente dans le Sud depuis Paris par l’autoroute A6, et surtout sous des trombes d’eau. Cinq cent cinquante bornes de déluge continu, qui m’auront au moins permis de tester la protection de la moto. Oui…
Dans ces conditions chaotiques et déprimantes, on est bien obligé de voir le verre à moitié plein, étant donné que le ciel s’évertue à nous balancer l’autre moitié sur la gueule. On a donc pu constater que malgré un petit gabarit, on est franchement bien à l’abri sur cette CF Moto 400 GT. Mon mètre 80 était rangé derrière la bulle (réglable), les épaules entièrement protégées et les flux d’air stoppés net jusqu’en bas du casque. La tête est un peu exposée, mais au moins, le champ de vision n’est pas encombré. Et moi qui pensais arriver totalement trempé, jusqu’à voir mon calbute se transformer en jauge pluviométrique, j’ai été surpris par la protection des carénages. Les jambes sont suffisamment à l’abri et, avec une bonne combinaison pluie, rien ne passe. Et vous savez quoi? On est plutôt bien installé sur cette sauterelle, ou plutôt ce scarabée asiatique! Le dos est droit et la selle spacieuse, un peu ferme, mais au moins, elle ne se tasse pas au fil des kilomètres. Le guidon, bien qu’un chouïa loin des fesses, offre une position de bras parfaite qui ne tend jamais les trapèzes. Du moins, pour ma morphologie. Les plus grands seront peut-être un peu gênés par la hauteur de selle assez basse (795 mm) qui fait plier inéluctablement les genoux. Mais c’est bien là le seul reproche qu’on peut faire à cette moto question ergonomie. Elle braque correctement, ses vibrations sont bien absorbées par les silent-blocs des repose-pieds et les commandes sont douces… Que demande le peuple? Du pain? CF Moto lui offre la Dacia Logan de la moto. Elle en a même la couleur.
DÉMULT’ FAÇON STUNT
“Bon, c’est bien mignon de nous parler de tes balloches mais la petite 400 chinoise elle en a assez pour supporter les 600 bornes d’autoroute?” Oui! À l’aller comme au retour, les cinq heures d’autoroute ont été une formalité. À 140 km/h, l’aiguille sympathise avec le début de la zone rouge. Pas un mot de travers, pas un signe de faiblesse. Ça roule. Le bruit de l’effort interpelle un peu au début, mais pas autant que s’il s’agissait d’un monocylindre… Donc pas de soucis, la 400 GT encaisse. Ce n’est pas un cheval de course mais un très bon double poney. À poignée de gaz constante, la courbe de la vitesse max est dessinée par le dénivelé. En montée, on perd 10 bornes, en descente, on en gagne 15. C’est plus amusant que réellement handicapant. Les 160 km/h compteur sont atteignables et, à cette allure, les 7 litres aux 100 aussi! On a connu plus économique sur une 400. Démonstration grossière que le “downsizing” n’a pas toujours de sens. Et qu’un gros moteur qui évolue sur le couple de manière constante peut aussi avoir son intérêt. Mais c’est surtout au moment d’attaquer les pentes du mont Pilat que j’ai le sentiment qu’il manquait quelques cm3 au bloc de cette moto. Ainsi, je reste un peu sur ma soif,
d’autant que ce jour-là, je squatte le shooting photo de l’équipe de Moto Revue. Et la fierté de nos couleurs est en jeu! Blague à part, le moulin est assez volontaire si on le garde dans les tours. Mais il doit constamment être au-dessus de 6500 tr/mn pour donner le meilleur de lui-même. Il peut grimper jusqu’à 11000 tours. Le vrai problème, c’est sûrement le poids qu’il doit tracter. Dont il est en partie responsable, puisque ces fonderies et carters sont les mêmes que ceux de la 650 GT (l’alésage diffère). Défaut un peu compensé lors des relances par une démultiplication de stunt à l’arrière. La couronne fait presque la taille de la jante! Elle engendre d’ailleurs quelques réactions brutales au moment de débrayer ou de couper les gaz dans les tours. Pas toujours très agréable. Pourtant, à bas régime, le moteur est tellement souple (il descend facilement sous 50 km/h en 6e sans cogner) qu’on oublie de rétrograder et qu’on roule souvent un rapport au-dessus. Il faudra solliciter un peu la boîte, rêche et un peu lente, mais probablement pas encore bien rodée au moment de notre road-trip (299 km au compteur).
LE RYTHME DANS LA PEAU
Le soleil laisse sa place à la Lune. Sa lumière est plus froide, alors on abandonne le Pilat et nos voisins de palier et on fonce dormir chez la cousine au Puy-en-velay. Où ira-t-on demain? Cette question est un luxe, gratuit, qui vaut bien plus qu’une grosse cylindrée... Et si on allait boire un jus à Marseille chez le tonton, puis dormir à Gap chez un pote? Banco. Ardèche, Cévennes, Camargue, Lubéron et Hautes-alpes, nous voilà. Devant ces immensités, la CF Moto 400 ne se sentira jamais trop petite. Elle avale les kilomètres comme un ogre avec l’appétit d’un gnome (5,6 l aux 100 km en roulant à très bon rythme!). Et si rouler en RT 1250 ne rapproche pas le départ de l’arrivée, bizarrement, rouler avec cette petite 400 rend l’aventure plus grande. Peut-être parce que sa discrétion mécanique nous laisse plus de temps et d’esprit pour contempler ce qui nous entoure? On répondra à cette question plus tard. Là, je soude sur les routes de Lozère. Et quel que soit le rythme, la CF Moto encaisse! Son comportement est étonnamment homogène et sain. Le retour d’informations est bien un peu flou, le train avant un poil lourd et l’on flotte un peu sur les suspensions lorsqu’on insiste vraiment. Mais la 400 GT s’inscrit en virage d’une manière tellement progressive, stable et naturelle qu’elle rassure. Une fois calée sur l’angle choisi, elle y reste. Sans avoir tendance à se redresser ou à se coucher davantage.
La finition de la 400 GT est franchement correcte et le gabarit, les formes et les surfaces plutôt valorisantes ! Pour ce prix, il n’y a vraiment pas d’arnaque…
On peut plonger à la corde et sonder profondément ses limites sans être en apnée. Grisant. Le profil rond des pneus chinois n’y est pas pour rien. Le grip non plus car, étonnamment, ça tient bien… même sur le mouillé. Autre chose surprenante, la CF Moto ne souffre pas de ses excès pondéraux! On la balance facilement de gauche à droite d’un coup de rein ou d’une pichenette sur le guidon. Pas de reproche à formuler sur le freinage. Suffisant à l’avant comme à l’arrière. La pédale de l’arrière étant juste un peu trop haute pour être précise, mais elle est réglable! Enfin, on note un ABS efficace et pas du tout intrusif. Pour conclure cette aventure, on est vraiment loin des productions chinoises du passé, et cette moto apporte vraiment quelque chose de nouveau sur le marché. Il n’y a pas de domaine sur lequel la 400 GT excelle, mais il n’y en a surtout aucun où elle est à la peine. Et son niveau de prestation est clairement supérieur à sa valeur pécuniaire. Outre la considération de la fiabilité, pour laquelle nous n’avons pas assez de billes pour nous permettre de trancher (si ce n’est que nous n’avons eu aucun problème après plus de 2500 km – souvent à fond – sans véritable précaution pour le rodage malgré le faible kilométrage de la moto au départ), il faut avoir conscience que les machines chinoises manquent encore d’image, notamment sur le marché de l’occasion. Aussi, acheter une CF Moto, c’est prendre le risque de perdre de l’argent ou de se marier avec. Mais au moins, vous savez maintenant que ce n’est pas une mauvaise compagne…