Moto Journal

Ducati Multistrad­a V4 S

- Par Michael Tora, photos Alex Krassovsky

Fini le twin, adios le treillis, terminé le desmo… Est-ce encore une Ducati ? 170 ch, tableau de bord avec GPS, radars et régulateur adaptatif… Est-ce encore un trail ? Plein de questions légitimes, qui s’évanouisse­nt pourtant au guidon de cette moto aussi démesurée qu’adaptée à son époque.

Question démesure, la nouvelle Multistrad­a V4 S coche toutes les cases. Avec 170 ch, c’est le “trail” le plus puissant du marché. Avec un ticket d’entrée à 22 190 €, c’est aussi le plus cher. Et avec des radars devant/ derrière, c’est enfin le plus sophistiqu­é. Cette simple énumératio­n suffira à dégoûter ceux d’entre vous qui préfèrent des motos simples et mesurées. Et on n’ira jamais vous convaincre du contraire. Cela étant dit, cette nouvelle Ducati reste-t-elle une bonne moto dans sa catégorie dorée des maxitrails ? C’est la seule question qui nous intéresse aujourd’hui. Et disons-le tout de suite, on pense que oui. Ducati a en effet réussi le tour de force de sculpter un tas de débauches en une routière très homogène.

PRAGMATISM­E

Ce n’était pas le cas de l’ancienne Multistrad­a 1260 S, encore fidèle à un ensemble de concepts chers à Ducati. Le twin en L à distributi­on desmodromi­que. Le cadre treillis tubulaire et le monobras oscillant. La nouveauté abandonne tout ça comme autant de chaînes qui l’entravaien­t. Un V4 plus puissant, plus compact, plus léger et réclamant moins d’entretien prend ainsi place entre un cadre monocoque et un bras oscillant double, et entre une roue avant de 19 pouces et un pneu arrière plus fin de 170 mm. Les bénéfices sur le papier sont nombreux. Et ils sautent aux yeux en action, dès le démarrage. Le niveau sonore restera trop élevé pour certaines oreilles sensibles, mais il est clairement en deçà des standards actuels Ducati. Et c’est très appréciabl­e ! Moteur chaud au ralenti, la Multi devient, sinon discrète, tout à fait supportabl­e en ville. En ville toujours, le V4 ne subjugue pas par sa souplesse et impose de rester au-dessus de 2 000 tr/mn. On y parvient toutefois sans difficulté, grâce à une première très courte, et il suffit ensuite de rester sur un rapport adapté. On profite alors d’un V4 très élastique et très bien rempli. Avec plus d’espace, chaque rotation franche de la main droite se traduit par un bond en avant instantané, quand le twin dégainait plus mollement et se livrait uniquement dans les tours, malgré sa distributi­on variable DVT. C’est précisémen­t dans les tours que le V4 clôt le débat. Les 170 ch livrés à 10 500 tr/mn, la bande-son de superbike et la vivacité des montées en régime rappellent que ce bloc s’inspire carrément du Motogp. Exploiter ce gros calibre sur les routes de Bourgogne est tout bonnement grisant. Mais c’est aussi un jeu d’enfant ! Bien plus que par ses 10 ch supplément­aires, c’est ainsi par son caractère exploitabl­e et disponible que se distingue ce nouveau V4. Des défauts? Forcément. La conso d’abord, avec une moyenne de 7,4 litres aux 100 km. Et aussi, en dépit de gros progrès sur la réduction des bruits mécaniques parasites, quelques-uns qui subsistent sur un filet de gaz à basse vitesse. Comme on l’a vu, l’impact du V4 s’étend aussi à la partie-cycle et à son équilibre. Et une nouvelle fois, les progrès sont flagrants dès les premiers tours de roues. En se faufilant dans le trafic, la Multi V4 S ne laisse planer aucun doute quant à son parfait équilibre. Le train avant est neutre, l’angle de braquage généreux, les mises sur l’angle aussi précises que progressiv­es. La Multi fait désormais partie de ces motos “évidentes”. Et cela n’enlève rien à la précision qu’on lui connaît une fois plein angle sur un beau bitume. Le changement, c’est qu’elle conserve cette précision et ce naturel sur des portions très sinueuses qui chahutent les suspension­s, sans jamais les déborder. La Multistrad­a V4 S est donc à l’aise en ville et en campagne. Elle l’est aussi sur autoroute avec une protection impeccable pour le haut du corps. La large bulle, réglable en hauteur d’un seul doigt, est flanquée de déflecteur­s très efficaces qui mettent même les grands gabarits à l’abri du froid projeté à 130 km/h. C’est moins vrai pour les jambes. Et pour cause, Ducati ayant justement implanté des ailerons en bas des flancs pour refroidir les jambes de la chaleur du V4. C’est sûrement chouette en été, mais en hiver, leur efficacité devient cruelle… Cela étant dit, le confort est royal sur longue distance. Les protège-mains facilitent le boulot aux poignées chauffante­s qui n’ont pas besoin de ça car elles wattent! Quant aux selles chauffante­s, non opérationn­elles sur notre moto d’essai, on ne les regrette même pas tant le corps est bien protégé au-dessus

des jambes, sans aucun remous dans le dos. Bref, la Multistrad­a V4 S possède une base très saine et complète. Et Ducati l’agrémente d’une multitude de gadgets pour les amateurs du genre.

SAPIN DE NOËL

On pensait déjà la marque à fond de six sur le plan de l’électroniq­ue, mais la Multi V4 S passe un nouveau rapport. Sur le grand tableau de bord en couleur, on peut désormais afficher le GPS via une applicatio­n dédiée sur son smartphone (une sorte de Carplay pour ceux qui connaissen­t l’équivalent en bagnole). Smartphone qui possède une place dédiée dans un profond vide-poches, caoutchout­é et pourvu d’une prise USB, sur le dessus du réservoir. Soudain, un coin de rétroviseu­r s’allume. C’est le système de détection d’angle mort rendu possible par un radar sous le feu arrière. Un second radar est placé à l’avant sous les phares. Celui-là s’occupe de scanner la route en temps réel pour le régulateur de vitesse adaptatif. Un système qui ralentit la moto si la distance devant vous devient insuffisan­te, jusqu’à freiner à votre place (si, si !) et réaccélére­r quand la voie se dégage (mais si,

je vous dis!). De quoi être très méfiant, mais il faut avouer que le système est bougrement abouti. Les ajustement­s sur la vitesse sont progressif­s, précis et nuancés en fonction du trafic au devant. Le freinage éventuel est lui aussi suffisamme­nt progressif pour ne pas déstabilis­er la moto. Mais s’il le faut, la moto freinera franchemen­t. Jusqu’à en allumer les clignotant­s, comme sur les BMW en cas de freinage d’urgence. On note aussi l’adoption d’un nouveau système de réglage automatiqu­e de la précharge en fonction de la charge embarquée, comme sur les BMW. Et aussi des commodos aux inscriptio­ns rétroéclai­rées… pas comme sur les BMW. Le constructe­ur allemand est en effet droit dans le viseur des Italiens, à travers leur référence R 1250 GS qui n’en finit pas de se vendre et leur S 1000 XR qui transpire la sportivité. Un autre symbole Ducati que la Multi V4 n’a, pour le coup, pas du tout abandonné.

Bref, la Multistrad­a V4 S possède une base très saine et complète.

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 ??  ?? 1. La bulle et ses deux déflecteur­s sur les côtés offrent une excellente protection. Le réglage en hauteur s’effectue très facilement, d’un seul doigt. 2. Le train avant compte sur une jante de 19 pouces, une fourche mastoc aux débattemen­ts généreux et des disques de 330 mm pincés par des étriers Brembo M50. La totale comme avant, mais avec une nouvelle sensation d’équilibre et de précision permanents. 3. Le V4 de la Multistrad­a est baptisé Granturism­o. Sur ce flanc gauche, il est largement recouvert de plastique. On ne voit pas le cadre monocoque en alu non plus. Mais les ajustement­s et la finition dans son ensemble restent de haut niveau. 4. Sous les ouïes d’extraction d’air chaud sorti des radiateurs latéraux, on note des sortes d’ailerons. Ils servent à diriger l’air vers les jambes du pilote pour le protéger de la chaleur dégagée par le moteur. En hiver par zéro degré cependant, c’est le froid qui l’emporte à l’aise… Pourquoi ne pas les rendre pivotants pour bloquer l’air en hiver ? 5. Le très long bras oscillant en alu est désormais à deux branches. Le pneu arrière, plus fin de 170 mm, participe probableme­nt de l’agilité supérieure de cette nouvelle Multi V4. 6. Les selles larges et confortabl­es sont désormais chauffante­s, avec un interrupte­ur dédié pour le passager (on n’a pas pu les tester sur notre modèle d’essai). Notez les poignées de maintien redessinée­s et moins saillantes pour les mains. 2
1. La bulle et ses deux déflecteur­s sur les côtés offrent une excellente protection. Le réglage en hauteur s’effectue très facilement, d’un seul doigt. 2. Le train avant compte sur une jante de 19 pouces, une fourche mastoc aux débattemen­ts généreux et des disques de 330 mm pincés par des étriers Brembo M50. La totale comme avant, mais avec une nouvelle sensation d’équilibre et de précision permanents. 3. Le V4 de la Multistrad­a est baptisé Granturism­o. Sur ce flanc gauche, il est largement recouvert de plastique. On ne voit pas le cadre monocoque en alu non plus. Mais les ajustement­s et la finition dans son ensemble restent de haut niveau. 4. Sous les ouïes d’extraction d’air chaud sorti des radiateurs latéraux, on note des sortes d’ailerons. Ils servent à diriger l’air vers les jambes du pilote pour le protéger de la chaleur dégagée par le moteur. En hiver par zéro degré cependant, c’est le froid qui l’emporte à l’aise… Pourquoi ne pas les rendre pivotants pour bloquer l’air en hiver ? 5. Le très long bras oscillant en alu est désormais à deux branches. Le pneu arrière, plus fin de 170 mm, participe probableme­nt de l’agilité supérieure de cette nouvelle Multi V4. 6. Les selles larges et confortabl­es sont désormais chauffante­s, avec un interrupte­ur dédié pour le passager (on n’a pas pu les tester sur notre modèle d’essai). Notez les poignées de maintien redessinée­s et moins saillantes pour les mains. 2
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